Flammarion (p. 236-248).
Livre V


CHAPITRE II

Les bases psychologiques de l’éducation.


§. 1 — BUT DE L’ÉDUCATION.

On parle plus que jamais aujourd’hui d’éducation morale, de la nécessité de former des hommes, de développer leur caractère, etc. C’est là matière a de beaux discours. Mais où sont les professeurs qui aient tenté de réaliser l’œuvre dont ils vantent l’utilité ? Où sont ceux qui aient même cherché à déterminer les méthodes à employer ? Les six volumes de l’enquête ne contiennent sur l’éducation proprement dite que les généralités les plus vagues. Elles montrent à quel point les notions relatives à l’éducation sont incertaines dans l’esprit de ceux qui les formulent.

Et cependant il n’est guère de sujet présentant une importance plus grande. L’instruction a certainement une utilité beaucoup moindre que celle de l’éducation. Par quoi est constituée, en effet, la valeur d’un individu  ? « Par ce qu’il a appris, c’est-à-dire par le nombre de diplômes qu’il possède, » répondra un Latin. Un Anglais ou un Américain estimeront, au contraire, que la valeur d’un homme se mesure très peu à son instruction, et beaucoup à son caractère, c’est-à-dire à son initiative, à son esprit d’observation, à son jugement et à sa volonté. Avec de telles qualités, peu importe que l’individu ait un bagage scientifique faible. Il apprendra, quand cela lui sera nécessaire, tout ce qu’il aura besoin d’apprendre, et réussira le plus souvent à devenir quelqu’un, s’il n’est pas toujours certain de devenir quelque chose. L’homme pourvu seulement de diplômes mnémoniques, n’est bon à rien si l’État ne l’utilise pas dans des carrières où, la besogne lui étant toute tracée, le dispense de la plus légère trace d’initiative, de réflexion, de décision, de volonté. Toute sa vie il restera un mineur qu’on devra diriger.

Le vrai but de l’éducation est, je le répète, de développer certaines qualités du caractère, telles que l’attention, la réflexion, le jugement, l’initiative, la discipline, l’esprit de solidarité, la persévérance, la volonté, etc. On ne les développe naturellement qu’en les exerçant. Il faut exercer surtout celles dont l’élève est le plus dépourvu. Ces qualités varient suivant les races, voilà pourquoi l’éducation adaptée aux besoins d’un peuple ne saurait convenir à un autre. Un Italien, un Russe, un Anglais et un nègre ne peuvent pas être éduqués de la même façon.

L’éducation doit fortifier le caractère d’une race et corriger ses défauts. Or, loin de tendre à améliorer nos défauts nationaux, notre régime universitaire ne fait que les développer.

Les Latins possèdent très peu d’esprit de solidarité[1], fort peu de sympathie les uns pour les autres, et nous nous empressons d’étouffer les faibles traces de solidarité qu’ils possèdent et de développer leurs rivalités et leur égoïsme par cet odieux régime de prix et de concours, si justement condamné depuis longtemps par les Anglais et les Allemands.

Les Latins ne possèdent qu’une capacité très minime d’initiative, et nous leur imposons un régime de surveillance permanente, de vie réglée, de devoirs à heures fixes, qui ne leur laisse pas, dans leurs sept à huit ans de vie scolaire, une seule minute où ils aient à prendre la plus légère décision, la plus modeste initiative. Comment auraient-ils appris à se gouverner, puisqu’ils ne sont pas sortis sans maîtres un seul jour ? Les professeurs et les parents jugeraient très redoutable de leur laisser prendre l’initiative de monter seuls en omnibus pour aller visiter un musée.

Les Latins ont fort peu de volonté, mais comment en posséderaient-ils, puisqu’ils n’ont jamais eu à vouloir quelque chose ? Enfants, ils sont dirigés dans leurs moindres actes par leurs parents ; adolescents, par leurs professeurs. Devenus hommes, ils réclament bien vite la protection de l’État, et, sans cette protection, ne savent rien entreprendre.

Les Latins sont intolérants et sectaires, ils oscillent de l’intransigeance cléricale à l’intransigeance jacobine. Mais comment en serait-il autrement, puisqu’ils ne voient autour d’eux qu’intolérance ? Intolérance iibre penseuse et intolérance religieuse. C’est toujours avec mépris qu’ils entendent traiter les opinions d’autrui. Professeurs universitaires et professeurs

congréganistes sont saturés de l’esprit sectaire et n’ont de commun que la haine réciproque qui les anime. Ce n’est pas avec de tels sentiments qu’ils pourraient guider leurs élèves dans ces régions sereines des causes, où la compréhension de la genèse des croyances remplace la haine et l’invective. L’intolérance est peut-être le plus terrible défaut des Latins, celui contre lequel une Université éclairée, possédant un peu d’esprit philosophique, devrait réagir chaque jour. La perte en bloc de leurs colonies n’a pas amené les Espagnols à faire trêve aux perpétuelles dissensions religieuses qui les déchirent. L’Italie donne le même spectacle, la France également. Il semblerait que la notion de solidarité, si puissante chez les Augla-Saxons, s’efface de plus en plus chez les peuples latins. C’est là peut-être une des principales raisons pour lesquelles ces peuples, si longtemps au premier rang de la civilisation, descendent lentement à des rangs inférieurs. À cette décadence, l’esprit universitaire, comme l’esprit congréganiste, aura contribué pour une large part.


§ 2. — MÉTHODES PSYCHOLOGIQUES D’ÉDUCATION.


Les bases psychologiques de l’éducation sont les mêmes que celles de l’instruction.

Plus encore de l’éducation que de l’instruction, on peut dire qu’elle est seulement complète lorsque le conscient est passé dans l’inconscient. Les qualités du caractère : volonté, persévérance, initiative, etc., ne sont pas filles de raisonnements abstraits et ne s’apprennent jamais dans les livres. Elles ne sont fixées que lorsque — héréditaires ou acquises — elles se trouvent devenues des habitudes échappant entièrement à la sphère du raisonnement. La morale qui discute est une pauvre morale, une morale qui s’évanouira au premier souffle de l’intérêt. Ce n’est pas par le raisonnement, mais le plus souvent à l’encontre de ses suggestions, qu’on expose sa vie avec héroïsme ou qu’on se dévoue à de nobles causes.

Toutes les qualités du caractère ne s’acquièrent pas par l’éducation. Il y en d’héréditaires, conséquence d’un long passé. Ce sont les qualités de race. Des siècles sont nécessaires pour les créer.

Mais si l’éducation ne suffit pas à donner certaines qualités, elle peut au moins développer en quelque mesure, les aptitudes n’existant qu’à un faible degré. Il devrait être de toute évidence que cette éducation du caractère ne peut se faire avec des préceptes, mais uniquement par l’expérience.

Nous avons indiqué déjà le principe général des méthodes, toujours expérimentales, sur lesquelles doit reposer l’éducation. Il faudrait écrire tout un volume pour entrer dans le détail des procédés à employer suivant les cas. Je me bornerai ici à quelques exemples, choisis parmi les plus faciles.

Développement de l’esprit d’observation et de précision. — Ces qualités de caractère sont parmi les plus utiles à acquérir et pourtant des moins répandues.

Il y a des gens, écrit S. Blakie, qui passent dans le vie les yeux ouverts et ne voient rien.

Rien d’étrange comme notre façon d’aller les yeux ouverts sans rien voir. La cause en est que l’œil, comme tout autre organe, a besoin d’exercice ; trop asservi aux livres, il perd sa force, son activité et finalement n’est plus capable de remplir son office naturel. Regardez donc comme les vraies études primaires, celles qui apprennent l’enfant à connaître ce qu’il voit et à voir ce qui autrement lui échapperait.

Faut-il des procédés bien savants pour créer les réflexes inconscients qui donneront à l’élève l’habitude d’observer exactement et de décrire avec précision ce qu’il a observé ? En aucune façon. La méthode d’enseignement est très simple, bien que peu connue.

On arrive au résultat cherché par divers moyens et notamment en utilisant les promenades où chaque objet peut fournir matière à des observations précises. Nous habituerons d’abord l’élève à ne regarder qu’un détail déterminé d’un ensemble, fût-ce simplement les fenêtres des maisons ou la forme des voitures rencontrées, et à le décrire ensuite avec netteté, ce qui exige de sa part beaucoup d’attention. Au bout de quelque temps, il percevra les moindres différences existant entre des parties de choses presque semblables. On passera alors à un autre détail des mêmes objets. Après quelques semaines, l’élève aura appris à voir d’un coup d’œil, c’est-à-dire inconsciemment, les différences séparant des groupes de formes auprès desquels il eût passé jadis sans les discerner. Si alors, au lieu de ces compositions ridicules de style où l’écolier doit décrire des tempêtes qu’il n’a pas vues, des combats de héros qu’il ne connaît que par les livres, on lui fait résumer ce qui l’aura frappé dans une simple promenade, on sera tout surpris des habitudes d’observation, de précision, et, plus tard, de réflexion, ainsi acquises. Je n’ai pas employé d’autre méthode pour apprendre, en Asie, dans des régions non explorées, couvertes de monuments en apparence semblables, à distinguer très vite les analogies et les différences de ces monuments, ce qui m’a permis de comprendre ensuite l’évolution de toute leur architecture.

Quand l’élève aura ainsi accompli quelques progrès, nous étendrons le champ de ses observations. Nous lui ferons décrire, par exemple, le magasin devant lequel il a passé, le monument qu’il a rencontré et nous l’habituerons à aider ses descriptions d’un dessin schématique sans nous préoccuper des imperfections de ce dessin, ne le considérant que comme un moyen d’abréger ses descriptions. C’est alors qu’il reconnaîtra par lui-même la difficulté de voir les détails les plus importants d’un objet qu’on croit avoir bien regardé. Essayez de reproduire de mémoire, par une description ou un dessin, un monument devant lequel vous passez tous les jours depuis des années et vous serez étonné des énormes inexactitudes et des oublis que vous commettrez alors même que votre esquisse sera parfaite au point de vue artistique. Il faut recommencer bien des fois de tels exercices pour apprendre à voir et à acquérir quelque précision dans l’observation.

Ce sont là des méthodes d’enseignement que ne comprennent guère nos universitaires. J’ai eu occasion de rencontrer en voyage, dans un des plus curieux pays de l’Europe, quelques Normaliens que j’ai observés. Regardaient-ils le pays, ses habitants, ses monuments ? Hélas ! non. Ils cherchaient dans de savants livres des jugements tout faits sur les paysages et les arts qu’ils avaient sous les yeux et ne songeaient même pas à se créer de tout cela une compréhension personnelle.

Développement de la discipline, de la solidarité, du coup d’œil, de l’esprit de décision, etc. — Les qualités que je viens d’énumérer ont une utilité capitale dans la vie et c’est pour cette raison que les Anglais tiennent tant à les développer chez les jeunes gens. Ils y arrivent par les jeux dits éducateurs, jeux qu’il serait inutile d’expliquer ici, car étant violents et parfois dangereux, les familles ne les accepteraient jamais. Les parents français sont, comme on le sait, fort craintifs pour leurs enfants[2]. D’ailleurs les directeurs d’établissements étant rendus pécuniairement responsables par les tribunaux des accidents qui se produisent, il est évident qu’aucun d’eux ne consentirait à courir de pareils risques.

Ce n’est pourtant qu’en exposant le jeune homme à quelques accidents, d’autant moins graves qu’il possédera un peu les qualités de discipline, d’endurance, de hardiesse, de décision, de coup d’œil, de solidarité, développées par ces exercices, qu’on peut lui faire acquérir de telles aptitudes. Elles font la force des Anglais, mais, pour les raisons que je viens de dire, les Latins doivent renoncer à les acquérir. Nos ridicules exercices de gymnastique ne sauraient les développer en aucune façon. Le service militaire, avec quelques campagnes lointaines, peut seul les donner un peu.

Un des plus grands bienfaits de ces jeux éducateurs des Anglais est l’esprit d’étroite solidarité qu’ils donnent à ceux qui s’y livrent. J’ai rappelé dans un de mes livres l’exemple suivant dont fut frappé plus d’un observateur.

Dans les jeux de balle avec des Anglais, les jeunes Français perdent généralement la partie, simplement parce que le joueur anglais, préoccupé du succès de son équipe et non d’un succès personnel, passe à son voisin la balle qu’il ne peut garder alors que le joueur français s’obstine à la conserver, préférant que la partie soit perdue plutôt que la voir gagnée par un camarade. Le succès de son groupe lui est indifférent, il ne s’intéresse qu’au sien propre. Cet égoïsme le suivra naturellement dans la vie et, s’il devient chef militaire, il lui arrivera parfois de laisser écraser un collègue auquel il aurait pu porter secours pour éviter de lui procurer un succès. Nous avons vu d’aussi tristes exemples dans notre dernière guerre.

Ce que les mêmes jeux éducateurs donnent également, c’est un grand empire sur soi, ce self control que les Anglais mettent au-dessus de toutes les autres qualités et qu’ils travaillent sans cesse à perfectionner quand ils ne le possèdent pas à un haut degré. Je me souviens d’une réflexion que me fit à ce propos un major anglais au mont Abou, région de l’Inde située au milieu de jungles épaisses infestées de tigres et de serpents et qu’il est fort dangereux de parcourir la nuit. Comme il sortait un soir du bungalow que nous habitions, je lui demandai où il pouvait bien aller seul dans une localité aussi mal fréquentée. Après quelques moments d’hésitation, il me répondit en rougissant que, ne possédant pas encore assez de sang-froid et d’empire sur ses nerfs, il allait s’exercer tous les soirs à en acquérir. Ce fut indirectement que je sus la nature de cet exercice. Il consistait à se poster au fond d’un ravin absolument désert et où l’on ne pouvait espérer aucun secours, pour guetter à l’affût le tigre quand il vient se désaltérer. L’attente peut durer des heures ou même une nuit entière sans succès. Pendant tout ce temps, on tâche de réfléchir sur l’utilité de dominer ses nerfs, car, lorsque le tigre a paru, on a juste deux ou trois secondes pour le viser à la tête et le tuer net. Si on se borne à le blesser, on est infailliblement perdu. L’exercice est évidemment fort chanceux, mais, après s’y être livré quelque temps, on est sûr de soi-même et on ne redoute rien dans la vie. Quand une nation possède beaucoup d’hommes ainsi trempés, elle est destinée à dominer le monde.

Développement de la persévérance et de la volonté. — De telles qualités sont le plus souvent héréditaires et ne s’acquièrent pas facilement. On peut cependant les développer quelque peu par l’éducation. Il n’y a d’autre méthode à employer que de placer le plus souvent possible l’élève dans des circonstances où il ait à réfléchir avant de se décider et de l’obliger, quand il a pris une résolution, à l’exécuter complètement. S. Blakie rapporte que le poète Wordsworth, ayant un jour résolu de faire une excursion dans une montagne, la continua malgré un violent orage, donnant pour raison « qu’abandonner un projet pour éviter un léger inconvénient est dangereux pour le caractère ».

Les Anglais connaissent bien la valeur de ces qualités viriles, et c’est pourquoi elles provoquent toujours chez eux une vive admiration, même quand ils les rencontrent chez leurs ennemis. J’emprunte au journal la France de demain l’extrait suivant d’un discours prononcé au collége d’Epsom par lord Rosebery :

Lorsque nous apprenons qu’un homme, en quelque lieu que ce soit, s’est élevé au-dessus de ses compagnons, par ses qualités viriles, nous l’admirons et nous l’honorons, sans nous soucier du pays auquel il appartient. Je veux vous donner en exemple un homme dont le nom est familier à la plupart d’entre vous. Je veux parler du colonel Marchand. C’est un Français. Il y a peu de temps, il accomplit un voyage de trois années à travers l’Afrique, de l’Ouest à l’Est, au prix d’incroyables fatigues, entouré et suivi par des sauvages qu’il sut s’attacher, et il réussit dans son entreprise d’une manière qui couronne à jamais son nom de gloire. Et j’ajoute qu’après avoir accompli son devoir il se comporta avec une telle dignité et modestie qu’il est un des hommes que les Anglais ont plaisir à honorer. L’an dernier, comme quelques-uns d’entre vous le savent, son devoir le plaça dans une collision momentanée avec les intérêts de l’Angleterre. Mais, je suis convaincu que malgré cet incident passager, si le colonel Marchand venait en Angleterre, il aurait une réception le cédant seulement à celle qu’il eut dans son propre pays. Et toujours il en a été ainsi en Angleterre. Les plus chaleureuses réceptions qui ont été faites à Londres, dans la dernière moitié du siècle, ont été faites à des étrangers.

J’ai assisté à l’enthousiasme en l’honneur de Kossuth, dont bien peu d’entre vous peut-être ont entendu parler. Les Anglais voyaient en lui un homme, et leur cœur bondissait pour le saluer. Ma mémoire d’enfant se rappelle les drapeaux et les décorations qui l’accueillirent. L’autre réception fut offerte à Garibaldi. Garibaldi fut reçu avec un tel honneur que personne jamais, excepté la princesse de Galles, à son arrivée, n’en reçut un semblable. Pour quelle raison ? Parce qu’il était un homme.

Les Latins possédant peu de persévérance et de volonté, il faudrait multiplier énormément les occasions pouvant se présenter pour eux d’exercer ces qualités maîtresses. Elles suffisent à assurer le succès d’un homme dans la vie, si modestes et difficiles que soient ses débuts. Rien ne résiste à une volonté forte et persévérante, les physiologistes savent qu’elle triomphe de la douleur même[3]. L’histoire nous montre qu’elle peut triompher aussi des hommes et des dieux et que par elle se sont fondés les plus puissants empires.

L’histoire nous apprend aussi que c’est par l’affaiblissement de leur caractère — et jamais par celui de leur intelligence — que les peuples périssent. Quand on lit les récits de la désastreuse campagne de 1870, ce qui frappe d’abord, c’est l’absence totale, chez les chefs de tout grade, des qualités de caractère. On constate en eux le même manque total de décision, de hardiesse et surtout d’initiative. Les combinaisons stratégiques des Allemands étaient des plus simples, mais les officiers, quel que fût leur grade, possédaient de l’initiative et savaient ce qu’il fallait faire dans un cas donné, alors même qu’ils ne recevaient pas d’ordres. Nous ne possédions que le courage, qualité pouvant suffire avec les petites armées de jadis qui manœuvraient sous les yeux d’un chef. Elles valaient ce que valait le chef et un homme capable suffisait pour les diriger. Aujourd’hui, chaque officier doit jouer le rôle que jouait jadis un général en chef et, dans l’avenir, le succès sera aux armées qui posséderont le plus d’officiers au caractère vigoureusement trempé. Ce n’est pas par la lecture des livres que se forment de tels hommes.



  1. Que l’on compare, par exemple, la tenue des journaux anglais après les humiliantes défaites infligées par une poignée de paysans aux armées anglaises dans le Transvaal, à celle des journaux français après l’échauffourée de Langson. Aucun journal anglais n’essaya d’ébranler le Gouvernement. Nous renversâmes le nôtre en quelques heures.
  2. « La terreur des mères françaises pénètre jusqu’au régiment, écrit M. Max Leclerc ; elle paralyse même des officiers de cavalerie. J’ai vu, pendant mon volontariat, un capitaine instructeur qui n’osait pas faire galoper nos précieuses personnes à travers champ, de peur des chutes et des réclamations des familles. »

    « Au collège anglais de Harrow, lisons-nous dans la France de demain, les élèves se rendent à la piscine, suivant leur bon plaisir, sous la seule garde des principes d’hygiène qui leur ont été inculqués. S’ils y contreviennent, tant pis pour eux. L’année dernière, l’un d’eux se noya. Dans son estomac on trouva une livre et demie de cerises. À cette occasion, tous furent réunis dans la grande salle des « speeches », et un médecin leur expliqua pourquoi leur camarade était mort. Nulle autre précaution préventive ne fut prise et les parents n’en réclamèrent pas. » Qu’on rapproche cette attitude si sage de celle de ces pères français — cités dans l’enquête — qui intentent des poursuites contre le proviseur, parce que leurs fils ont été légèrement blessés dans les jeux.

  3. Jusqu’ici, écrit le Dr Eifer, on a peu tenu compte de la volonté du sujet dans l’apparition de phénomènes regardés comme hystériques. Je rapprocherai des faits divers observés de divers côtés le cas d’un amateur européen que j’ai connu aux Indes. Ayant vu les exercices des fakirs, il voulut les imiter. En appliquant fortement sa volonté, il s’enfonçait de longues aiguilles dans les joues et dans les mains sans souffrir aucunement, et les plaies restaient exsangues. S’il négligeait de vouloir, au contraire, il souffrait et la plaie saignait. Pour gagner sa vie comme prodige, il suffit donc de vouloir, mais il faut vouloir fortement et longtemps, cela n’est pas donné à tout le monde. »