Protection des forêts au Canada, 1912/08

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II. — Notes sur le Pays entre Sudbury et Port Arthur
Par J. H. White

Partis de Sudbury nous nous sommes dirigés sur Port Arthur, de là ou Sault Ste. Marie, puis vers le nord sur l’Algoma Central. Notre objet consistait à recueillir autant de renseignements que nous pouvions sur le train ; on stoppait aux endroits où nous pouvions nous procurer des informations sur place. Les seules données de valeur que nous ayons obtenues nous ont été fournies par les agents forestiers de la Couronne et par les exploitants de bois.

Entre Sudbury et Port Arthur, on ne trouve que peu d’exploitations forestières, le long de la ligne du chemins de fer Canadien du Pacifique, puisque la plupart des rivières se dirigent vers la baie James. En conséquence, nous n’avons pas obtenu de renseignements définis sur la région située au nord du chemin de fer. Nous avons été plus heureux en ce qui regarde la partie située au sud.

La région que nous étudions fait partie du bouclier laurentien qui entoure la baie d’Hudson.[1] En général le roc est une formation de gneiss laurentien et de granit dont la surface est recouverte d’une légère couche de terre ; plus loin on découvre des régions précambriennes, elles se dirigent de Sudbury vers Sault Ste. Marie, entre Michipicoten et Missinaibi, à partir de l’est de la baie Héron jusqu’à Port Arthur et autour du lac Nipigon.

Le pays est caractérisé par une uniformité monotone. C’est un plateau entrecoupé de collines bossuées et de crêtes dont l’altitude n’est que de quelques centaines de pieds au-dessus du niveau général ; les vallées renferment des lacs, des marais et des cours d’eau. Les quelques données détaillées que nous avons obtenues avec notre mode de procéder ont été consignées sur les cartes qui suivent.



(1) DE SUDBURY À PORT ARTHUR

Le pays situé entre Sudbury et Port Arthur, et que traverse le chemin de fer, a été dévasté à un moment donné ou à différentes reprises par des incendies, sur tout le parcours, soit une distance de 550 milles. Toute cette étendue a été brûlée, sauf les marais d’épinettes. Les parties brûlées se sont recouvertes de forêts temporaires, composées de trembles, de bouleaux blancs et de pins jaunes, soit en taillis purs, soit en taillis mixtes. Mais le pays a été si souvent la proie du feu qu’il a un désert de rochers nus sur une immense étendue.

On ne connaît que peu de choses de la somme de destruction au nord et à l’est du chemin de fer. En plusieurs endroits l’incendie ne s’est pas étendu au-delà de cinq à dix milles ; en d’autres il s’est pro


Les résultats d’incendies répétés le long du chemin de fer canadien du pacifique
Côté nord du lac Supérieur, Ontario

page en trouées entre les cours d’eau à de grandes distances, dont le

nombre de milles est inconnu. En 1891, un incendie a dévasté toute la région située entre la station de chemin de fer de Pogma et la rivière Woman, sur une distance de 60 milles. Cinq ans plus tard, un autre incendie dévora cette contrée, et réduisit en cendre tout le pays entre les sources des rivières Mississaga et Spanish au nord, entre les lacs Matagaming et Pishkanogama, jusqu’à Flying Post. Une grande partie de cette région était couverte de pins blancs et de pins rouges. À l’ouest de cette partie, et au nord, entre Ridout et Chapleau, le feu a fait une trouée dans la forêt, dévorant une grande quantité de pins blancs et de pins gris. Depuis l’est de Pardee jusqu’aux lacs Windermere, les brûlés s’étendent vers le nord sur une distance d’au moins 15 milles. D’autres brûlés connus sont indiqués sur la carte. De Héron vers l’ouest le pays est très accidenté ; il est couvert d’épinettes rabougries et porte de profondes traces d’incendies ; les cours d’eau ont peu de longueur et le flottage ne peut s’y faire que quelques semaines au printemps.


Le feu n’a pas détruit de grandes étendues au sud et à l’ouest du chemin de fer, par suite de la direction des vents dominants. Toutefois, le pays a été incendié de Dalton à Grassett, dans la direction de l’ouest. À l’exception des bouleaux et des trembles, qui ont poussé après l’incendie, de quelques épinettes rouges des marais, qui ont échappé à la morsure de la mouche à scie, et de quelques groupes de pins rouges et de pins blancs ; le bois de la région est composé d’épinettes et de pins gris, l’épinette occupe les marais et les autres baissières, le pin gris les plaines sablonneuses et les crêtes rocheuses. Cependant, c’est seulement çà et là que l’on trouve des parties boisées. En plusieurs endroits, les arbres ont atteint la taille suffisante pour être utilisés comme bois de pulpe et comme traverses de chemins de fer. Dans la moitié est de ce territoire, à partir de la rivière Woman dans la direction de l’est, on trouve quelques exploitations forestières en activité, en particulier sur les eaux du Biscotasing et vers l’est jusqu’au lac Onaping. Les scieries établies le long du chemin de fer débitent approximativement un total de 10 millions de pieds de pins et un quart de million de traverses.


Les quelques colons qui habitent cette région sont éparpillés le long de la ligne du chemin de fer, et la plupart sont employés par la compagnie. Si l’on excepte quelques fermes, que l’on trouve dans des bas-fonds, à environ 25 milles de Sudbury, et quelques groupes épars le long de la ligne, sur le bord du lac Supérieur, il n’a été fait aucun essai de culture agricole.


(2) DE SUDBURY AU SAULT STE. MARIE

Le territoire situé entre l’ouest de Sudbury et Sault Ste. Marie est très différent, car ici le pin blanc domine — c’est l’extrémité ouest (les pins marchands canadiens. Tout le bois de la vallée a été exploité sous permis, mais ce pays n’a jamais été aussi boisé que la vallée de l’Ottawa, "et maintenant il n’y reste que des glanures. En conséquence, c’est aujourd’hui une forêt mixte composée de pins blancs, de pins rouges et de bois durs. Quelques fermes sont échelonnées le long du chemin de fer, et il existe aussi une région cultivée entre le lac George et la rivière White.

Ce territoire a été aussi dévasté par des incendies. En 1864, tout le côté nord qui, jusqu’en 1857, avait été couvert de bois, a été dévasté par un incendie, de Bruce Mines à la rivière Wahnapitas. En 1871, un incendie dévasta le pays au sud le la rivière French jusqu’à la rivière Sturgeon, et à l’ouest jusqu’aux sources des rivières Vermilion, Spanish et Mississaga ; on calcule que plus de 2,000 milles carrés ont été brûlés. M. J. F. Whitson du département des Terres, Forêts et Mines de l’Ontario calcule que l’incendie a dévasté, pendant les 50 dernières années, les étendues couvertes de pins et qu’elles ont été réduites de moitié au nord du lac Huron.

Au nord du centre de cette région se trouve la réserve forestière de Mississaga de 3,000 milles carrés, couverte en grande partie de pins blancs et de pins rouges, et dont la moitié a dit-on été brûlée. En cette réserve quatre townships du sud-est ont été concédés sur permis.



(3) DU SAULT STE. MARIE VERS LE NORD

Cette route n’est ouverte que jusqu’à la rivière Batchawana. La partie sud de cette région est couverte des mêmes espèces de bois que celles décrites plus haut ; mais il s’y trouve plus de bois durs (principalement des érables à sucre et des bouleaux jaunes) avec quelques pins blancs épars. Une grande partie du bois dur est sur son déclin, et le bouleau est le seul bois bon au sciage. Actuellement on abat beaucoup de bois pour faire du charbon de bois au Sault Ste. Marie.

Lorsqu’on se dirige vers le nord, on constate peu à peu la disparition des pins et des bois durs, jusqu’après une cinquantaine de milles, dans le voisinage de la rivière Agawa ; à partir de ce point, dans la direction du nord, c’est l’épinette qui remplace les autres essences. En outre des épinettes il y a aussi beaucoup de cèdres, de sapins-baumier pins gris.

La compagnie du chemin de fer de l’Algoma Central a fait arpenter cette région, dont le milieu est traversé par sa ligne qui rejoindra plus tard celle du G. T. P. La compagnie a reçu une concession de terre de 81 townships pour avoir construit le chemin de fer. La seule compagnie d’exploitation forestière de cette région, celle de l’Algoma Central, maintenant transférée à la Superior Pulp Company qui possède de grandes pulperies au Sault Ste. Marie, lesquelles transforment en pulpe 40,000 mille cordes de bois d’épinettes chaque année.

Cette région a été moins ravagée par les incendies. Mais la partie du sud a été brûlée sur une vingtaine de milles, c’est-à-dire jusqu’au point où s’arrête la colonisation au nord du Sault Ste. Marie, et au nord dans la direction du chemin de fer Canadien du Pacifique. Le pays situé entre ces sections est encore couvert de bois en grande partie. L’arpenteur A. P. Salter dans son rapport de sa ligne de base, en 1867, allant de Michipicoten vers l’est, décrit la dévastation de cette époque, déjà reculée, en ces termes : « Le pays au nord de ma ligne, le long de la ligne de partage des eaux, n’est maintenant qu’un désert sur une étendue de plus de 2,000 milles carrés. »

Ici encore la somme de terre propre à l’agriculture est quantité négligeable, bien que l’on trouve des fermiers jusque dans le township de Wa Bos, au nord.


SOMMAIRE

Tout le territoire situé au sud de la zone argileuse entre les réserves Temagami et Nipigon est merveilleusement propre à la création d’une réserve forestière pour être administrée conformément aux principes établis à cette fin ; la partie nord étant favorable à la reproduction des épinettes et des pins gris, celle du sud aux pins blancs. Parmi les réserves actuellement établies, celle de Temagami (de 5,900 milles carrés) et celle de Mississaga (de 3,000 milles carrés) ont été choisies pour la conservation du pin blanc, et celle de Nipigon (de 7,300 milles carrés) principalement pour l’épinette à pulpe. Les terres agricoles dans toute cette région sont, à vrai dire, quantité négligeable, le sol ne convient qu’à la production forestière ; la colonisation y est à peine commencée. N’ont été aliénés que les townships situés entre Sudbury et le Sault, les 81 townships le long de l’Algoma Central, 96 milles carrés sur les bords de la rivière Black près de la baie Héron, et 3,000 milles carrés dans le voisinage des sources de le rivière Spanish. La terre n’est propre qu’à la culture du bois, et bien que l’on puisse dire qu’il y a d’énormes quantités d’épinettes au nord de la ligne de partage des eaux, le bois marchand se trouve en grande partie sur les terres agricoles d’où il sera enlevé pour toujours. Le pin gris est nécessaire pour les traverses de chemin de fer, et l’on est surpris de constater la somme de ce bois encore sur pied, dans tout le nord de cette région, en dépit des incendies. Si l’on peut une fois arrêter la dévastation de l’incendie, l’avenir de la région est assuré. On n’a pas examiné le pays situé directement au nord et à l’est de Sudbury, mais on sait qu’il porte la même variété de pins blancs. Au sud de la réserve de Temagami sont quelques townships tributaires de la rivière Sturgeon, encore propriété de la Couronne, qui, d’après une estimation, renfermeraient deux billions de pieds de pins blancs. Si l’on veut faire un usage rationnel du sol, la région qui s’étend de l’ouest de Mattawa au Nipigon, avec la ligne sud de la zone argileuse, passant à travers le district de Porcupine, jusqu’à la réserve de Nipigon, comme borne au nord, devra être mise en réserve, et les subventions voulues pour sa protection contre l’incendie devront être votées. Tous les hommes de ce pays que l’on a rencontrés en ce voyage s’accordent à dire que l’on devrait réserver cette région à la production du bois.

  1. Voir « Fire Losses in Ontario », par J. F. Whitson.