Projets de trente fontaines pour l’embellissement de la ville de Paris/Planche IX


PLANCHE IX.



FONTAINE POUR LA PLACE DE LA MADELEINE.


En face du plus colossal, du plus beau monument peut-être que la ville de Paris ait à offrir aux yeux des étrangers attirés par les chefs-d’œuvre des arts qu’elle renferme, une fontaine essentiellement monumentale est une nécessité. Celle dont je donne le dessin, si elle était construite sur une grande échelle, aurait du moins un aspect imposant. Elle serait consacrée à la mémoire d’un monarque, d’un législateur ou d’un homme d’état ami des arts, des sciences et des lettres ; la statue du personnage couronnerait le monument ; autour du piédestal sur lequel elle serait placée, on représenterait, en bas-relief, le fait principal de sa vie ; sur la base octogone de ce piédestal seraient inscrites celles de ses actions qu’il n’aurait point été donné à la sculpture de retracer ; et, sur le stylobate qui recevrait cette espèce de dédicace, on verrait figurées, de ronde bosse, les statues des vertus qui l’auraient rendu célèbre. Enfin, au-dessous de ces figures, et sur toute la partie circulaire du stylobate, il régnerait un bas-relief dont le sujet serait une espèce de poème épique en faveur du héros dont on voudrait perpétuer la mémoire.

Viendrait ensuite la fontaine proprement dite. Cette fontaine se composerait de trois chutes d’eau principales et d’un grand réservoir pour les recevoir. La première formerait nappe et viendrait se rendre dans un bassin, autour duquel seize Sphinx, lançant de l’eau comme les seize Griffons placés au-dessus, seraient rangés symétriquement. La seconde chute d’eau s’opérerait par quarante-huit têtes de Lion, réparties au pourtour du second bassin, et la troisième, qui serait augmentée par le jet des Sphinx, formerait cascade avant de se rendre dans le réservoir principal. Ce dernier, circulaire comme tout le monument, serait précédé d’un large trottoir entouré de bornes protectrices.




FONTAINE DE LA PLACE DE LA BOURSE.


Cette fontaine serait placée dans l’axe du palais de la Bourse et de la rue qui porte son nom. Le garde-fou de son bassin est à jour et posé sur trois marches ; le soubassement est circulaire et couronné par un ornement découpé qui arrête les eaux et les fait bouillonner, lorsqu’après avoir produit des espèces de cascades sur les écailles du soubassement, elles tombent en nappe dans le grand bassin. Pour rompre la monotonie que pourrait produire cet effet, douze mascarons jettent de l’eau avec rapidité dans le récipient général ; la grande vasque, supportée par un pied orné de plantes et de feuilles aquatiques et qui repose sur le soubassement, est également riche de sculptures et d’ornements dans le style du palais de la Bourse ; au centre s’élève une autre vasque plus petite, mais dans le même sentiment, et de laquelle s’élance un jet d’eau bien nourri qui alimente cette fontaine d’une manière riche et convenable.




FONTAINE DE LA PLACE NOTRE-DAME.


À côté d’un monument aussi colossal qu’est l’église Notre-Dame et sur une place dont la proportion est loin d’être en rapport avec lui, il sera toujours difficile d’élever un édifice, quel qu’il soit, qui produise un effet satisfaisant. Témoin, le portail de l’Hôtel-Dieu construit par Clavareau sous l’inspiration des temples de l’antiquité, et qui, malgré sa mâle simplicité, paraît si chétif auprès du colosse gothique. Dans ma pensée, lorsque j’ai composé la fontaine dont je donne ici le dessin, j’ai considéré comme exécuté en partie le projet depuis si long-temps formé d’agrandir et de régulariser la place du Parvis Notre-Dame, et de donner à ses abords principaux une certaine symétrie. Cela m’a porté à donner à la fontaine que je lui destine la forme d’une girandole. Elle est composée de trois coupes de grandeurs différentes et variées de forme, recevant et déversant l’eau d’un jet qui traverse leurs supports. Cette disposition est peut-être la plus favorable à un tel emplacement, en ce qu’elle n’obstruerait point la vue du monument principal, qu’elle s’accorderait assez bien avec les constructions environnantes, et ne serait pas sans un certain effet, aperçue des rues qui déboucheraient sur le parvis.