Projet de constitution sénatoriale du 6 avril 1814

Projet de constitution sénatoriale du 6 avril 1814
Texte établi par Jean-Baptiste DuvergierA. Guyot et Scribe (19p. 18-19).


Projet de constitution sénatoriale du 6 avril 1814

Le Sénat conservateur, délibérant sur le projet de Constitution qui lui a été présenté par le gouvernement provisoire en exécution de l'acte du Sénat du 1er de ce mois.

Après avoir entendu le rapport d'une commission spéciale de sept membres,

Décrète ce qui suit :

Article 1er modifier

Le gouvernement français est monarchique et héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéniture.

Article 2 modifier

Le peuple français appelle librement au trône de France Louis-Stanislas-Xavier de France, frère du dernier roi, et après lui les autres membres de la maison de Bourbon, dans l'ordre ancien.

Article 3 modifier

La noblesse ancienne reprend ses titres ; la nouvelle conserve les siens héréditairement. La Légion d'honneur est maintenue avec ses prérogatives ; le roi déterminera la décoration.

Article 4 modifier

Le pouvoir exécutif appartient au roi.

Article 5 modifier

Le roi, le Sénat et le Corps législatif concourent à la formation des lois.

Les projets de loi peuvent être également proposes dans le Sénat et dans le Corps législatif. Ceux relatifs aux contributions ne peuvent l'être que dans le Corps législatif.

Le roi peut inviter également les deux corps à s'occuper des objets qu'il juge convenables.

La sanction du roi est nécessaire pour le complément de la loi.

Article 6 modifier

Il y a cent cinquante sénateurs au moins et deux cents au plus.

Leur dignité est inamovible et héréditaire de mâle en mâle, par primogéniture. Ils sont nommés par le roi.

Les sénateurs actuels, à l'exception de ceux qui renonceraient à la qualité de citoyen français, sont maintenus et font partie de ce nombre. La dotation actuelle du Sénat et des sénatoreries leur appartient. Les revenus en sont partagés également entre eux et passent à leurs successeurs. Le cas échéant de la mort d'un sénateur sans postérité masculine directe, sa portion retourne an trésor public. Les sénateurs qui seront nommés à l'avenir ne peuvent avoir part à cette dotation.

Article 7 modifier

Les princes de la famille royale et les princes du sang sont, de droit, membres du Sénat.

On ne peut remplir les fonctions de sénateur qu'après avoir atteint l'âge de majorité.

Article 8 modifier

Le Sénat détermine le cas où la discussion des objets qu'il traite doit être publique ou secrète.

Article 9 modifier

Chaque département nommera au Corps législatif le même nombre de députés qu'il y envoyait. Les députés qui siégeaient au Corps législatif lors du dernier ajournement, continueront à y siéger jusqu'à leur remplacement. Tous conservent leur traitement. A l'avenir ils seront choisis immédiatement par les collèges électoraux, lesquels sont conservés, sauf les changements qui pourraient être faits par une loi à leur organisation. La durée des fonctions des députés au Corps législatif est fixée à cinq années. Les nouvelles élections auront lieu pour la session de 1816.

Article 10 modifier

Le Corps législatif s'assemble de droit chaque année le 1er octobre. Le roi peut le convoquer extraordinairement. Il peut l'ajourner ; il peut aussi le dissoudre ; mais, dans ce dernier cas, un autre Corps législatif doit être formé, an plus tard dans les trois mois, par les collèges électoraux.

Article 11 modifier

Le Corps législatif a le droit de discussion. Les séances sont publiques, sauf le cas où il juge à propos de se former en comité général.

Article 12 modifier

Le Sénat, le Corps législatif, les collèges électoraux et les assemblées de canton élisent leur président dans leur sein.

Article 13 modifier

Aucun membre du Sénat ou du Corps législatif ne peut être arrêté sans une autorisation préalable du corps auquel il appartient. Le jugement d'un membre du Sénat ou du Corps législatif, accusé, appartient exclusivement au Sénat.

Article 14 modifier

Les ministres peuvent être membres soit du Sénat soit du Corps législatif.

Article 15 modifier

L'égalité de proportion dans l'impôt est de droit. Aucun impôt ne peut être établi ni perçu s'il n'a été librement consenti par le Corps législatif et par le Sénat. L'impôt foncier ne peut être établi que pour un an. Le budget de l'année suivante et les comptes de l'année précédente sont présentés chaque année, au Corps législatif et au Sénat, à l'ouverture de la session du Corps législatif.

Article 16 modifier

La loi déterminera le mode et la quotité du recrutement de l'armée.

Article 17 modifier

L'indépendance du pouvoir judiciaire est garantie. Nul ne peut être distrait de ses juges naturels. L'institution des jurés est conservée ainsi que la publicité des débats en matière criminelle.

La peine de la confiscation des biens est abolie.

Le roi a le droit de faire grâce.

Article 18 modifier

Les cours et tribunaux ordinaires actuellement existants sont maintenus, leur nombre ne pourra être diminué ou augmenté qu'en vertu d'une loi. Les juges sont à vie et inamovibles, a l'exception des juges de paix et des juges de commerce. Les commissions et les tribunaux extraordinaires sont supprimés et ne pourront être rétablis.

Article 19 modifier

La cour de cassation, les cours d'appel et les tribunaux de première instance proposent au roi trois candidats pour chaque place de juge vacante dans leur sein : le roi choisit l'un des trois. Le roi nomme les premiers présidents et le ministère public des cours et des tribunaux.

Article 20 modifier

Les militaires en activité, les officiers et soldats en retraite, les veuves et les officiers pensionnés, conservent leurs grades, leurs honneurs et leurs pensions.

Article 21 modifier

La personne du roi est inviolable et sacrée. Tous les actes du gouvernement sont signés par un ministre. Les ministres sont responsables de tout ce que ces actes contiendraient d'attentatoire aux lois, à la liberté publique et individuelle, et au droits des citoyens.

Article 22 modifier

La liberté des cultes et des consciences est garantie. Les ministres des cultes sont également traités et protégés.

Article 23 modifier

La liberté de la presse est entière, sauf la répression légale des délits qui pourraient résulter de l'abus de cette liberté. Les commissions sénatoriales de la liberté de la presse et de la liberté individuelle sont conservées.

Article 24 modifier

La dette publique est garantie.

Les ventes des domaines nationaux sont irrévocablement maintenues.

Article 25 modifier

Aucun Français ne peut être recherché pour les opinions ou les votes qu'il a pu émettre.

Article 26 modifier

Toute personne a le droit d'adresser des pétitions individuelles à toute autorité constituée.

Article 27 modifier

Tous les Français sont également admissibles à tous les emplois civils et militaires.

Article 28 modifier

Toutes les lois actuellement existantes restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé. Le code des lois civiles sera intitulé Code civil des Français.

Article 29 modifier

La présente constitution sera soumise à l'acceptation du peuple français dans la forme qui sera réglée. Louis-Stanislas-Xavier sera proclamé roi des Français, aussitôt qu'il aura juré et signé par un acte portant : J'accepte la Constitution ; je jure de l'observer et de la faire observer. Ce serment sera réitéré dans la solennité où il recevra le serment de fidélité des Français.


Signé le prince de Bénévent, président ; les comtes de Valence et de Pastoret, secrétaires ;
Le prince Architrésorier ; les comtes Abrial, Barbé-Marbois, Emery, Barthélemy, Belderbush, Berthollet, Beurnoville, Cornet, Carbonara, Legrand, Chasseloup, Cholet, Colaud, Davous, Degregory, Decroy,

Depère, Dembarrère, d'Haubersaert, Destutt-Tracy, d'Harville, d'Hédouville, Fabre (de l'Aude), Ferino, Dubois-Dubais, de Fontanes, Garal, Grégoire, Harwyn de Nevele, Jaucourt, Klein, Journu-Aubert, Lambrechts, Lanjuinais, Lejeas, Lebrun de Rochemont, Lemercier, Meerman, de Lespinasse, de Monbadon, Lenoir-Laroche, de Maleville, Redon, Rogers-Ducos, Péré, Tascher, Porcher de Richebourd, de Pontécoulant, Saur, Rigal, Saint-Martin la Motte, Sainte-Suzarre, Sieyes, Schimmpelpennick, Van-Den, Van de Gelder, Van-Depoll, Venturi, Vaubois, duc de Valmy, Villetard, Vimar, Van-Zuylen, Van Nyevelt.