Proclamation à l'Armée du 22 juin 1798 en mer

Proclamation à l'Armée du 22 juin 1798 en mer
C. L. F. Panckoucke, éditeur (2p. 340-341).


A bord de l’Orient, le 12 messidor an 6 (30 juin 1798).
PROCLAMATION.

Soldats !

Vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables. Vous porterez à l’Angleterre le coup le plus sûr et le plus sensible, en attendant que vous puissiez lui donner le coup de mort. Nous ferons quelques marches fatigantes ; nous livrerons plusieurs combats ; nous réussirons dans toutes nos entreprises ; les destins sont pour nous. Les beys mameloucks, qui favorisent exclusivement le commerce anglais, qui ont couvert d’avanies nos négocians, et qui tyrannisent les malheureux habitans des bords du Nil, quelques jours après notre arrivée, n’existeront plus.

Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont mahométans ; leur premier.article de foi est celui-ci : « il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète ». Ne les contredisez pas ; agissez avec eux comme nous avons agi avec les juifs, avec les Italiens ; ayez les égards pour leurs muphtis et leurs imans, comme vous en avez eu pour les rabbins et les évêques ; ayez pour les cérémonies que prescrit l’alcoran, pour les mosquées, la même tolérance que vous avez eue pour les couvens, pour les synagogues, pour la religion de Moïse et celle de Jésus-Christ.

Les légions romaines protégeaient toutes les religions. Vous trouverez ici des usages différens de ceux de l’Europe : il filul vous y accoutumer.

Léspeuples chez lesquels nous allons entrer traitent les femmes différemment que nous ; mais, dans tous les pays, celui qui viole est un monstre.

Le pillage n’enrichit qu’un petit nombre d’hommes ; il nous déshonore ; il détruit nos ressources ; il nous rend ennemis des peuples qu’il est de notre intérêt d’avoir pour amis. La première ville que nous allons rencontrer a été bâtie par Alexandre : nous trouverons a chaque pas de grands souvenirs, dignes d’exciter l’émulation des Français.


BONAPARTE.