Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1898, 6

Commission du Vieux Paris
Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1898, 6

La séance est ouverte à trois heures, sous la présidence de M. Alfred Lamouroux, vice-président.

Assistent à la séance : MM. Bruman, Formigé, Gosselin-Lenôtre, André Laugier, Longnon, Charles Lucas, Georges Montorgueil, Charles Normand, Jules Périn, Tourneux, Le Roux, Brown, Le Vayer, G. Cain.

Secrétaires : MM. Lucien Lambeau, Ch. Sellier, Tesson.

Excusés : MM. le Préfet de la Seine, Quentin-Bauchart, Labusquière, Baudin, Louis Lucipia, Sauton, Adrien Veber, Breuillé, Blondel, Chassaigne Goyon, Villain, Froment-Meurice, Levraud, Arsène Alexandre, Augé de Lassus, Bunel, Jules Claretie, Léopold Delisle, Ed. Detaille, Jules Guiffrey, Mareuse, Victorien Sardou, Viollet, Bouvard, Defrance, Hyerard.

À l’ouverture de la séance M. Jules Périn, au nom de ses collègues de la Commission du Vieux Paris, tient à féliciter M. le Vice-président Alfred Lamouroux de sa récente nomination comme chevalier de la Légion d’honneur, et à lui exprimer toute la satisfaction qu’ils ont éprouvée de cette distinction si méritée à des titres divers et surtout par l’initiative qu’il a prise en vue de la constitution de la Commission.

M. Alfred Lamouroux remercie vivement M. Jules Périn, et la Commission tout entière, pour les aimables paroles qu’il vient de prononcer en son nom. La distinction dont il a été l’objet a été surtout la récompense des travaux et des services déjà rendus par la Commission du Vieux Paris.

M. Jules Périn répond que M. Alfred Lamouroux est trop modeste de ne considérer la distinction dont il a été l’objet que comme « la croix au drapeau » autour duquel la Commission est fière d’être rangée.

M. le Président soumet au vote de la Commission la rédaction du procès-verbal de la dernière séance.

Le procès-verbal est adopté.

M. le Président annonce que la Commission de permanence a jugé nécessaire d’augmenter le nombre du tirage des procès-verbaux de la Commission.

Ce tirage serait porté de 500 exemplaires à 1,000.

La Commission de permanence a, de plus, décidé que ces documents seraient mis en vente à un prix qui serait fixé d’accord avec le concessionnaire. Il propose à la Commission de charger MM. Brown et Lucien Lambeau d’entamer des négociations à ce sujet avec M. Champion, libraire, chargé déjà de la vente des publications de la Ville ; ces négociations devant, bien entendu, avoir lieu après avis de M. le Préfet de la Seine, président de la Commission, et de M. le Syndic du Conseil municipal, qui ont bien voulu mettre l’Imprimerie municipale à la disposition de la Commission.

M. Ch. Lucas rappelle que la Commission de permanence avait également désigné M. Le Vayer pour étudier les conditions dans lesquelles les procès-verbaux de la Commission pourraient être mis en vente.

M. Le Vayer pense que la question a besoin d’être étudiée de près au point de vue de la recette à effectuer et du chapitre budgétaire auquel elle devra être rattachée.

La Commission décide que M. Le Vayer sera adjoint à MM. Brown et Lucien Lambeau.


LECTURE DE LA CORRESPONDANCE.


M. le Président donne lecture de la lettre suivante, relative aux fragments de sculpture de Notre-Dame :

« À Monsieur le Préfet de la Seine.
Paris, le 4 juin 1898.
Monsieur le Préfet,

« Le 16 mai dernier vous m’avez fait connaître que la Commission du Vieux Paris avait exprimé le désir qu’un certain nombre de fragments de sculpture déposés à l’abside de la cathédrale soient transportés sous les portiques de Carnavalet.

« J’adhère volontiers à la translation dont il s’agit, sous la réserve que les fragments seront choisis par M. l’Inspecteur général de Baudot, assisté de M. l’architecte diocésain Selmersheim et d’un commun accord avec le conservateur du musée Carnavalet.

Recevez, Monsieur le Préfet, l’assurance de ma considération très distinguée.

« Le Garde des sceaux, Ministre de la Justice et des Cultes,
Signé : Milliard. »


M. Georges Cain répond qu’il a bien connaissance de la lettre en question, mais qu’il attend toujours la fixation d’un rendez-vous pour le choix des pierres à transporter au musée Carnavalet dans les conditions indiquées.

M. le Président prie M. Georges Cain de vouloir bien prendre l’initiative de ce rendez-vous.

M. Formigé pense que le mieux serait de s’entendre avec M. Selmersheim.

M. Georges Cain répond qu’il fera le nécessaire dans ce sens.

La Commission décide que M. Charles Lucas se joindra à M. Georges Cain pour le choix des fragments en question.

M. Le Roux, directeur des Affaires départementales, annonce que la démolition de la prison de Mazas aura prochainement lieu. Il pense que peut-être la Commission voudra faire une dernière visite à cette prison avant sa disparition.

M. Jules Périn, à ce propos, fait la communication suivante :

« La prison de Mazas, maison de détention modèle, fut destinée à recevoir les prisonniers détenus à la vieille Force, située rue des Ballets (quartier Saint-Antoine).

« Sur l’emplacement des bâtiments de la Force a été ouverte une rue qui a joint la rue Saint-Antoine à la rue des Francs-Bourgeois.

« La prison de Mazas, sur le boulevard Mazas, œuvre des architectes Émile Gilbert et Lecointe, exigea cinq années de travaux. Elle fut achevée vers 1850.

« Au dernier Salon de 1898 se voyait un dessin de la chapelle, qui mériterait de prendre place au musée Carnavalet. »

Renvoyée à la 3e Sous-commission.

M. le Président remercie M. Le Roux de sa communication ; la 1re Sous-commission pourra prendre jour pour la visite de la prison dont il s’agit.

M. le Président donne ensuite lecture de l’extrait d’une lettre qu’a bien voulu lui adresser M. Delalande et qui est relative aux anciens vitraux des églises de Paris :

« Paris, le 26 juin 1898.
Mon cher Monsieur Lamouroux,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« J’ai lu avec le plus grand intérêt ces procès-verbaux, et l’inventaire dressé par M. Carot, des vitraux anciens existant encore dans nos monuments, a particulièrement attiré mon attention.

« Malgré toute la conscience qu’a apportée dans son étude l’artiste distingué et si compétent dont tous nous apprécions le réel talent, permettez-moi de vous signaler une petite lacune dans son travail et de préciser, à l’aide de mes souvenirs personnels, certaines incertitudes.

« Les trois grandes rosaces de notre belle cathédrale et non deux seulement, comme il l’indique, sont garnies de leurs vieilles verrières. L’ami Carot a oublié de citer celle de la façade occidentale, malheureusement cachée en partie par le grand orgue, qui est d’une puissance de coloration extraordinaire vers quatre heures de l’après-midi.

« La composition en est originale, bien qu’assez fréquente au XIIIe siècle, sans être partout aussi complète : au centre, la Vierge mère, entourée des prophètes qui forment la première zone ; dans les deuxième et troisième zones sont représentées, dans la partie supérieure, les vertus avec leurs emblèmes, combattant les vices, et dans la partie inférieure, les caractéristiques des travaux des mois de l’année, en regard des signes du Zodiaque. Une reproduction de cette rose a été publiée sous la direction de M. Albert Lenoir, et, quoique assez rare, il doit encore en exister quelques exemplaires chez les marchands des quais.

« C’est celle-là qui a été restaurée en 1855 par Coffetier et Steinheil. Les deux autres l’ont été par mon maître, Alfred Gérente ; celle du transept Sud, de 1859 à 1860, date de mon entrée à son atelier, et celle du transept Nord, à laquelle j’eus l’honneur de collaborer un instant, vers 1864.

« C’est, en effet, à la suite du concours de 1838, dans lequel Henri Gérente, le frère de mon maître, obtint le 1er prix, que fut décidée la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle ; mais il fut enlevé par le choléra en 1839, avant d’avoir pu commencer. Ces travaux furent alors confiés aux titulaires du second prix, c’est-à-dire à la maison Lusson, disparue aujourd’hui, avec la collaboration artistique de Steinheil, beau-frère de Meissonier, mort lui aussi. Ce fut, d’ailleurs, le point de départ de la glorieuse carrière que devait parcourir cet éminent artiste dans ce si bel art du vitrail.

« Je crois devoir aussi vous signaler l’existence, dans une petite chapelle absidale, à droite, de l’église Saint-Germain-des-Près, de deux petites verrières de la même école de décadence que celles de la Sainte-Chapelle, dont on pourrait presque croire qu’elles ont été détachées.

« Bien que ces renseignements ne présentent qu’un intérêt relatif, j’ai cru néanmoins devoir vous les communiquer, vous laissant juge de leur utilité.

« Agréez, mon cher Monsieur Lamouroux, l’expression de mes sentiments les plus cordialement dévoués.

Signé : Delalande, 105, rue Notre-Dame-des-Champs. »

M. le Président pense que la communication de M. Delalande, quoiqu’écrite au courant de la plume, présente un certain intérêt documentaire. Il propose à la Commission d’adresser des remerciements à l’auteur de la lettre.

M. Formigé se range à cette opinion tout en relevant l’expression de décadence contenue dans la lettre de M. Delalande. Il estime qu’il n’y a pas eu d’époque de décadence dans l’art des vitraux pendant la période du XIIIe au XVIIIe siècle. À des points de vue différents, les vitraux fabriqués à ces époques sont d’un haut intérêt artistique.

M. Charles Lucas rappelle que la reproduction lithographique de cette rose de la façade occidentale de Notre-Dame-de-Paris est une des planches comprises à la fin du tome II de l’atlas de la Statistique monumentale de Paris sous le titre de monographie non terminée de Notre-Dame-de-Paris.

La Commission décide que des remerciements seront adressés à M. Delalande pour les renseignements intéressants qu’il a bien voulu communiquer.

M. le Président donne lecture d’une lettre de la Société d’archéologie de Bruxelles sollicitant le service des procès-verbaux de la Commission.

La Commission décide que le service sera fait.

M. Charles Lucas estime que la Commission pourrait demander en échange, à cette société, l’envoi des quatre fascicules de ses annales.

Cette proposition est adoptée.

M. le Président donne lecture des communications suivantes adressées par M. le Maire de Turin en réponse à la demande relative à la conservation des monuments anciens :

« Turin, le 7 juin 1898.
« À Monsieur le Préfet de la Seine, président de la Commission du Vieux Paris.

« Le directeur du Bureau pour la conservation des monuments du Piémont et de la Ligurie m’a envoyé une réponse détaillée à votre lettre de mars passé relativement à la Commission du Vieux Paris.

« J’ai l’honneur de vous transmettre une copie de cette réponse en vous priant d’accepter les sentiments de ma plus haute considération.

« Pour le maire de Turin :
Signé : C. Rinio. »


« Copie d’une lettre du 27 mai 1898, no 4286, émanant du Bureau régional pour la conservation des monuments du Piémont et de la Ligurie, lettre adressée à M. le maire de la ville de Turin, et concernant la Commission du Vieux Paris.

« En réponse à votre note du 18 mars 1898, no 529, dans laquelle on me demande les renseignements nécessaires pour que votre administration municipale puisse répondre à une lettre de M. le Préfet de la Seine (France), dans laquelle sont demandés des détails sur le service de la Conservation des monuments de Turin, et plus particulièrement sur la recherche des restes de la vieille ville, j’ai l’honneur, Monsieur le Maire, de vous rappeler que la ville de Turin n’a pas de commission chargée spécialement d’étudier les restes de la vieille ville, mais que l’étude de ses antiquités s’est toujours faite et assez couramment de diverses manières, savoir :

« 1o Par l’Académie des sciences de Turin, et par la Société locale d’archéologie et d’art, ainsi que par les fonctionnaires que l’État a nommés dans tout le royaume pour l’étude et la conservation des monuments.

« Quelques villes italiennes ont d’ailleurs des règlements spéciaux concernant la conservation de leurs monuments ; les autres, comprenant presque toutes les administrations municipales, ont, par suite de la circulaire no 96 du 29 juin 1892, émanant du Ministère de l’Instruction publique, adopté à cet effet, dans leurs règlements édilitaires ou de police urbaine, trois articles suggérés par ladite circulaire.

« En outre de cette surveillance générique de la part des municipalités, il y a, comme je l’ai dit, celle qui est exercée directement par le gouvernement dans tout l’État par l’intermédiaire du Ministère de l’Instruction publique, et qui s’applique naturellement à notre ville.

« Le Ministère a dans ce but créé des institutions spéciales qui sont :

« 1o Les inspecteurs régionaux des excavations et des monuments institués par décret du 28 mai 1875, et nommés dans chaque arrondissement par le Ministère de l’Instruction publique. Leur charge est honorifique, et ils ont pour mission spéciale d’aviser le Ministère et les bureaux régionaux des faits qui concernent les découvertes d’antiquités ou la conservation des monuments dans leurs villes ou dans leurs arrondissements respectifs.

« 2o Les commissions conservatrices des monuments instituées, par décret du 5 mars 1876, auprès de chaque chef-lieu de province. Les membres de ces commissions consultatives sont nommés par le Ministère, par les conseils provinciaux respectifs et par les communes chefs-lieux de province. Elles se rassemblent ordinairement sur l’invitation du Préfet qui les préside, et elles indiquent au Ministère de l’Instruction publique les découvertes d’antiquités et les monuments qui méritent d’être conservés ou réparés ; elles en étudient à l’occasion l’importance artistique et historique.

« 3o Les bureaux régionaux pour la conservation des monuments institués par décret du 28 juin 1891 et siégeant dans le chef-lieu de chaque région. Ces bureaux dépendent directement du Ministère de l’Instruction publique, lequel leur confie l’étude et l’exécution des travaux de conservation et de restauration des monuments au moyen d’un personnel approprié.

« 4o Enfin une commission dite Junte supérieure des Beaux-arts, corps consultatif composé de membres nommés par le Ministère même, et par les artistes des diverses villes italiennes, Junte qui se réunit ordinairement deux fois par an au Ministère de l’Instruction publique pour donner son avis sur les plus importantes questions d’enseignement artistique et de conservation des monuments. Les règles qui fixent le fonctionnement, de ce service sont établies par des circulaires spéciales, adressées aux fonctionnaires susdits, mais spécialement aux bureaux régionaux, parce que c’est à eux qu’est confiée l’exécution des travaux. Ces circulaires étaient autrefois communiquées au moyen d’imprimés ad hoc ; aujourd’hui, au contraire, elles sont publiées dans le Bulletin du Ministère de l’Instruction publique, lequel consentira, je pense, à en donner une copie sur la demande de notre municipalité.

« Les lois et décrets qui Concernent la conservation des monuments, ainsi que l’exportation des objets d’art et d’antiquité, varient selon les régions, la législation qui réglait ce service dans les anciens États qui divisaient la péninsule, avant la fondation du nouveau royaume d’Italie, étant toujours en vigueur. Le recueil de ces lois, décrets et règlements a été publié par les soins du Ministère de l’Instruction publique chez l’éditeur Salvinein, Rome, 1881.

« Les fonds nécessaires aux frais de la conservation et de la restauration des monuments sont fournis par le Ministère de l’Instruction publique auquel servent d’intermédiaires les bureaux régionaux, qui, à cet effet, reçoivent, du Ministère des Cultes et des économats régionaux pour les bénéfices vacants, une dotation spéciale sur le fonds destiné au culte ; par les provinces ; par les municipalités ; par les personnes morales et par les particuliers, tantôt associés et tantôt isolés.

« La conclusion, pour ce qui concerne la ville de Turin, de ce qui fait l’objet de la présente lettre, est que cette ville, comme chef-lieu de province et principale cité de la région piémontaise, est le siège :

« a. — D’une commission conservatrice des monuments ;

« b. — D’un inspecteur régional pour les excavations d’antiquités ;

« c. — D’un inspecteur régional pour les monuments ;

« d. — D’un bureau régional pour la conservation des monuments.

« En outre de la surveillance exercée, en ce qui regarde l’art et l’archéologie de la ville, par les personnalités gouvernementales susdites, l’Administration municipale prend aussi soin des monuments d’une manière qui lui est propre, par l’action de son bureau technique édilitaire, aidé parfois de commissions spéciales nommées à cet effet ; mais elle n’a pas toutefois de commission chargée seulement de l’étude des restes de la vieille ville, comme celle qui a été nommée récemment par le Préfet de la Seine.

« Il me semble que ces renseignements peuvent suffire pour répondre à la demande que le Préfet de la Seine vous a adressée, Monsieur le Maire ; dans le cas contraire, notre bureau est prêt à vous fournir toutes les autres informations qui pourraient être utiles.

« Le Directeur du bureau régional pour les monuments du Piémont et de la Ligurie,
« Signé : Alfred d’Andrade. »

La communication de M. le Maire de Turin est renvoyée à M. Jules Périn pour rapport.


M. le Président donne connaissance à la Commission des rapports ci-après transmis par le service d’Architecture, relativement à la tour de Jean sans Peur :


« Tour de Jean sans Peur, rue Étienne-Marcel, 20. — Mise en état de propreté et facilité d’accès de la Tour. — Rapport de M. Gion, architecte.

« Vu et transmis à M. Lucien Lambeau, secrétaire de la Commission du Vieux Paris, à titre de renseignement, en réponse à sa lettre en date du 14 mars dernier, et en l’informant qu’une copie du présent rapport a été adressée à la direction de l’Enseignement à laquelle il appartient d’examiner quelle suite doit être donnée à l’affaire en ce qui concerne l’installation de la bibliothèque de l’école.

« Quant à la proposition de M. Gion tendant à l’installation d’un gardien spécial chargé de faire visiter la Tour, il semble appartenir à la Commission du Vieux Paris d’examiner quelle suite pourrait lui être donnée et de faire à cette fin telle proposition qu’il y aura lieu.

« Paris, le 6 juillet 1898.
« Le directeur administratif des services d’Architecture et des Promenades et plantations,
« Signé : Bouvard. »
« Rapport de l’architecte de la 1re Section sur la mise en état de propreté et facilité d’accès de la tour de Jean sans Peur, rue Étienne-Marcel, 20.

« La direction d’Architecture a communiqué au soussigné, pour rapport et propositions, l’extrait d’une lettre de M. Lucien Lambeau, secrétaire de la Commission du Vieux Paris, demandant le nettoyage du terrain libre audevant de la tour de Jean sans Peur et de l’escalier intérieur de ladite, contigüe à l’école de garçons, rue Étienne-Marcel, no 20.

« Il était également réclamé des mesures permettant un plus facile accès aux visiteurs.

« Le nettoyage est fait, mais la propreté ne pourra être que de courte durée, tous les gens ayant à se débarrasser de quelque ordure ayant pris l’habitude de les jeter par dessus la clôture en bordure sur rue. Il y aura donc lieu de recommencer l’opération assez souvent.

« En ce qui concerne l’accès de la Tour, l’architecte de la 1re section a l’honneur d’informer M. le Directeur des services d’Architecture, qu’il a dû se préoccuper de la sécurité de l’école, aussi bien que de la conservation du monument à visiter.

« Il a, en raison de cela, fait faire des cartes d’entrée qui ne sont délivrées que nominativement, à l’aide desquelles le concierge de l’école de garçons, rue Étienne-Marcel, dépositaire des clés, accompagne le visiteur.

« Il est incontestable que le moyen n’est pas destiné à faire connaître à un grand nombre de personnes cet intéressant monument, mais l’absence d’un gardien permanent oblige à procéder ainsi.

« Peut-être y aurait-il lieu de choisir une après-midi de chaque semaine à jour fixe indiqué sur les cartes, pendant lequel un gardien de quelques heures pourrait être placé là par les soins de l’Administration.

«D’autre part, il y a lieu de tenir compte peut-être de la délibération prise à la séance du 28 avril 1898 par la délégation cantonale du 2e arrondissement, transmise au Conseil municipal par M. le conseiller Bellan (voir le Bulletin municipal officiel du mardi 7 juin 1898) pour l’installation de la bibliothèque de l’école, 20, rue Étienne-Marcel, dans les locaux de la Tour et pour l’adjonction du terrain de la Tour à la cour de l’école, qui est insuffisante.

« Dans le cas où la Tour ne pourrait être utilisée, ajoute la proposition de M. Bellan, il y aurait lieu de construire dans le terrain un baraquement à destination du transfert de la bibliothèque.

«Le présent rapport ne peut comporter de conclusion, les propositions d’utilisation étant trop variées et la mission du soussigné ne paraissant pas consister à fournir un avis à ce sujet.

« Signé : Gion. »

La Commission adopte, en principe, le mode de gardiennage indiqué par M. Gion, et décide que des négociations seront entamées avec l’Administration à ce sujet.

M. le Président donne lecture de la communication ci-après de M. le Directeur de l’Enseignement, relative à la création d’un atelier de moulage au musée Carnavalet et aux modèles qui pourraient être mis à la disposition des élèves des écoles de dessin :

« Paris, le 18 juin 1898.

« Dans sa séance du 5 mai dernier, la Commission du « Vieux Paris », sur la proposition de M. Charles Lucas, a donné un avis favorable à la création, au musée Carnavalet, d’un atelier de moulage analogue à celui du Louvre, dans lequel des fragments les plus intéressants des vieux monuments de Paris pourraient être moulés et distribués dans les écoles de la Ville, comme études de dessin.

« Le principe de la création de l’atelier de moulage ayant été adopté, la seconde partie seulement de cette proposition, relative à l’utilisation de ces moulages dans les écoles de dessin, a été renvoyée à la direction de l’Enseignement, pour avis.

« La direction de l’Enseignement ne peut être que favorable à la vulgarisation des richesses archéologiques et artistiques que renferment ces monuments anciens dont la trace tend malheureusement à disparaître.

« Le soussigné émet donc un avis favorable à la proposition de M. Charles Lucas, sous réserve cependant que le Directeur de l’Enseignement ne prendra livraison que des moulages qui, au point de vue pédagogique, lui paraîtront de nature à être placés sous les yeux des élèves et qu’il restera libre de déterminer les quantités qui devront être livrées.

« Le soussigné sera reconnaissant à M. le Préfet de vouloir bien, s’il en approuve les termes, transmettre cette réponse à la Commission du « Vieux Paris », dont il est le président.

L’inspecteur d’Académie,
directeur de l’Enseignement primaire
du département de la Seine,
Signé : L. Bedorez. »

M. Le Roux demande si la Commission de surveillance de l’enseignement du dessin est favorable à cette innovation. Il rappelle à la Commission qu’il avait voulu, il y a quelques années, soumettre à cette Commission de surveillance un projet tendant à faire faire au château de Villers-Cotterets des moulages de certaines parties de style Renaissance de ce château pour les donner en modèle aux élèves des écoles de dessin ; mais, presque tous les membres de cette Commission étant auteurs de méthodes spéciales, son projet avait été repoussé.

Acte est pris de la communication de M. le Directeur de l’Enseignement.

M. le Président donne connaissance à la Commission de la suite donnée aux décisions prises à la dernière séance :

Lettre adressée à M. Barye, lui annonçant que la Commission ne peut accorder le titre de « photographe de la Commission du Vieux Paris » ;

Remerciements à M. Tardu pour sa communication relative au théâtre Nicolet ;

Remerciements à M. Numa Rafflin pour sa communication relative à la rue Visconti ;

Remerciements à M. Coyecque pour sa communication relative au sceau de l’Hôtel-Dieu. Des négociations ont été engagées par M. Brown à ce sujet ;

Lettre à M. Bouvard au sujet du nettoyage des vitraux anciens de Saint-Germain-l’Auxerrois ;

Remerciements à MM. Bouvard et Nénot pour la communication du plan de la chapelle de Robert Sorbon ;

Remerciements à M. Mentienne, ancien maire de Bry-sur-Marne, pour diverses communications ;

Remerciements à M. Charles Magne, secrétaire de la Montagne Sainte-Geneviève, pour sa brochure sur le culte de Bacchus ;

Lettre à M. Cain pour le transport à Carnavalet de la pierre tombale placée dans la cave de l’école communale des Carmes-Billettes ;

Félicitations et remerciements à M. Sauvageot pour son nouveau rapport sur l’église Saint-Pierre de Montmartre.

M. Charles Lucas donne lecture de son rapport sur l’état des vitraux des églises Saint-Séverin et Saint-Médard :

« Messieurs,

« L’attention de la Commission de permanence ayant, dans la dernière séance de cette Commission, tenue le jeudi 30 juin, été attirée sur la nécessité qu’il y aurait à signaler à la Commission plénière l’urgence de travaux de réparation à apporter aux vitraux des églises Saint-Séverin et Saint-Médard, une délégation de la 1re Sous-commission, à laquelle M. Henri Carot, peintre verrier, et moi, avons été invités à nous joindre, a visité le lundi 4 juillet ces deux églises et examiné plus particulièrement les grandes verrières qui les décorent, en se reportant au consciencieux travail publié sur ces verrières dans le procès-verbal de la séance de la Commission plénière du 7 avril 1898.

« À l’église Saint-Séverin, et malgré la difficulté qui résulte, pour l’examen général des vitraux de cette église, de l’absence de tout chemin intérieur ou extérieur, — ce qui nécessitera un jour des frais relativement considérables d’échafaudages pour les travaux de réparation de ces vitraux, — nous avons pu nous convaincre que, à part quelques panneaux manquants et quelques autres refaits de la façon la plus déplorable, les quinze grandes verrières de la partie supérieure de la grande nef et du chœur de l’église Saint-Séverin ont surtout besoin de travaux d’entretien, et notamment du remplacement des feuillards maintenant les parties de verre, des clavettes assujettissant ces feuillards, et aussi du grattage et de la peinture de la plus grande partie de ces armatures, lesquelles sont couvertes de rouille et rongées en nombre d’endroits.

« Mais, grâce aux travaux de restauration des panneaux manquants et de ceux en fort petit nombre trop mal refaits autrefois, travaux qui pourraient être prévus dans des conditions à déterminer entre la Ville de Paris et l’État, l’église Saint-Séverin étant un monument historique classé, nous pensons que les vitraux de l’église Saint-Séverin pourraient attendre encore longtemps la réfection totale de leur mise en plomb et de leur ferrure.

« À l’église Saint-Médard, au contraire, église qui, malgré l’intérêt qu’offrent certaines parties de son architecture et les événements, dont elle a été le témoin, n’est pas un monument historique classé, la réfection de la grande verrière à trois travées, située dans le haut du chœur et placée dans l’axe de l’église au-dessus du maître-autel, nous paraît s’imposer, et sans délai aucun.

« Toutes les observations qui ont été présentées dans le rapport de M. Carot au sujet de cette verrière sont des plus exactes et il est inutile de les répéter ici ; en revanche, il faut y ajouter que les deux meneaux de pierre, partageant cette verrière en trois parties, ont été restaurés provisoirement en plâtre et que leur réfection doit être prévue avec la restauration de la verrière elle-même.

« Nous n’avons pas la prétention, après la visite extérieure que nous avons faite de cette verrière, de pouvoir indiquer le chiffre de la dépense qu’entraînera sa restauration et aussi celle des meneaux la partageant en trois travées ; mais ce chiffre atteignît-il, y compris tous travaux accessoires causés par la difficulté d’accès, une somme de trois à quatre mille francs, nous espérons que la Commission n’hésitera pas à demander le plus tôt qu’il sera possible le renvoi au service compétent, afin qu’il fasse le nécessaire pour obtenir cette somme et que soit conservée à l’église Saint-Médard une œuvre d’art de grand intérêt et qui, par sa situation même, est un des plus beaux ornements de cette église.

« En résumé, nous avons l’honneur de proposer à la Commission :

« 1o Pour l’église Saint-Séverin, d’émettre un avis favorable à une entente entre la Ville de Paris et l’État pour qu’il soit procédé à l’exécution des travaux de restauration et d’entretien nécessaires à la conservation des vitraux de cette église ;

« 2o Pour l’église Saint-Médard, d’émettre le vœu que le nécessaire soit fait, à bref délai, par les soins du service compétent, pour obtenir la restauration et la mise en état des meneaux, ainsi que de la verrière décorant la fenêtre haute placée dans l’axe de cette église.

« Paris, le 7 juillet 1898
Signé : Charles Lucas. »

M. le Président fait remarquer à la Commission combien sont urgents les travaux de réfection signalés par M. Charles Lucas. Il prie la Commission de vouloir bien prendre une décision à ce sujet.

M. Charles Lucas dit que la réfection la plus urgente est celle de l’église Saint-Médard.

M. Formigé insiste pour que ces travaux ne soient confiés qu’à des peintres-verriers d’une compétence reconnue.

M. Le Roux rappelle que l’Administration a demandé au Conseil municipal un crédit pour certains travaux de restauration de l’église Saint-Séverin qui seraient faits avec la participation de l’État. Il estime que l’on pourrait peut-être y ajouter la restauration des vitraux en question.

M. le Président pense qu’il faut aller au plus pressé. Or, le plus pressé, c’est la restauration de la verrière de Saint-Médard, dans la réfection de laquelle l’État ne participe pas, cette église n’étant pas classée. La Commission pourrait donc émettre un vœu invitant l’Administration à introduire au Conseil municipal un mémoire dans ce sens.

M. Brown demande à M. Charles Lucas à quel prix il estime le coût de cette restauration.

M. Charles Lucas répond que l’on peut approximativement fixer le prix de 3 000 à 4000 francs.

M. Le Roux rappelle que l’entretien de l’église est à la charge de sa fabrique ; le service qui sera chargé de présenter le mémoire devra, selon lui, s’en faire présenter le budget afin de vérifier s’il ne lui serait pas possible de participer à cette restauration.

L’incident est clos.

Les propositions contenues dans le rapport de M. Charles Lucas sont adoptées.

M. le Président soumet à la Commission deux photographies offertes par M. Mailliavin et représentant l’hôtel du peintre Lebrun, rue du Cardinal-Lemoine, dont il est propriétaire.

Des remerciements seront adressés à M. Mailliavin.

M. le Président annonce que la Commission de permanence a adopté le principe de l’envoi d’un membre de la Commission du « Vieux Paris » au Congrès de l’art public qui doit se tenir à Bruxelles. Il prie la Commission de vouloir bien ratifier ce vote et de désigner le membre chargé de la représenter.

La Commission désigne M. Charles Lucas.

Proposition de M. Charles Lucas au sujet du modèle des palais de l’Exposition de 1900 et du pont Alexandre III.

M. Charles Lucas expose que la proposition qu’il a faite à la Commission de permanence, dans le but de faire demander la conservation et l’installation, dans le musée de la Ville de Paris, des modèles des palais de l’Exposition et du pont Alexandre III est née inopinément. Au cours d’une promenade faite sur les chantiers de l’Exposition par les membres du Congrès annuel des architectes, l’attention fut longuement retenue, dans le local resté debout de ce qui fut le palais de l’Industrie, par les petits chefs-d’œuvre que sont les modèles des palais de l’Exposition de 1900.

L’on ne peut concevoir de travail plus parfait d’élégance et de joliesse ; M. le Préfet de la Seine, qui assistait à une des réunions du Congrès, a paru, lui aussi, vivement s’intéresser à ces bijoux d’une exécution incomparable ; c’est pourquoi M. Lucas a immédiatement pensé à en saisir la Commission de permanence, laquelle a émis un avis favorable à la suite duquel la proposition suivante vous est présentée :

« Messieurs,

« Vous n’ignorez pas, au moins par l’exposition qui a été faite des projets des palais en cours d’édification aux Champs-Élysées en vue de recevoir l’Exposition universelle de 1900 et aussi par la publication du projet du pont Alexandre-III, tout le grand intérêt artistique qu’offriront ces palais et ce pont.

« Bon nombre d’entre vous même ont déjà, à différents titres, pu voir les fort remarquables modèles d’ensemble et des détails de la décoration de ces palais et de ce pont, tels que ces modèles se complètent chaque jour dans l’agence des travaux installée dans les derniers bâtiments de l’ancien palais de l’Industrie.

« Il n’y a donc pas à insister auprès de vous sur la grande importance de ces modèles, créés sous le haut contrôle de MM. Picard et Bouvard et sous la direction d’une pléïade d’architectes, pour la plupart anciens pensionnaires de l’Académie de France à Rome, et tous appelés à participer à ces beaux travaux à la suite d’un retentissant concours.

« Il est inutile aussi d’insister sur la parfaite exécution de ces modèles, dus à des praticiens émérites et qui constituent des œuvres d’art que les musées des peuples, moins favorisés que la France au point de vue de l’essor artistique, se disputeraient au poids de l’or.

« Enfin ces modèles représentent un prix de revient difficile à apprécier, mais certainement fort considérable.

« C’est pourquoi il a semblé à votre Commission de permanence qu’il y avait lieu d’attirer l’attention de la municipalité parisienne pour que, en rappelant à l’État la part contributive de la Ville de Paris dans les constructions destinées à l’Exposition de 1900, il fût, après la clôture de cette Exposition, fait don à la Ville de tout ou partie des modèles d’ensemble et de détail de ces constructions ou tout ou moins de doubles de ces modèles.

La municipalité parisienne aurait ensuite à apprécier si — comme le souhaite votre Commission de permanence — il n’y aurait pas lieu, avec ces modèles, de créer dans les agrandissements projetés du musée Carnavalet une salle spéciale dite de l’Exposition de 1900, salle que ces modèles contribueraient à rendre des plus intéressantes au double point de vue de l’histoire de Paris et de l’art français.

« Paris, le 7 juillet 1898.
« Signé : Charles Lucas. »

M. Ch. Lucas ajoute que les élèves des écoles professionnelles trouveraient grand profit à étudier de près l’exécution de ces modèles ; ils y puiseraient un sentiment de ce goût délicat qui rend le travail parisien si précieux.

Les sommes consacrées au payement des modèles ne représentent guère que le prix des heures des praticiens ; le talent des artistes, architectes et sculpteurs, qui en suivent et en retouchent l’exécution n’entre pas en ligne de compte.

Le musée d’art de New-York a déjà fait exécuter à Paris pour plus de 300 000 francs de modèles de monuments et, à Bruxelles, le Musée rétrospectif conserve tous les modèles des monuments commandés, tandis qu’en France nos modèles sont ou perdus ou déposés dans les édifices mêmes, où ils ne peuvent être consultés avec fruit.

M. Alfred Lamouroux appuie la proposition de M. Ch. Lucas et fait remarquer à cette occasion le succès constant de la reproduction du Palais-Royal au musée Carnavalet, où le public s’arrête avec une préférence marquée.

M. Cain confirme l’observation de M. Lamouroux et dit qu’il est très regrettable que le musée Carnavalet n’ait pu obtenir, malgré ses instances réitérées, le plan en relief de la place de Grève, en 1830, qui est au musée des Invalides.

M. Gosselin-Lenôtre estime qu’une copie pourrait au moins en être prise.

M. Alfred Lamouroux résume la proposition de M. Lucas tendant à faire attribuer à la Ville de Paris tout ou partie des modèles de l’Exposition de 1900.

Cette proposition est adoptée à l’unanimité.

Le même membre soumet à la Commission un vœu pour fixer le principe de la réunion de tous les modèles appartenant à la Ville de Paris dans un même local dépendant du musée Carnavalet.

Ce vœu est adopté.

M. le Président communique à la Commission deux rapports adressés par M. Charles Duprez, architecte de la 5e section, relatifs à la découverte d’anciennes constructions mises à jour par suite de l’édification des nouveaux bâtiments de l’École de médecine :


« PREMIER RAPPORT DE L’ARCHITECTE DE LA 5e SECTION.


« École de médecine. — Anciennes constructions mises à jour.

« Les fouilles qui se font en ce moment pour l’édification des nouveaux bâtiments de l’École de médecine, à l’angle de la rue de l’École-de-Médecine et de la rue Hautefeuille, ont mis à découvert, en contre-bas du sol des caves, le commencement d’une ancienne construction de forme circulaire en plan et paraissant avoir été voûtée d’une façon plus ou moins régulière. Dans l’état actuel, il n’est pas encore possible de reconnaître quelle pouvait être la destination de cette construction, beaucoup plus grande qu’un puits ou un puisard ordinaire. La fouille continuant pour trouver le bon sol devant recevoir les fondations des nouveaux bâtiments, on constatera peut-être quelque particularité ayant plus ou moins d’intérêt. On va, d’ailleurs, arriver au niveau de la Seine, et il est probable que l’on n’aura pas à descendre beaucoup plus bas.

« Quoi qu’il en soit, il est certain que la vieille construction dont il s’agit est très antérieure à l’ancien collège des Prémontrés, dont la chapelle reconstruite en 1618 a dernièrement été démolie, et que l’on se trouve dans un îlot très anciennement bâti entre l’ancienne rue des Cordeliers, jadis chemin gallo-romain, la rue Hautefeuille ou de la Vieille-Plâtrière, la rue des Étuves supprimée depuis deux cents ou deux cent cinquante ans et où se trouvait un établissement de bains jouissant, paraît-il, d’une antique et bien mauvaise réputation, acheté en 1252 par les Prémontrés pour leur collège.

« Peut-être trouve-t-on une substruction de l’ancien château de Hautefeuille bâti par les « Sarrazins », origine qu’un vieil auteur au surplus déclare suspecte, « les Sarrazins n’étant jamais venus à Paris». Il est probable qu’il a raison ; des savants très érudits ont élaboré là-dessus de longues dissertations.

« Ce fut en tout cas, dit-on, l’emplacement de la maison de Pierre Sarrazin, vendue en 1252, moyennant une rente foncière de douze sous parisis.

«Tout porte à croire qu’il n’y a aucune importance à attacher aux vestiges en question ; néanmoins, il se pourrait, en raison de leur ancienneté, que le Service historique y trouvât matière à quelques investigations. La continuation des fondations des nouveaux bâtiments va tout faire disparaître très incessamment, il n’y aurait donc pas de temps à perdre.

« Paris, le 16 juin 1898.
« L’Architecte de la 5e section,
« Signé : Charles Duprez. »


« DEUXIÈME RAPPORT DE L’ARCHITECTE DE LA 5me SECTION.


École de médecine. — Anciennes constructions.

« Pour compléter son rapport du 16 juin et répondre à la note de M. le Directeur du même jour, le soussigné a l’honneur d’adresser ci-joint deux croquis des anciennes constructions mises à jour par les fouilles pour les nouveaux bâtiments de l’École de médecine, au coin de la rue de l’École-de-Médecine et de la rue Hautefeuille.

« Il s’agit d’une sorte de grand puisard qui atteint presque six mètres de diamètre à sa partie supérieure et qui, lorsqu’il était complet, avait plus de six mètres de profondeur à partir de l’ancien sol, soit plus de huit mètres au-dessous de la rue actuelle de l’École-de-Médecine.

« Cette situation permet d’assigner une date fort reculée à la construction en question. Il convient de remarquer que, dans tout le terrain sur lequel s’édifient les derniers bâtiments de la nouvelle École de médecine, on constate l’existence de plusieurs couches superposées de constructions concordant avec les traces de plusieurs surélévations du sol primitif. Au niveau le plus inférieur, un peu plus bas que celui assigné au recouvrement du puisard, vers trois mètres en-dessous de la rue actuelle, on devait se trouver à la hauteur du chemin gallo-romain devenu la rue des Cordeliers, lorsque le couvent des Cordeliers fut fondé en 1250.

« Le niveau inférieur est caractérisé par des traces de tombeaux gallo-romains dont la présence a été constatée pendant les dernières fouilles,

« Au-dessus on rencontrait des restes de substructions qui appartenaient probablement au premier établissement des Prémontrés ou à quelqu’une des neuf petites maisons acquises par eux en 1255, après la première maison de Pierre Sarrazin, achetée en 1252 à la veuve de Jean Sarrazin. Plus tard, probablement vers 1285, les religieux firent établir une première chapelle, remplacée par celle commencée en 1618, qui a été démolie l’année dernière.

« Sur le croquis no 1 ci-annexé on voit que la fondation du mur latéral de la chapelle traverse la construction circulaire qui vient d’être retrouvée ; les constructeurs s’arrêtèrent avant d’arriver au fond, ils restèrent à environ quatre-vingts centimètres au-dessus et trouvant le terrain insuffisamment résistant placèrent, au-dessus de plusieurs pieux, deux semelles en bois encore presque intactes, sur lesquelles ils montèrent leur mur, qui n’était au surplus qu’un remplissage en dessous d’un grand arc de décharge passant au-dessus du puisard.

« Les nouveaux bâtiments de l’École de médecine vont aussi avoir des murs se fondant au même point, le mur circulaire ne sera pas démoli, mais l’ancien vide déblayé à nouveau se remplit en béton.

« Un peu plus loin, au-dessous du bâtiment en aile de la cour d’honneur dernièrement démoli, on a rencontré plusieurs voûtes anciennes qui avaient été conservées dans les caves de l’édifice de Gondoin, l’une d’elles va encore subsister dans les nouvelles constructions.

« Paris, le 22 juin 1898.
L’architecte de la 5me section,
Signé : Charles Duprez. »

M. Charles Lucas propose d’adresser à M. Charles Duprez des remerciements pour ces deux intéressants rapports. Il estime qu’il y aurait grand profit pour la Commission si tous les architectes de la Ville voulaient bien devenir ses collaborateurs en lui adressant des communications du genre de celles dont il vient d’être donné lecture.

Des remerciements sont adressés à M. Charles Duprez pour ses deux rapports.


TRAVAUX DES TROIS SOUS-COMMISSIONS.
1re Sous-commission.

1o Lettre de M. Tardu au sujet du théâtre de Nicolet à la foire Saint-Laurent.

M. le Président dit que M. Tardu a été prié par lettre d’indiquer un rendez-vous pour produire les renseignements à l’aide desquels les allégations contenues dans sa lettre auraient pu être contrôlées par la Commission. Aucune réponse n’est parvenue.

L’ordre du jour est prononcé.

2o Organisation de délégations de la 1re Sous-Commission.

M. le Président fait savoir que l’abondance des communications qui sont faites à la 1re Sous-Commission, relativement à des vestiges intéressants qui sont sur le point de disparaître ou à des constatations qui doivent être faites d’urgence, a nécessité l’organisation de délégations entre lesquelles le territoire de la ville a été partagé.

Le tableau suivant indique la répartition des arrondissements municipaux entre les membres de ces délégations :

1er, 2e, 3e, 4e arrondissements. — MM. Alfred Lamouroux, Laugier, John Labusquière, Tourneux, Lucien Lambeau et Ch. Sellier.

5e arrondissement. — M. Jules Périn.

6e arrondissement. — M. Laugier.

7e arrondissement. — MM. Longnon, Gosselin-Lenôtre.

8e arrondissement. — MM. Chassaigne Goyon, Quentin-Bauchart.

9e arrondissement. — M. Charles Normand.

10e arrondissement. — MM. Charles Lucas, Tesson.

11e, 12e arrondissements. — MM. Gosselin-Lenôtre, Tesson.

13e arrondissement. — M. Guiffrey.

14e arrondissement. — MM. Gosselin-Lenôtre, Tesson.

15e arrondissement. — MM. Le Vayer, Tesson.

16e, 17e arrondissements. — MM. Chassaigne Goyon, Quentin-Bauchart.

18e arrondissement. — MM. Charles Normand, Breuillé, Ch. Sellier.

19e, 20e arrondissements. — MM. Gosselin-Lenôtre, Tesson.

M. Lucien Lambeau, au nom de la délégation des opérations de voirie, donne lecture du rapport ci-après sur le prolongement de la rue des Lions-Saint-Paul :

« Messieurs,

« Une opération de voirie de peu d’importance, le prolongement de la rue des Lions-Saint-Paul, va faire disparaître les derniers vestiges du célèbre monastère des Célestins dont les admirables richesses d’art ont été pompeusement décrites par tous les auteurs qui, selon l’expression de Sauvai, « ont écrit de Paris ».

« Les bâtiments qui vont tomber pour faire place à des maisons de rapport sont compris dans le triangle de terrain situé entre le boulevard Henri-IV, le quai des Célestins et la rue du Petit-Musc.

« Le projet de lotissement vient d’être dressé par l’Administration municipale.

«Outre les constructions parasites établies dans ce triangle sur l’emplacement de l’ancienne église des Célestins, démolie en 1849, se trouve un grand bâtiment d’une belle ordonnance, éclairé par de hautes fenêtres et décoré, dans son milieu, d’un fronton triangulaire orné d’un beau motif sculpté dans le goût de la Régence et daté de 1730.

« Cette date de 1730 est évidemment l’âge de la construction.

« Or, nous trouvons dans Piganiol les lignes suivantes : « En 1730 on a bâti un grand corps de logis où sont les infirmeries. »

« Le bâtiment qui est encore debout est-il celui cité par Piganiol ? Il y a tout lieu de le croire.

« À la partie orientale de cette construction se voit un escalier de grande allure et dont la rampe en fer forgé est d’un dessin intéressant quoique peu chargé, sauf cependant le départ et les tournants qui sont curieusement ouvragés.

« Le haut de cette cage d’escalier est décoré de pilastres à feuilles d’acanthe et son plafond est orné d’un cercle à forte moulure semblant être le cadre d’une peinture.

« À ce sujet, nous trouvons encore dans Piganiol le passage suivant :

« Le grand escalier est commode et bien tourné. Le plafond a été peint par Bon Boullongne qui y a représenté Saint-Pierre de Morron enlevé par les anges. Cet escalier, de même que la plupart des édifices du monastère, ont été bâtis l’an 1682, en la place des anciens qui menaçaient ruine et sont également magnifiques et commodes. »

« D’un autre côté, nous lisons dans un ouvrage récemment publié par M. de Champeaux :

« Les bâtiments conventuels ont été inexorablement rasés à l’exception d’une aile reconstruite au XVIIe siècle. On y voyait, il y a peu de temps encore, une cage d’escalier à rampe de fer avec les restes d’une fresque de Bon Boullongne, la glorification de Pierre de Morron, fondateur des Célestins, qui décorait le plafond, mais ces derniers vestiges viennent de s’effondrer. »

« L’escalier que nous avons vu, dont la conservation est, d’ailleurs, parfaite, est-il celui dont parlent Piganiol et M. de Champeaux, et que tous deux indiquent comme ayant été construit au XVIIe siècle ?

« La fresque de Bon Boullongne n’est plus là pour répondre, et la grande allure que nous lui reconnaissons plus haut ne semble pas approcher de la magnificence dont le qualifie Piganiol, peu coutumier, on le sait, de descriptions exagérées.

« Quoi qu’il en soit, il est fort intéressant ; c’est le seul point que nous voulions en retenir et, au moment où il va disparaître pour jamais, nous demandons qu’une vue en soit prise ainsi que du fronton triangulaire et de son motif sculpté.

« Il y aurait également intérêt à prendre une vue d’ensemble de tout le corps de logis de 1730, seul vestige encore debout du fameux monastère.

« Dans un autre ordre d’idée, nous voudrions demander à la Commission s’il ne serait pas possible, après examen de la convention passée entre la Ville et l’administration de la Guerre, au sujet de la cession par cette dernière à l’Administration municipale de ce vieux quartier de cavalerie, de savoir exactement à qui appartiendront les matériaux à provenir de la démolition et, dans le cas où ils reviendraient à la Ville, de réserver cette rampe, pour la réédifier intégralement dans une des nombreuses constructions d’écoles, d’hôpitaux ou autres que la municipalité pourra élever prochainement.

« Nous prenons la liberté d’indiquer cette voie à la Commission du Vieux Paris, sans préjudicier bien entendu au musée Carnavalet dont la place est malheureusement trop limitée, voie qui permettrait à la Ville de conserver ainsi dans son domaine municipal des spécimens complets de la vieille industrie parisienne si recherchés par la spéculation au moment des grandes opérations de voirie.

« Signé : Lucien Lambeau. »

M. Ch. Sellier indique qu’une pierre en saillie sur le boulevard Henri IV, recouverte de sculptures de l’époque de la Renaissance, pourrait également être conservée au musée Carnavalet.

La Commission adopte le rapport présenté par M. Lucien Lambeau qui sera transmis, pour avis, au service d’Architecture en ce qui concerne la propriété de la rampe en fer forgé et sa réédification dans une construction municipale.

Les reproductions demandées sont également adoptées.

M. Lucien Lambeau estime qu’il y aurait un réel intérêt artistique pour la Ville de réédifier, dans ses constructions, chaque fois, bien entendu que la chose se pourrait, les travaux d’art — forgés ou menuisés — dont elle peut devenir propriétaire par suite d’expropriation.

La difficulté serait-elle insurmontable, par exemple, de déposer dans les magasins de la Ville, en attendant un prochain emploi, une rampe d’escalier en fer forgé du XVIIe ou du XVIIIe siècle dont une Commission compétente aurait demandé la conservation et la réédification ? Il ne le pense pas.

Il ajoute que la Ville ne ferait, en cela, qu’imiter les grands amateurs qui enlèvent à prix d’or boiseries, ferronneries, marbres, bronzes, provenant des vieux logis parisiens pour les réédifier dans leurs hôtels ou dans leurs châteaux.

À ce propos, le même membre signale à la Commission la prochaine adjudication publique des objets artistiques à provenir de la démolition des hôtels de la rue de Grenelle et de la rue de Varenne, hôtels visités d’ailleurs par la Commission du Vieux Paris.

En raison de leur importance, il lui paraît intéressant de mettre sous les yeux de la Commission la liste des objets à adjuger :

« 1er lot. — Rue de Grenelle, 52. — Bâtiment en aile, à gauche dans la cour, rez-de-chaussée, entrée par le perron sur cour.

«Grand salon à gauche. — Boiseries chêne sculpté style Louis XV à lambris à grands cadres à plates bandes moulurées, plinthes et cimaises, panneaux cintrés en S dans le haut avec sculptures sur bois, fenêtres et volets d’ébrasement, une glace sur la cheminée avec son cadre uni, une glace en deux morceaux, les vantaux de portes compris, serrures et ferrures existantes, cheminée en brèche d’Alep.

« 1er étage, salon blanc Louis XVI. — Boiseries en chêne sculpté et parties en carton-pierre, le lambris de cette pièce, moulure à grands cadres à plates bandes, plinthes et cimaises, panneaux carrés haut et bas sculptés à l’intérieur, les cadres de glaces cintrés ornés de guirlandes de fleurs et parties en perspectives avec rosaces et brindilles de feuillage, les glaces étamées en trois volumes, fenêtres et panneaux d’ébrasement, une cheminée Louis XVI, bleu fleuri à colonnes, décorée de motifs en bronze doré, le foyer uni.

« Cabinet de travail à la suite. — Boiseries en chêne apparent de choix sans aucune sculpture, lambris moulure à plates bandes et à grands cadres, les panneaux du haut avec lambris cintrés dans le haut, fenêtres et panneaux d’ébrasement, y compris serrures et ferrures existantes.

« Salle à manger à la suite du grand escalier. — Une baie cintrée Louis XV à contours en S ornée d’un couronnement sculpté y compris les panneaux en ébrasement de cette baie, le reste de la pièce boisé sans sculpture, vantaux de portes et fenêtres, volets d’ébrasement et ferrures.

« Pièce à alcôve à gauche du grand salon. — Deux dessus de portes en grisailles, style Louis XVI, bas reliefs à enfants, une cheminée Louis XVI marbre blanc à traverses cintrées, deux rosaces carrées sculptées au-dessus des jambages.

« 2e lot. — Rue de Varenne, 7. — Rez-de-chaussée, salon Louis XV. — Boiseries chêne sculpté formées de panneaux à moulures contournées haut et bas, panneaux pilastres intermédiaires ornés de camaïeux dans le haut, cadres de glaces formés de moulures à brindilles grimpantes, panneaux de baies à glaces étamées avec ébrasement mouluré, fenêtres et volets d’ébrasement, serrures et ferrures, glaces étamées, cheminée Louis XV.

«  Chambre à alcôve à la suite. — Boiserie unie, chambranle de fenêtre ornée d’un petit couronnement, cadres de glaces bois sculptés avec leurs glaces, fenêtres et volets d’ébrasement avec leurs serrures et ferrures.

«  Petit boudoir à pans coupés sur cour attenant à la salle à manger, boiserie unie avec parties sculptées style Louis XV comprenant les montants de baguette à faisceau ornés de brindilles de lierre, cadre de glace sculpté avec glace étamée en deux morceaux, baie vis-à-vis la fenêtre avec panneaux d’ébrasement, fenêtres et volets d’ébrasement avec serrures et ferrures, cheminée en marbre blanc.

« Cabinet de travail sur le jardin donnant sur la salle à manger. — Toute la boiserie style Louis XV, lambris haut et bas, vantaux de portes et d’alcôve, baie à gauche de la cheminée, le trumeau de la cheminée uni avec panneaux de côtés et glace, la bibliothèque saillante à deux corps, porte à deux vantaux grillagés, fenêtres et volets d’ébrasement avec ses serrures et ferrures, la cheminée en marbre.

« 1er étage, grand salon style transition dont un côté en partie circulaire, boiserie chêne sculpté et parties en carton-pierre, formée de panneaux contournés haut et bas ornés de motifs sculptés à animaux, portes à deux vantaux et dessus ornés d’enfants à rinceau et vases, petits panneaux intermédiaires, panneaux circulaires et porte dérobée avec cadres de glace cintrés par le haut et leur glace en un seul volume, fenêtres et volets d’ébrasement avec leurs serrures et ferrures, la cheminée Louis XVI sculptée marbre bleu et turquin.

« Pièce à droite du grand salon sur le jardin. — Deux dessus de portes Louis XVI, bas relief de femme en plâtre ou carton-pierre. »

M. Lucien Lambeau estime qu’il serait bon de voir si quelques-uns des objets contenus dans la nomenclature ci-dessus ne pourraient pas être retenus par la Ville. Il rappelle que, dans une de ses premières séances, la Commission du Vieux Paris, a émis le vœu que le service compétent voulût bien l’informer chaque fois que des objets artistiques ou historiques appartenant à la Ville seraient menacés d’être démolis ou vendus.

M. Bruman, secrétaire général, pense qu’il serait encore temps pour la Commission, l’adjudication ne devant avoir lieu que le 23 juillet, d’organiser une visite dans le but de se rendre compte de la valeur des objets artistiques en question.

M. Gosselin-Lenôtre croit qu’il serait utile de nommer séance tenante une Sous-commission qui aurait pour mission d’examiner les objets mis en vente et de demander la conservation par la Ville de ceux présentant un réel intérêt.

Cette proposition est adoptée et la Sous-commission est ainsi composée :

MM. Gosselin-Lenôtre, Charles Normand, Charles Lucas, Tesson, Lucien Lambeau, Ch. Sellier.

3o Classement de l’hôtel de la Chancellerie d’Orléans.

M. le Président propose, au nom de la 1re Sous-commission, que le vœu tendant au classement de l’hôtel de la Chancellerie d’Orléans, rue des Bons-Enfants, soit adopté.

Adopté à l’unanimité.

Ce vœu sera transmis à la Commission des monuments historiques.

4o Communication au sujet du sceau de l’Hôtel-Dieu.

M. le Président dit qu’à la suite de la lettre de M. Coyecque relative à la découverte d’un sceau de l’Hôtel-Dieu, M. Brown a soumis à la signature de M. le Préfet de la Seine une lettre adressée à Mlle Hémery de Lagenay pour lui demander l’autorisation d’en prendre une empreinte, s’il n’est pas possible de négocier l’acquisition.

La Commission sera informée de la suite intervenue.

5o Communication au sujet de la lettre de M. Numa Raflin relative à la maison de la rue Visconti dans laquelle Racine est décédé.

M. le Président fait savoir qu’il a reçu à ce sujet une communication de M. Victorien Sardou qui engage la Commission à se montrer prudente dans ses appréciations.

M. Charles Normand, chargé par le Comité du « Vieux Paris » de s’informer des raisons pour lesquelles le no 13 de la rue Visconti aurait été celui de la maison dans laquelle mourut Racine, fait connaître qu’il s’est occupé de cette affaire. M. Raflin, qui en avait saisi le Comité dans la précédente séance, s’appuie sur des considérations tirées de la tradition locale, existant également pour le no 21 (ancien 19). M. Charles Normand, qui a étudié la maison de Racine dans un article paru dans le Bulletin de la Société des amis des monuments parisiens, estime qu’en l’état actuel de nos connaissances, et malgré les avis donnés parfois de façon catégorique, mais sans preuve décisive, on ne saurait déterminer si Racine mourut dans la maison portant le no 19-21 ou le no 13. Il espère trouver des documents permettant d’élucider la question, mais, le travail d’investigation étant assez long, M. Charles Normand pense qu’il n’est pas possible de trancher encore cette question. Il ajoute que sur ses instances son ami M. Lucien Desnues, architecte diplômé par le Gouvernement, chargé de réparations dans la maison no 13, a obtenu de son propriétaire, M. Rousset, la cession de la vigne de Racine ; des émanations de gaz ont nécessité récemment son enlèvement. Cette vigne pourrait être portée au musée Carnavalet, si l’Administration compétente estime que ce cadeau lui soit agréable.

M. Cain dit qu’il accepte bien volontiers.

6o Rapport sur les annotations destinées à donner des éclaircissements relatifs à la nomenclature des monuments historiques, et 7o Rapport sur l’organisation d’une surveillance des monuments parisiens signalés par la Commission du Vieux Paris.

M. le Président fait savoir que l’importance de ces deux rapports a empêché de les présenter aujourd’hui, mais que les personnes qui en sont chargées espèrent les déposer pour la prochaine réunion.

8o Fiches d’inventaire.

M. le Président fait circuler quelques exemplaires des fiches d’inventaire dont livraison a été faite.

M. Tesson, secrétaire de la 1re Sous-commission, est chargé d’approvisionner les membres de la Commission du Vieux Paris qui désireront participer à la confection des fiches.

Modèle de la fiche d’inventaire
(format in-octavo)

Il est bien entendu que le texte des fiches d’inventaire doit donner seulement l’état actuel des vestiges et souvenirs parisiens avec leurs points d’attache aux documents anciens indiscutables.

Excursion de la 1re Sous-commission.

M. Tesson. — Les importantes opérations de voirie qui vont être prochainement exécutées dans la rue Beaubourg ont appelé spécialement l’attention de la 1re Sous-commission sur cette partie de la ville, dont l’origine est si ancienne, et qui conserve une multitude de souvenirs historiques précieux.

Une excursion dans ce quartier a permis de revoir et de repérer ce qui existe encore dans les maisons dont la démolition est imminente.

D’une manière générale, il importe de signaler la beauté d’un grand nombre d’ouvrages de ferronnerie ; des portes Louis XIII et Louis XIV très intéressantes, qui sont conservées en bon état ; des mascarons de clefs.

Il y aura matière à une abondante moisson de documents bien parisiens, qui tiendront une place honorable dans le portefeuille spécial dont la création a été proposée par notre collègue M. Lucien Lambeau.

Rue Beaubourg, 31, la maison fait le coin de la rue Brantôme ; il existe encore une plaque de l’époque où cette rue s’appelait des Petits-Champs, nom sous lequel elle était déjà connue en 1273. L’on remarque une porte massive du XVIe siècle à un seul battant qui, malgré une récente réparation un peu naïve, a gardé un beau caractère.

Le no 33 a été occupé autrefois par la mairie de l’ancien 7e arrondissement. Il y reste une belle rampe en fer.

Une vue de cette maison pourrait être prise si les collections de la Ville ne contiennent pas déjà une reproduction de l’aspect ancien.

Le no 35, moderne, n’offre pas d’intérêt pour nos travaux.

Le no 42 est une vieille maison à pignon construite en 1623. Il existe encore, sur la façade, une plaque de numérotage d’un modèle devenu rare et qui pourrait être conservé à titre documentaire.

Ces quatre maisons appelées à disparaître incessamment avoisinaient certainement l’enceinte de Philippe-Auguste dans laquelle s’ouvrait à cet endroit la poterne de Nicolas Hideron ou Hydrelon, qui avait donné son nom à une partie de la rue.

Une fouille pratiquée sur l’emplacement du no 41, récemment démoli, a fait rencontrer presque au niveau du sol des pierres de gros appareil analogues à celles du mur de la rue d’Arras. Du reste, la disposition des culs de sacs et des impasses du quartier montre bien que l’on se trouve sur le passage d’une ancienne fortification sans fossé. L’impasse Beaubourg, qui est au no 37, s’était appelée impasse des Anglais après avoir été, en 1260, le Cul de sac sans tête, qui aboutissait au rempart.

Il est vraisemblable que les démolitions prochaines feront connaître le lieu exact de la poterne Hideron.

La Commission a ensuite visité plusieurs autres maisons dont la suppression est décidée en principe pour l’élargissement de la rue Beaubourg :

D’abord, les nos 38 et 40, rue Beaubourg, autrefois réunis, formaient l’Hôtel de Fer qui rejoignait la rue du Temple dans la partie qui s’appelait Sainte-Avoye et était mitoyen du couvent des religieuses de Sainte-Avoye.

Il reste peu de choses au no 40 : une rampe en fer assez bien traitée ; un couronnement de porte avec bandeau, postérieur à la construction de la maison, enfin une vieille cheminée qui n’est remarquable que par ses dimensions extraordinaires.

Le 38, qui a été vendu le 11 ventôse an XII comme propriété nationale provenant de Duluc, émigré, a conservé un cachot, dernier vestige d’une geôle importante, dont l’origine et la destination n’ont pu être fixées exactement.

Dans le bâtiment du fond, l’on trouve au 1er étage un ancien salon Louis XVI d’une belle conception décorative. Les peintures du plafond sont recouvertes d’un badigeon épais qui les a détruites presque complètement. Au cours de la dernière réfection du badigeonnage, effectué il y a 6 ans, l’on a pu distinguer quelques traces et contours de la décoration primitive permettant de reconnaître des amours. Une main de grandeur naturelle, qui a été respectée par le grattage et qu’il serait facile de dégager de l’enduit léger qui la recouvre, témoigne de l’importance du sujet traité. Des mascarons en clef couronnent l’entrée de ce bâtiment.

Le 62 de la même rue, ancien 12 de la rue Transnonnain, dont le nom est resté si tristement célèbre, est extrêmement réparé. Le mur de fond rappelle l’existence du théâtre Doyen dans cette maison, dont une vue détaillée, prise au lendemain de cette malheureuse affaire, a été publiée dans le premier volume de l’Histoire de Paris de 1841 à 1851, par Jacques Arago (Paris, 1852).

Avant le théâtre Doyen, l’église des Carmélites, supprimée en 1793, avait été édifiée à cet endroit sur l’emplacement de l’hôtel des Évêques de Châlons.

Rue Grenier-Saint-Lazare, 4. — On y remarque une admirable porte avec mascarons et motif décoratif élégant, surmonté d’une grille bien composée. L’escalier Louis XVI est très pur.

Même rue, 5. — Une légende de quartier a donné à la maison le nom de Buffon. Les pièces de ferronnerie qui y sont contenues : balcon extérieur du 1er étage, d’une très belle conception ; rampes d’escaliers largement traitées avec départs finement contournés ; appuis de fenêtres délicatement dessinés, sont des œuvres d’art qui caractérisent le goût parisien de la belle époque.

Au fond de la cour se trouve un pavillon surmonté d’un fronton dans lequel est placé un triangle symbolique lui donnant l’apparence d’un ancien temple de franc-maçonnerie.

La façade de la rue Grenier-Saint-Lazare présente de jolis mascarons de clefs.

Rue Simon-le-Franc, 22. — Plaque de nom de rue très ancienne, dont on pourrait prendre un estampage.

Même rue, 20. — Maison remarquable à beaucoup d’égards, mais dont l’aspect intéressant est presque entièrement caché par des ateliers construits dans la cour. La rampe d’escalier est de premier ordre ; les appuis de fenêtres, d’un dessin finement délicat, sont du plus bel effet.

Une porte Louis XIII, en parfait état, mérite l’attention. Deux médaillons sculptés dans le vestibule sont recouverts d’une épaisse couche de peinture qui empêche de lire les inscriptions en relief placées en exergue.

Rue Pierre-au-Lard, 12. — Belle rampe d’escalier, d’un dessin compliqué assez rare ; le travail d’exécution est remarquable. Malheureusement, ce morceau d’art est en mauvais état et ne résistera guère au déplacement.

Rue de Montmorency, 51. — La vieille maison, dite de Nicolas Flamel, qui montre sur sa façade la curieuse inscription gothique suivante gravée sur une seule ligne :

« Nous hômes et fêmes laboureurs demouraus ou porche de ceste maison qui fut fée en l’an de grâce mil quatre cens et sept : somes tenus chascu en droit soy dire tous les jours une patenostre et 1 ave maria en priant dieu q de sa grâce face pardô aux poures pescheurs trespassez, amen. »

La maison, par elle-même, construite en pierres de petit appareil, est originale. L’inscription dont on a demandé un estampage devra certainement être comprise dans les souvenirs parisiens surveillés.

Le bandeau qui surmonte cette inscription est caractéristique du XVe siècle, avec ses grosses moulures.

En résumé, notre excursion avait pour but de rechercher les souvenirs historiques menacés de destruction par les opérations de voirie dont l’exécution est imminente dans la rue Beaubourg et de noter au passage les vestiges anciens à l’égard desquels des mesures de préservation et de conservation vont être proposées.

Pour les maisons qui vont disparaître, nos 31, 33, 35 et 42 de la rue Beaubourg, nous proposons de prendre une vue perspective de la partie de la rue comprime entre le no 31 et la rue du Grenier-Saint-Lazare.

La plaque de la rue des Petits-Champs pourrait être conservée, ainsi que le numéro de maison du 42.

Une vue de face du no 33 serait intéressante, si le musée Carnavalet ne possède pas déjà une reproduction de l’aspect ancien.

Enfin, la 2e Sous-commission pourrait retrouver les traces de la muraille de Philippe-Auguste et contrôler ainsi une fois de plus les travaux de topographie exécutés à ce sujet.

En ce qui concerne les autres maisons visitées, nous présentons les propositions suivantes :

1o Établissement de relevés d’architecte reproduisant les rampes d’escaliers et les appuis de fenêtres des maisons suivantes :

Rue Grenier-Saint-Lazare, no 4, rampe Louis XVI.

Même rue, no 5, balcon extérieur du 1er étage, rampe d’escalier du bâtiment de droite, appuis de fenêtres de la façade et de la cour.

Rue Simon-le-Franc, 20, rampe d’escalier et appuis de fenêtres.

Rue Pierre-au-Lard, 12, rampe d’escalier.

2o Reproduction par relevé d’architecte des portes anciennes :

Rue Beaubourg, 31,

Rue Simon-le-Franc, 20,

et de la décoration du salon Louis XVI de la rue Beaubourg, 38. La fiche d’inventaire de cette maison contient une note destinée à faire surveiller les travaux de réparation de ce salon, de manière à s’assurer, à l’occasion, de l’état des peintures actuellement recouvertes de badigeon.

3o Reproduction photographique du pavillon du fond de l’immeuble rue du Grenier-Saint-Lazare, no 5, et de ce qui reste de l’impasse Beaubourg.

4o Estampage de l’inscription gothique de la rue de Montmorency, 51, et de la plaque de rue apposée sur la maison de la rue Simon-le-Franc, 22.

En terminant, Messieurs, votre 1re Sous-commission insiste sur la nécessité d’empêcher autant que possible la dispersion des admirables œuvres décoratives qui ornent un grand nombre de maisons anciennes, dont la Ville de Paris devient propriétaire après les expropriations. Ces œuvres sont l’expression élevée du génie parisien ; elles concourent à entretenir le goût incomparable de nos artisans. Des moyens de conservation et d’appropriation dans la construction des édifices nouveaux pourraient être étudiés pour permettre de garder dans leur milieu ces souvenirs des arts de l’habitation qui brillèrent d’un si grand éclat à Paris.


2e Sous-commission.

M. Charles Sellier donne lecture du rapport suivant :

« Rapport présenté par M. Charles Sellier, au nom de la 2e Sous-commission, relativement aux découvertes faites dans les fouilles exécutées récemment dans Paris pour travaux divers.
Messieurs,

« À la suite de son intéressante communication, faite au cours de notre dernière séance, relativement à l’existence de quelques vestiges de l’ancien charnier du cimetière Saint-Paul appelés à disparaître pour cause de remaniements de constructions, M. Lucien Lambeau nous a en outre informés que les terrassiers, alors occupés à creuser une fouille pour l’agrandissement d’un lavoir, venaient de mettre à jour, au droit des restes de ce charnier, un massif de maçonnerie assez important, paraissant antérieur à la construction de celui-ci.

« Conformément à l’invitation de la Commission, je me suis immédiatement rendu sur place, accompagné de MM. Charles Normand, Laugier, Lucien Lambeau et Tesson, à l’effet d’examiner la découverte en question ; mais nous ne pûmes ce jour-là nous en rendre compte, la fouille n’étant pas suffisamment avancée. J’y retournai le lendemain ; cette fois la fouille était terminée. Je pus alors constater en effet qu’on se trouvait là en présence d’un massif de maçonnerie traversant obliquement la fouille du sud-est au nord-ouest sur deux mètres d’épaisseur et dont il nous a été impossible d’établir l’identité. Il y avait contre ce mur un amas de troncs de colonnes et de marches d’escaliers de taille très fruste inachevées, sans doute abandonnés là depuis un temps indéterminé.

« Cependant les choses les plus intéressantes en cette affaire sont très certainement les vestiges de l’ancien charnier Saint-Paul. Aussi y revenons-nous aujourd’hui, non point pour répéter ce qu’en a déjà si bien dit M. Lucien Lambeau, mais pour essayer de rappeler l’ancien état des lieux, dans leur ensemble comme dans leur situation.

« On arrivait jadis dans le cimetière Saint-Paul par deux accès : directement par le passage Saint-Pierre (rue Saint-Antoine, 164), et par les dépendances de l’ancienne église, on atteignait l’entrée des charniers qui, prolongée, continue le passage et a son issue rue Saint-Paul, 54. Les deux branches du passage se réunissent à angle droit devant une grille contemporaine des charniers et encore existante : c’était la grille d’entrée du cimetière.

« Si l’on venait par la rue Saint-Paul, on pénétrait dans une longue cour bordée au Nord par les bâtiments ou logeait le clergé de la paroisse, et au Midi par les murs de l’église, remplacée aujourd’hui, sur la rue Saint-Paul, par la maison portant le no 32. Dans cette cour, une école communale a été bâtie sur l’emplacement du chevet de l’église, qui avait de ce côté une porte de service livrant communication avec le passage pour entrer dans le charnier et le cimetière.

« Avant de nous engager dans le passage, il faut remarquer un contrefort, ou éperon triangulaire, destiné à contrebalancer la charge du bâtiment ou la poussée du mur méridional de ce bras du charnier qui se terminait brusquement en cet endroit. À partir de cet endroit, le passage est voûté jusqu’à l’entrée du charnier ; il lui servait pour ainsi dire de vestibule. La voûte de ce passage est de cintre elliptique, en forme d’arête à son entrée, et lambrissée en sapin jusqu’à son extrémité. Après avoir franchi la grille, on se trouvait dans le cimetière, de forme rectangulaire, qu’entouraient, sur trois côtés, les portiques des charniers, le quatrième côté étant formé par le chevet de l’église.

« De ces portiques funéraires, il ne reste plus aujourd’hui que les deux travées signalées par M. Lucien Lambeau, lesquelles attiennent à la grille d’entrée, vis-à-vis d’un lavoir, et vont incessamment disparaître. Elles suffisent encore pour donner une idée de l’ensemble. C’était une construction entièrement en pierre, très simple, composée d’une galerie large de trois mètres vingt centimètres et haute de trois mètres, fermée extérieurement par un mur plein, et à jour du côté du cimetière, comme un cloître. Sur un bahut en pierre haut de cinquante-cinq centimètres, très suffisant pour protéger le pavage (ou le dallage) à l’intérieur, se trouvaient placés des pilastres carrés, alternés avec des colonnettes cylindriques monolithes, d’ordre dorique, et ornés de chaque côté de consoles portant un entablement sur lequel reposait un toit couvert en tuiles légèrement incliné. Les pilastres carrés étaient renforcés extérieurement de contreforts surélevés de près d’un mètre au-dessus de la corniche et coiffés de petits frontons triangulaires. Quant à l’époque à assigner à cette construction, on peut, sans crainte de se tromper, indiquer la fin du XVIe siècle ; elle remplaçait assurément d’anciens charniers ruinés ou devenus insuffisants, datant peut-être de l’édification de l’église Saint-Paul, c’est-à-dire du XIIIe siècle. Si l’on veut avoir une idée assez exacte de l’emplacement et de la disposition du cimetière et du charnier Saint-Paul, il suffit de consulter les anciens plans de Paris, notamment ceux de Gomboust (1652), de Turgot (1739), de Jaillot (1773) et de Verniquet (1791).

« Parmi les morts illustres qui ont reçu la sépulture dans cette nécropole, une des plus anciennes stations cimétériales de Paris, il ne faut pas oublier de citer Rabelais, inhumé sous un noyer, et Mattioli, l’homme au masque de fer, dont le souvenir légendaire n’a cessé de hanter le quartier.

« Nous pensons devoir ajouter que, de l’ancienne église Saint-Paul, remplacée depuis le Concordat par l’église des Jésuites de la rue Saint-Antoine, il ne reste plus rien aujourd’hui, sinon une baie ogivale, une de celles assurément qui éclairaient la grosse tour d’angle qui flanquait au Nord-Ouest son portail. On aperçoit encore cette baie du passage qui conduit à l’issue de la rue Saint-Paul ; elle ouvre sur la façade postérieure, c’est-à-dire sur la cour de la maison située au no 30 de cette rue.

« Immédiatement après notre première visite au passage Saint-Pierre MM. Ch. Normand, Lucien Lambeau, Tesson et moi, nous nous rendîmes tout près de là, rue Caron où nous attendait une surprise. En effet, le surveillant des travaux de l’égout, alors en construction en cet endroit, nous apprit qu’un cercueil de pierre venait d’être mis à jour par les terrassiers. Nous pûmes seulement constater ce jour-là que l’emplacement de cette découverte se trouvait situé à l’intersection de l’alignement nord des maisons de la rue d’Ormesson et la face ouest de la tranchée de l’égout. Le lendemain, 3 juin, grâce aux bons soins de M. Geng, conducteur des travaux, et de M. Douchard, piqueur, le cercueil fut transporté au musée Carnavalet, où il fut procédé à son ouverture le surlendemain, en présence de MM. Pierre Baudin, Chassaing, députés de Paris ; Lamouroux, Piperaud, conseillers municipaux ; Georges Cain, conservateur de Carnavalet ; Geng, conducteur, et Douchard, piqueur. On n’y trouva rien qu’un squelette d’homme, parfaitement conservé.

« Ce cercueil est en pierre tendre du bassin de Paris, de forme trapézoïdale et mesure 2 m. 40 c. de long extérieurement. Son couvercle, à dos-d’âne, forme deux pans réguliers et égaux, il était muni de six grands anneaux en fer. Par sa forme et la façon dont ses parements sont taillés, ce cercueil paraît enfin dater du XIIIe siècle, c’est-à-dire de l’époque où le monastère de Sainte-Catherine fut fondé. Il est présumable que le mort qu’il renfermait fut de son vivant, par le seul fait de ce luxe de sépulture, quelque personnage de distinction.

« En reportant le plan actuel des lieux sur le plan de l’état ancien, on voit que le point où ce cercueil a été trouvé correspond exactement à l’intérieur d’une chapelle, dite de Saint-Jean, située dans le transept de gauche de l’église du prieuré de Sainte-Catherine. Or, on sait que les chanoines de ce monastère l’abandonnèrent en 1767 pour aller occuper les bâtiments de la maison professe des Jésuites rue Saint-Antoine, restés vacants par suite du bannissement de ceux-ci, qui avait eu lieu peu d’années auparavant. On sait aussi que, lorsqu’il fut question, en 1783, de raser les bâtiments et l’église de l’ancien prieuré de Sainte-Catherine pour faire place au marché qui subsiste encore en cet endroit, les chanoines s’empressèrent de faire transférer dans leur nouvelle maison les tombeaux et les monuments de leur ancienne église. Ils durent donc faire enlever également des anciennes sépultures qu’ils ne purent faire transporter tout ce qu’elles contenaient de précieux. C’est ce qui semble expliquer comment le cercueil en question, à part son squelette, ne contenait rien autre, pas même le moindre ornement ni le moindre indice, qui pût nous permettre d’identifier le défunt personnage, ou tout au moins sa qualité.

« Quelques vases en terre, à flammules rouges et à panse trouée, contenant des débris de charbon et portant des traces de fumée, ont été rencontrés dans la terre, contre ce cercueil,

« À quelques pas de là, rue d’Ormesson, sur l’emplacement de l’aile sud du cloître, on a extrait de la tranchée de l’égout divers fragments lapidaires d’architecture et de sculpture, entre autres : quelques troncs de colonnettes avec leurs bases et un chapiteau du XIIIe siècle ; un petit motif délicatement fleuronné portant encore des traces de couleur bleue et de dorure provenant peut-être d’un retable et datant du XIVe siècle ; une base de colonne du XVe siècle ; un fragment d’inscription funéraire du XIIIe siècle ne portant que ces mots, en lettres onciales… in pace… ; un autre débris du même genre, où on lit en caractères gothiques : … re Tiebaut de Bourmontcontesse de Bar dame de Cassel q… Ces quelques mots sont justement un fragment de l’épitaphe suivante recueillie par M. Raunié dans son Épitaphier du Vieux Paris, au chapitre relatif au prieuré de Sainte-Catherine du Val-des-Écoliers, t. ii, p. 293 : « Cy gist noble homme maistre Thibault de Bourmont, licencié ez loix, seigneur de Manicamp et conseiller de madame Yolande de Flandres, comtesse de Bar et dame de Cassel, qui trespassa en l’an de grace M CCC XCV. » Il faut enfin joindre à ces objets un jeton banal en cuivre du XVIIe siècle et un double tournois du même temps.

« Les fouilles du souterrain exécuté pour le transfert de la gare d’Orléans de la place Valhubert au quai d’Orsay n’ont pas amené d’autres résultats que la rencontre, dans la galerie de gauche, entre les rues de Poissy et de Pontoise, sur environ 50 mètres de parcours, d’un long mur qui se poursuit dans la galerie de droite sur une même longueur de 50 mètres, jusqu’à la rencontre de la culée de l’ancien pont au Double, c’est-à-dire à environ 30 mètres en amont de l’axe du nouveau pont. Cette longue construction, composée de moellons avec pierre de taille en parements, où l’on a rencontré plusieurs gros anneaux d’amarrage, est évidemment un ancien mur de quai.

« Les dernières fouilles de la nouvelle École de médecine, exécutées à l’angle des rues Hautefeuille et de l’École-de-Médecine, ont amené les résultats que M. Duprez, architecte, a savamment décrits et définis dans les rapports dont il vient de vous être donné lecture et qui seront insérés au procès-verbal de la présente séance. Il est donc inutile d’en parler à notre tour, sinon pour rappeler que, d’après un mémoire de Quicherat, le légendaire château de Hautefeuille n’était autre qu’un castellum dépendant du camp romain dont l’emplacement est aujourd’hui marqué par le jardin du Luxembourg. Or, suivant cet auteur, le château de Hautefeuille aurait existé en un lieu que traversa plus tard l’enceinte de Philippe-Auguste entre les portes Saint-Michel et Saint-Jacques. Primitivement, voie romaine de second ordre, la rue Hautefeuille aboutissait à ce castellum.

« Quant à l’établissement de bains, dont M. Ch. Duprez parle comme d’un endroit mal famé, il est bon d’ajouter qu’il avait cela de commun avec la plupart des maisons de ce genre qui désignées autrefois sous le nom d’étuves, n’étaient autres que des lieux de débauche. L’établissement en question dépendait de la maison appartenant à Pierre Sarrazin et acquise par les Prémontrés en 1252.

« Signé : Charles Sellier. »

M. Charles Normand fait connaître qu’une excursion du Congrès des architectes au château de Vaux, habité par le fameux ministre Fouquet, et dont il a publié le Guide dans l’Ami des Monuments et des Arts, lui a valu l’intéressante lettre suivante ; elle nous donne des informations inédites, quoique rétrospectives, sur la tombe du célèbre personnage du siècle de Louis XIV :

« Mon cher Monsieur Normand,

« Comme tous nos confrères, j’ai été vivement impressionné par la magnificence du château et des jardins de Vaux-le-Vicomte, et enchanté du gracieux accueil qui nous y a été fait.

« Par une faveur spéciale, il m’a été donné de faire un singulier et triste rapprochement entre le luxe inouï de cette résidence et la fin lamentable du grand seigneur qui l’a créée.

« En 1866, alors architecte inspecteur du 4e arrondissement, j’ai été chargé, par le Ministre de l’Intérieur, de rechercher dans les caveaux du Temple Sainte-Marie, rue Saint-Antoine, autrefois le couvent de la Visitation des Dames Sainte-Marie, le cercueil du surintendant Fouquet, que sa famille a pu obtenir de faire transporter là, de Pignerolles, où il est mort.

« Mes recherches ont commencé du côté droit du temple, dont les caveaux ne contiennent que les cercueils de la famille de Coullanges-Sévigné.

« Pour les continuer du côté de la rue Castex, j’ai rencontré un sérieux obstacle : l’entrée des caveaux est masquée par un calorifère.

« J’ai dû faire crever la voûte dans les bas-côtés. J’ai été assez heureux pour pénétrer justement dans le caveau contenant les cercueils de Fouquet, de sa femme et de son fils, lesquels sont en plomb, portés par des tréteaux en fer. Les inscriptions sont en bronze.

« Le cercueil de Fouquet avait son couvercle enlevé. Ses restes m’apparurent à l’état liquide, ainsi qu’au docteur Gauthier de Claubry, qui avait mission de m’aider dans mes recherches et qui était accompagné de deux membres de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

« Le docteur, après avoir retroussé ses manches, s’est placé devant le cercueil comme un mitron devant son pétrin, et cherchait sans doute le fameux anneau auquel on attribuait si grande valeur.

« Il n’a rien trouvé, par suite de la profanation dont ce cercueil a souffert en 1793.

« Après l’insuccès des recherches, le couvercle du cercueil a été replacé et l’inscription sur plaque de bronze a dû être enlevée ainsi que celles des cercueils de la femme et du fils de Fouquet. Ces plaques sont probablement au musée Carnavalet où il me tarde d’aller pour les revoir.

« Comme vous voyez, mon cher Monsieur Normand, il m’a été donné de toucher à un point de l’histoire du grand siècle, moi simple petit architecte.

« J’ai pensé vous être agréable en vous faisant connaître ces détails, qui vous intéresseront assurément.

« Veuillez agréer, mon cher monsieur Normand, la sincère expression de ma profonde estime et de ma vive affection.

« Signé : Dubel. »


3e Sous-commission.

M. Georges Cain, au nom de la 3e Sous-commission, soumet la liste des reproductions photographiques faites à la demande de la Commission.

Ces reproductions sont les suivantes :

Hôtel du Compas-d’Or, rue Montorgueil.

Restaurant Laveur, rue des Poitevins.

Salle de ce restaurant.

Escalier de ce restaurant.

L’Auberge du Cheval-Blanc, rue Mazet.

La cour de cette auberge.

Le cimetière israélite de la rue de Flandre.

Vieille porte rue des Poitevins.

Tourelle de la rue Hautefeuille.

Quatre vues de la cour de Rouen.

Vieux puits, cour de Rouen.

Vieux puits, rue des Poitevins.

L’ancien cimetière de Saint-André-des-Arts.

Rue Hautefeuille.

Trois vues de la caserne d’Orsay.

M. Georges Cain soumet à la Commission une reproduction par l’aquarelle de la rue Éginard ; il demande à la Commission de vouloir bien en ratifier l’acquisition.

Cette acquisition est votée.

Le même membre ajoute qu’il fait exécuter, en ce moment et d’après les désirs de la Commission, une série complète des berges de la Seine avec toutes leurs transformations actuelles.

M. le Président remercie M. Cain de cette communication ; il estime qu’il y a grand intérêt à prendre en ce moment la vue des quais de la Seine, dont, entre parenthèses, les modifications ne sont pas faites pour plaire aux amis du pittoresque. Il signale également une passerelle que l’on est en train de construire auprès du pont Alexandre et sur laquelle passeront les tramways.

Il ajoute que ce qu’il est indispensable de reproduire, c’est la marche des travaux entraînant des modifications journalières.

M. Tesson appelle l’attention de la 3e Sous-commission sur les changements d’aspects du quartier Montparnasse en raison des travaux occasionnés par la suppression des passages à niveau du chemin de fer de l’Ouest, la reconstruction du pont aux Bœufs et l’établissement de communications entre le XIVe et le XVe arrondissement. Les travaux sont commencés, et il serait grand temps de faire prendre les vues nécessaires à la conservation de ces aspects.

Renvoyée à la 3e Sous-commission.

M. Jules Périn fait la communication suivante :

« M. Charles Magne, secrétaire général de la Montagne Sainte-Geneviève, — à qui s’étaient joints M. le docteur Capitan vice-président du même Comité d’études, et moi, — a suivi, pendant le courant du mois de mars dernier (1898), les travaux de terrassements exécutés pour les fondations d’un grand bâtiment de rapport sis place du Panthéon, rue d’Ulm, no 4 et rue des Fossés-Saint-Jacques, no 21.

« La collection d’antiquités de M. Magne s’est enrichie d’une certaine quantité d’objets intéressants pour l’archéologie parisienne, recueillis dans ces fouilles.

« Les photographies que j’offre, de sa part, à la Commission municipale du Vieux Paris la mettront à même d’apprécier la curiosité qui s’attache à ces objets, dont voici l’énumération :

« Bronzes gallo-romains : Une Vénus de 0 m. 11 c. de hauteur ; un double phallus avec bélière de suspension ; une boucle de harnais ; un petit trépied de 0 m. 06 c. de hauteur ; une fibule.

« Céramique gallo-romaine : Une grande amphore en terre blanche de 0 m. 75 c. de hauteur et de 0 m. 30 c. de diamètre à la panse. L’extrémité du goulot manque et les deux anses sont en partie cassées ; plusieurs poteries, des IIIe et IVe siècles, en terre grise et en terre blanchâtre ; plusieurs fragments de poteries rouges dites de Samos, avec ornements en relief ; un sifflet en os à deux trous.

« Céramique du moyen âge : Vases, lampes, jouets d’enfants et tirelires des XIVe, XVe, XVIIe et XVIIIe siècles.

« Numismatique : impériales romaines, monnaies depuis le moyen âge jusqu’au règne de Louis XVI et jetons (dont une grande partie vient d’être confiée à la Bibliothèque nationale pour en faire un inventaire détaillé).

« Le nombre des objets ainsi collectionnés par M. Charles Magne s’augmente de ceux recueillis dans les mêmes fouilles par M. le docteur Capitan, au nombre desquels figure un beau buste d’une petite Vénus en bronze.

« J’ajouterai que ces deux archéologues préparent, ensemble, une notice sur leurs trouvailles.

« (Cette notice sera offerte dans quelque temps à la Commission du Vieux Paris.) »

Après examen des photographies offertes par M. Magne, la Commission décide de les conserver dans ses archives.

M. le Président croit être l’interprète de la Commission tout entière en souhaitant que les personnes qui ont la bonne fortune de faire de semblables trouvailles dans le sol de Paris voulussent bien, à l’occasion, ne pas oublier que le Musée Carnavalet serait heureux de donner l’hospitalité à quelques-uns des objets trouvés.

Des remerciements seront adressés à M. Charles Magne pour les photographies qu’il veut bien offrir à la Commission.

M. Jules Périn offre de la part de M. H. Lecestre, commis-greffier au Tribunal civil de la Seine, deux photographies d’un coin de l’ancien Palais de justice qu’il a prises avec M. Lecestre et où l’on voit une tourelle sur trompe assez intéressante.

Cette tourelle sur trompe, qui se trouve derrière le dôme central, a été rendue plus visible par l’ouverture de la galerie nouvelle qui relie la galerie des Prisonniers à la 1re chambre de la Cour.

Des remerciements sont votés et seront adressés à M. Lecestre, rue de Jussieu, no 27.

M. André Laugier propose de faire faire une reproduction d’une très intéressante façade Louis XVI située, 44, rue d’Anjou, et qui va être prochainement démolie.

Renvoyé à la 3e Sous-commission.

Le même membre signale un vieil escalier en bois sculpté placé dans une maison située rue Réaumur, 61, ancienne rue Thévenot. Cette maison va prochainement être démolie.

Il demande si la Ville ne pourrait pas faire l’acquisition de cet escalier, qui est fort curieux. Il estime que, dans tous les cas, une reproduction pourrait en être faite.

Renvoyé aux 1re et 3e Sous-commissions.

M. le Président appelle l’attention de la Commission sur la date de sa prochaine réunion.

La Commission décide qu’elle s’ajournera au mois d’octobre, étant entendu que la Commission de permanence aura qualité pour traiter les affaires urgentes qui pourraient se produire.

L’Administration est, en outre, priée de vouloir bien, pendant les vacances, renvoyer à M. le docteur Alfred Lamouroux, président de la Commission de permanence, toutes les communications destinées à la Commission du Vieux Paris.

La séance est levée à six heures.
TRAVÉE DU CHARNIER DU CIMETIÈRE DE SAINT-PAUL
(Passage Saint-Pierre, Saint-Antoine.)