Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604/Sur la fievre

, François d'Arbaud de Porchères
Premier recueil de diverses poésiesImprimerie Du Petit Val (p. 39-40).

Sur la fievre


Que faites vous dedans mes os
Petites vapeurs enflammees,
Dont les petillantes fumees
M'estouffent sans fin le repos ?

Vous me portez de veine en veine
Les cuisans tisons de vos feux,
Et parmi vos destours confus
Je perds le cours de mon haleine.

Mes yeux crevez de vos ennuis
Sont bandez de tant de nuages,
Qu'en ne voyant que des ombrages
Ils voyent des profondes nuits.

Mon cerveau siege de mon ame
Heureux pourpris de ma raison,
N'est plus que l'horrible prison
De votre plus horrible flamme.


J'ai cent peintres dans ce cerveau,
Tous songes de vos frenaisies,
Qui grotesquent mes fantasies
De feu, de terre, d'air & d'eau.

C'est un chaos que ma pensee
Qui m'eslance ores sur les monts,
Ore m'abisme dans un fond,
Me poussant comme elle est poussee.

Ma voix qui n'a plus qu'un filet
A peine, à peine encore tire
Quelque souspir qu'elle souspire
De l'enfer des maux où elle est.

Las ! mon angoisse est bien extresme,
Je trouve tout a dire en moy,
Je suis bien souvent en esmoy,
Si c'est moy-mesme que moy-mesme.

A ce mal dont je suis frappé
Je comparois jadis ces rages,
Dont amour frappe nos courages,
Mais, amour, je suis bien trompé.

Il faut librement que je die :
Au prix d'un mal si furieux,
J'aimerois cent mille fois mieux
Faire l'amour toute ma vie.