Premières poésies (Évanturel)/Les quatre saisons

Augustin Côté et Cie (p. 5-14).


LES QUATRE SAISONS



LE PRINTEMPS



PHTISIQUE, et toussant dans la neige,
L’Hiver s’est éteint lentement.
Le ciel pleurait pour le cortège,
Le jour de son enterrement.


C’est au Printemps à lui survivre.
Il revient en grand appareil,
Non pas en casquette de givre,
Mais en cravate de soleil.



Sortons. La boue est disparue ;
Et pour mieux protéger son teint,
Avril, qui passe dans la rue,
Tient son parasol à la main.


Et Mai, qui le suit par derrière,
S’avance, le front découvert,
Une rose à la boutonnière
De son habit de velours vert.







L’ÉTÉ



LA main brunie à l’espagnole,
Semant des bouquets à foison,
L’Été danse la Farandole,
Le pied perdu dans le gazon.


Le trèfle croît sur la muraille,
Le grillon chante dans le thym ;
Et Juillet, en chapeau de paille,
Arrose les fleurs du jardin.



Il fait plus chaud que dans la forge
Où, pour les forçats de l’enfer,
Satan sur son enclume forge
La chaîne et le boulet de fer.


Le blé promet. La fraise est mûre.
Quand vient le soir, tant l’air est bon,
La Lune, en quête d’aventure,
Se promène sur son balcon.







L’AUTOMNE



PENDANT que l’Éternité joue,
Le Temps, sur son vieux tapis vert,
Des Saisons fait tourner la roue :
Automne, Été, Printemps, Hiver.


Les nuits sont froides ; — l’on s’enrhume ;
Soir et matin le ciel est noir.
Les nuits sont froides ; — le toit fume ;
La boue encadre le trottoir.



Le vent de la montagne pince ;
Mais si les nids sont dépouillés,
La girouette pleure et grince
Tristement sur ses gonds rouillés.


Les verrous sont blancs à nos portes.
Déjà le froid. Adieu l’Été.
Novembre est plein de feuilles mortes.
Encore un Soleil de compté !







L’HIVER



AUX grincements que fait sa botte,
Foulant les glaçons sous ses pas,
Le menton bleu, Janvier grelotte
Sous son paletot de frimas.


On voit baisser le thermomètre ;
Et dans le givre du châssis,
Février signe à la fenêtre,
Son nom avec ses doigts rougis.



Les places publiques sont blanches ;
La grêle poudre les beffrois.
Triste saison des avalanches,
Des craquements et des grands froids !


Entrons au logis ! — le vent souffle ;
Mais sous le blanc toit des maisons,
L’Hiver, le pied dans sa pantoufle,
Se réchauffe près des tisons.