Premières Poésies (Musset, éd. 1863)/À Pepa

Premières Poésies (1829-1835)Charpentier (p. 164-165).
◄  Chanson
À Juana  ►


À PEPA


Pepa, quand la nuit est venue,
Que ta mère t’a dit adieu ;
Que sous ta lampe, à demi nue,
Tu t’inclines pour prier Dieu ;

À cette heure où l’âme inquiète
Se livre au conseil de la nuit ;
Au moment d’ôter ta cornette,
Et de regarder sous ton lit ;

Quand le sommeil sur ta famille
Autour de toi s’est répandu ;
Ô Pepita, charmante fille,
Mon amour, à quoi penses-tu ?

Qui sait ? Peut-être à l’héroïne
De quelque infortuné roman ;
À tout ce que l’espoir devine
Et la réalité dément ;

Peut-être à ces grandes montagnes
Qui n’accouchent que de souris ;
À des amoureux en Espagnes,
À des bonbons, à des maris ;


Peut-être aux tendres confidences
D’un cœur naïf comme le tien ;
À ta robe, aux airs que tu danses ;
Peut-être à moi, — peut-être à rien.


1831.