Précis de la mythologie scandinave/Ragnarok


RAGNAROK.[1]

L’hiver, nommé la saison de Fimbul, s’achemine ; la neige tombe de tous les coins de l’univers ; la rigueur du froid et du vent est affreuse, l’ardeur du soleil perd son intensité. Deux hivers semblables à celui-ci se succèdent sans être suivis d’été. Ce temps a été précédé d’une époque de combat et de lutte ; les frères se tuaient mutuellement, les pères mêmes n’épargnaient pas leurs fils. Les loups dévorent alors le soleil, et les astres disparaissent de la voûte du ciel. La terre et les montagnes tremblent de manière que les arbres se déracinent et que les rochers s’écroulent. Tous les liens se détachent ; le loup de Fenris ayant échappé, s’élance à gueule béante, sa mâchoire supérieure touche au ciel, pendant que l’inférieure frotte la terre ; la bête féroce l’ouvrirait même davantage si l’espace le lui permettait ; le feu sort à la fois de ses yeux et de ses narines. La mer orageuse déborde, car le serpent de Midgaard, qui s’élève du fond, cherche à gagner la plage pour y vomir son venin. Le ciel se crevasse alors et les fils de Muspelheim en sortent ; Surte entouré de flammes et brandillant le glaive flamboyant est à leur tête. Ils traversent le pont de Bifrost[2] qui s’écroule sur leur passage. Ainsi ils s’avancent dans la plaine, nommée Vigrind qui s’étend à cent lieues de chaque côté, en formant une phalange rayonnante. Loke, suivi du cortége lugubre de Hel, y vient à son tour, de même que les Hrimthurses et les géans.

Sur ses entrefaites se lève Hejmdal ; il embouche le cor de Gjallar, et les dieux se rassemblent à cet appel qui fait retentir tout l’univers. Odin se rend au puits de Mimer pour consulter la sagesse de celui-ci ; le vieux frène d’Ygdrasil soupire en tremblant, la terre et le ciel s’épouvantent. Les dieux et les Ejnhériens se revêtissent alors de leurs armes et se mettent en campagne. Odin conduit la troupe vaillante ; vêtu de sa cuirasse luisante, la tête couverte d’un casque doré, et la lance à la main, il se précipite sur le loup de Fenris. Thor se tient à ses côtés sans pouvoir du reste lui assister, engagé comme il l’est dans une lutte sanglante contre le serpent de Midgaard, c’est à peine qu’il évite de s’affaisser. Surt est l’adversaire de Frejr ; c’est un combat à outrance entre ces deux ; mais le dieu finit par succomber. Tyr, fils d’Odin, lutte contre un monstre de chien, nommé Gram ; et tous deux périssent. Thor a remporté la victoire sur le serpent ; mais atteint du venin dont l’a couvert le dragon, il ne fait que neuf pas chancelans avant d’expirer à son tour. Odin a été englouti par le loup de Fenris contre lequel se jette le fils intrépide d’Odin, Vidar, qui se fait le vengeur de son père. Mettant le pied sur la mâchoire inférieure du loup, il le saisit par la partie supérieure de la gueule et lui arrache la langue. Loke et Hejmdal s’assassinent dans le combat. Les dieux ayant succombé, le monde se consume du feu que Surt a fait jaillir sur la terre ; les flammes pétillantes montent au ciel, et l’univers entier croule dans l’océan.


  1. Le crépuscule des dieux.
  2. L’arc-en-ciel.