Pour l’amour de Marie

La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 50-51).


POUR L’AMOUR DE MARIE


Noël pour l’amour de Marie,
Nous chanterons joyeusement,
Qui apporte le fruit de vie,
Le tout pour notre sauvement.

Joseph et Marie s’en allèrent
Un soir, bien tard, en Bethléem.
Les hôteliers, les hôtelières
Ne les prisèr’nt pas grandement.

S’en allèrent dedans la ville,
Et d’huis en huis logis querant.
En ce temps-là la sainte fille
Était bien près d’avoir enfant.

Joseph va regardant Marie
Qui a le cœur triste et dolent,
En lui disant : Ma chère amie,
Où logerons-nous à présent ?

Ils s’en vont chez un très riche homme
Demander logis humblement,
Et on leur répondit en somme :
Avez-vous chevaux largement ?

Nous avons un bœuf et un âne,
Voyez-les près d’ici devant.
Vous semblez pauvres, sur mon âme,
Vous ne logerez point céans.

Ils s’en allèrent chez un autre
Demander logis pour argent,
Et on leur répondit : « À d’autres,
Vous ne logerez point céans. »


Or, Joseph vit passer un homme
Qui l’appela méchant paysan :
Où vas-tu mener cette femme,
Qui n’a pas plus haut de quinze ans ?

J’ai vu là une vieille étable,
Logeons-nous-y pour maintenant.
Alors la Vierge adorable
Était bien près d’avoir enfant.

Sur la minuit cette nuitée
La douce Vierge eut son enfant,
Sa robe n’était pas fourrée
Pour l’envelopper chaudement.

Elle le mit en une crèche
Sur un peu de foin seulement,
Une pierre dessous la tête,
Pour reposer le Tout-Puissant.

Or, prions la Vierge Marie
Que son fils veuille supplier
Qu’il nous doint[1] mener telle vie
Qu’en Paradis puissions entrer.


(Les Grands Noelz nouveaulx, vers 1550.)
  1. Qu’il nous donne, qu’il nous permette.