La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 112-113).


POUR MESDEMOISELLES LOYSON[1]

1702


          Pour la Doguine
Qu’un autre se laisse enflammer ;
Si je n’avais point vu Tontine
Je pourrais me laisser charmer
          Par la Doguine.

          Ou brune ou blonde,
Tontine charme également ;
Et, pour contenter tout le monde,
Elle est alternativement
          Ou brune ou blonde.

          Sur son visage
Mille petits trous pleins d’appas
Des Amours sont le tendre ouvrage,
Sans compter ceux qu’on ne voit pas
          Sur son visage.

          Sa belle bouche
Est pleine de ris et d’attraits ;
Elle ne dit rien qui ne touche :
L’Amour a choisi pour palais
          Sa belle bouche.

          Sa gorge ronde
Est de marbre, à ce que je croi ;
Car mortel encor dans le monde
N’a vu que des yeux de la foi
          Sa gorge ronde.

          Qu’elle est charmante
Avec les accents de sa voix !
Ou quand une corde touchante
Parle tendrement sous ses doigts,
          Qu’elle est charmante !

          De la Doguine
Je veux célébrer les attraits ;
Elle est digne sœur de Tontine :
Ami, verse-moi du vin frais
          Pour la Doguine.

          Qu’elle est aimable,
Quand Bacchus la tient sous ses lois !
Mais, bien qu’elle triomphe à table,
L’Amour ne perd rien de ses droits.
          Qu’elle est aimable !

          Tous, à la ronde,
Vidons ce verre que voilà ;
C’est à cette charmante blonde :
Peut-être elle nous aimera
          Tous, à la ronde.

Regnard.

  1. Dans leur société, l’aînée s’appelait Doguine ; la cadette, Tontine.