Poisson (Arago)
Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences2 (p. 655-656).
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RÉFLEXIONS SUR LE NOMBRE DES TRAVAUX DE POISSON.


Je n’ai jusqu’ici analysé qu’une minime partie des Mémoires de Poisson. On se demandera sans doute comment, durant une vie si courte et consacrée en grande partie au professorat, notre confrère était parvenu à attaquer et à résoudre tant de problèmes. Je répondrai que c’est par la réunion de trois qualités : le génie, l’amour du travail et l’érudition mathématique. Le génie est un don naturel que rien ne peut suppléer, lorsqu’il s’agit de travaux dont la postérité conservera le souvenir ; le génie ne se fait connaître que par de courts éclairs, s’il n’est pas accompagné de la persistance, de la patience sans laquelle aucune œuvre sérieuse n’est conduite à son terme ; enfin, sans la connaissance des découvertes de ses prédécesseurs, on est réduit à tout tirer de son propre fonds, et, dans la courte durée de la vie qui nous est accordée par la nature, on ne peut résoudre qu’un très petit nombre de questions. Si Poisson a été d’une fécondité extraordinaire, c’est qu’il était au courant de ce qui avait été fait avant lui, au courant, par exemple, des immenses travaux des Euler et des d’Alembert ; c’est qu’il ne s’est jamais sottement obstiné à perdre son temps et ses forces à la recherche de ce qui était déjà trouvé.

Que l’exemple de Poisson serve de leçon à ces esprits irréfléchis qui, sous le prétexte de conserver leur originalité, dédaignent de prendre connaissance des découvertes de leurs devanciers, et restent sur les premiers degrés de l’échelle, tandis que, avec moins d’orgueil, ils se seraient élevés au sommet.