Poisson (Arago)
Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences2 (p. 593-605).
II  ►


POISSON[1]


BIOGRAPHIE LUE PAR EXTRAITS EN SÉANCE PUBLIQUE DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES, LE 16 DÉCEMBRE 1850.




NAISSANCE DE POISSON. — SA JEUNESSE. — SON ADMISSION À L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE. — SA BRILLANTE CARRIÈRE. — NOMBREUX EMPLOIS QU’IL A REMPLIS. — SON ÉLECTION À L’ACADÉMIE DES SCIENCES. — DIVISION DE SES TRAVAUX.


Siméon-Denis Poisson naquit à Pithiviers, département du Loiret, le 21 juin 1781, de Siméon Poisson et de mademoiselle Franchetère, sa femme. Le père, après avoir pris part comme simple soldat aux guerres du Hanovre, fit l’acquisition d’une petite place administrative ; il remplissait, dans la capitale du Gâtinais, des fonctions analogues à celles qui aujourd’hui sont dévolues aux juges de paix. Les aînés de Siméon-Denis étaient morts en bas âge. En 1781, les éloquentes prescriptions de Jean-Jacques Rousseau sur l’allaitement des enfants, si bien accueillies dans les villes, avaient à peine pénétré dans les campagnes. La mère de Poisson était d’ailleurs d’une santé très-délicate ; son jeune enfant fut donc confié à une nourrice habitant une maison isolée à quelque distance de Pithiviers. M. Poisson alla un jour visiter son fils ; la nourrice était aux champs ; impatient, il pénétra de force dans l’habitation, et vit, avec un douloureux étonnement, ce fils, objet de toutes ses espérances, suspendu par une petite corde à un clou fixé dans le mur. C’est ainsi que la campagnarde s’assurait que son nourrisson ne périrait pas sous la dent des animaux carnassiers et immondes qui circulaient dans la maison. Poisson, de qui je tiens cette anecdote, ne l’envisageait que par son côté plaisant : « Un effort gymnastique me portait incessamment, disait-il, de part et d’autre de la verticale ; c’est ainsi que, dès ma plus tendre enfance, je préludais aux travaux sur le pendule qui devaient tant m’occuper dans mon âge mûr. » Prenons la chose du côté sérieux, et félicitons nous que, par la création dans le plus humble village d’une crèche et d’une salle d’asile, la vie d’un enfant destiné à honorer son pays ne doive plus dépendre de la solidité d’un clou et de la ténacité de quelques brins de chanvre.

Poisson reçut les premiers éléments de lecture et d’écriture à Pithiviers même, sous la direction immédiate de son père ; sa famille se réunit un jour pour choisir la carrière qu’on lui ferait embrasser ; on pensa d’abord au notariat, mais on y renonça tout d’une voix, à cause de la contention d’esprit qu’il exigeait ; ainsi, par un jugement qui paraîtra aujourd’hui bien étrange, il fut décidé que l’homme qui devait pénétrer dans les régions les plus abstruses des mathématiques n’aurait pas une intelligence assez forte pour combiner les clauses d’un contrat. La chirurgie obtint la préférence sur le notariat, et Poisson alla s’installer auprès d’un oncle, M. Lenfant, qui exerçait cet art à Fontainebleau. Poisson racontait, avec une gaieté communicative, les essais infructueux qu’il fit dans cette nouvelle carrière. Pour l’exercer à la saignée, son oncle lui mettait dans les mains une lancette à l’aide de laquelle il lui demandait de piquer les nervures d’une feuille de chou. « Je ne réussissais jamais, disait Poisson, tant ma main était peu assurée, à toucher ces maudites nervures, tout apparentes qu’elles étaient, lorsque je les visais. J’étais plus heureux quelquefois lorsque je visais à côté. Mes insuccès ne décourageaient cependant pas mon bon oncle, qui m’aimait beaucoup et voulait me conserver auprès de lui. Une fois, il m’envoya avec un de mes camarades, M. Vanneau, actuellement établi aux colonies, poser un vésicatoire sur le bras d’un enfant ; le lendemain, quand je me présentai pour lever l’appareil, je trouvai l’enfant mort ; cet événement, fort commun, dit-on, fit sur moi l’impression la plus profonde, et je déclarai sur l’heure que je ne serais jamais ni médecin ni chirurgien. Rien ne put ébranler ma résolution, et l’on me renvoya à Pithiviers. »

Le père de Poisson, comme président du district, recevait régulièrement un exemplaire du Journal de l’École polytechnique. Son fils, grand amateur de lecture, trouva çà et là l’énoncé de diverses questions qu’il parvint à résoudre, quoique entièrement dépourvu alors de guide et de méthode. Cet exercice avait commencé à développer des talents mathématiques que la nature avait déposés en germe dans la vaste tête de celui qui devait devenir un jour une des illustrations de cette académie. Dans un de ses voyages à Fontainebleau, son camarade Vanneau lui parla de quelques problèmes qu’il avait entendu proposer à l’École centrale, de celui-ci, par exemple :

Quelqu’un a un vase de douze pintes plein de vin ; on veut faire un cadeau de six pintes ou de la moitié, mais on n’a pour mesurer ces six pintes que deux vases, l’un de huit, l’autre de cinq pintes. Comment doit-on s’y prendre pour mettre six pintes de vin dans le vase de huit pintes ?

Poisson résolut à l’instant cette question et d’autres dont on lui donna l’énoncé. Il venait de trouver sa véritable vocation.

Parmi les membres du corps enseignant à l’École centrale de Fontainebleau, il en était un que nous avons tous connu, M. Billy, qui se distinguait par les plus rares qualités. Doux, patient, bienveillant, il devenait bientôt l’ami des jeunes gens qui lui étaient confiés ; il jouissait de leurs succès avec une vivacité toute paternelle. Tel était l’excellent homme qui fut chargé de diriger les premiers pas de Poisson dans la carrière des sciences. M. Billy, qui n’avait embrassé jusqu’alors dans ses méditations que les mathématiques élémentaires et des sujets purement littéraires, ne tarda pas à reconnaître qu’il venait de trouver son maître, et il ne s’en montra pas jaloux, tout au contraire. Cette supériorité de l’élève sur le professeur en titre eut de très-heureuses conséquences. M. Billy se livra aux études mathématiques les plus sérieuses, afin de pouvoir rendre une justice éclairée aux inventions qui lui étaient confiées par son élève, et dont il désirait devenir le promoteur. Vous savez maintenant l’origine de cette amitié que MM. Poisson et Billy avaient l’un pour l’autre, et qui ne s’est jamais démentie ; cet attachement prit, dans les dernières années de la vie de l’ancien professeur, le caractère d’une véritable passion. Chacun de vous avait sans doute remarqué aux époques les plus brillantes de la carrière scientifique de Poisson, un homme de petite taille, à la chevelure noire, au teint basané, qui venait quelquefois de très-bonne heure dans la salle de nos séances pour retenir une place favorable sur les banquettes destinées au public ; les habitués ne manquaient jamais de dire sur ce seul indice : « Nous aurons aujourd’hui la bonne fortune d’une communication de Poisson. » Dès que le savant géomètre prenait la parole, l’ancien professeur de Fontainebleau, car c’était lui, écoutait dans le plus profond recueillement, les mains croisées sur les genoux, le corps penché en avant et les yeux fermés. La lecture terminée, M. Billy redressait la tête, son regard jetait des éclairs, et il allait se mêler à tous les groupes, où il recueillait avec bonheur les paroles louangeuses que le Mémoire avait excitées. Quelques années auparavant, M. Billy s’était écrié à Fontainebleau :

Petit Poisson deviendra grand
Pourvu que Dieu lui prète vie.

« Voyez, semblait-il dire, si ma prédiction s’est réalisée ! » Les personnes qui connaissaient M. Billy ne me blâmeront certainement pas de lui avoir consacré un souvenir ; celles qui ne le connaissaient pas trouveront peut-être cette digression hors de place ; je répondrai par une réflexion très-courte : la majorité des élèves de nos lycées et de nos grandes écoles ne montre pas aujourd’hui plus de considération pour ceux qui les ont guidés dans la carrière de l’intelligence que pour le fabricant qui a fourni à prix d’argent l’étoffe dont ils se couvrent ou pour l’artiste qui l’a façonnée ; nos salons, nos académies, nos assemblées politiques, retentissent journellement de discussions dans lesquelles les disciples traitent leurs vieux maîtres, sans égard, sans politesse, et même, car cela s’est vu, la menace à la bouche. C’est en méditant sur ces résultats affligeants, indices certains de l’abaissement, de la dégradation des mœurs publiques, que m’est venue la pensée de rappeler à vos souvenirs l’attachement exceptionnel dont le professeur et l’élève de Fontainebleau ont offert l’exemple touchant. Louer les bonnes actions et flétrir les mauvaises est un devoir sacré pour tous ceux que leurs fonctions appellent à l’honneur de parler en public.

C’est en se jouant que Poisson se rendit maître des matières indiquées dans le programme d’admission à l’École polytechnique ; il eût pu se présenter à seize ans ; sa constitution très-frêle et son état de santé firent retarder d’un an l’épreuve généralement si redoutée. On raconte que l’examinateur, M. Labbé, n’adressa à Poisson qu’une seule question ; l’élève de M. Billy, par des digressions habilement ménagées, parcourut hardiment toutes les parties de la science, et laissa les auditeurs et l’examinateur dans l’admiration.

Poisson, âgé de dix-sept ans, fut reçu le premier de sa promotion à la fin de 1798. On a dit qu’il vint à Paris en sabots ; le fait est inexact. L’insuffisance de fortune ne força jamais le père de Poisson à adopter pour lui ou pour sa famille la chaussure des paysans du Gâtinais. Voici la vérité : à l’époque en question, les modes ne se répandaient pas de la capitale à la province avec la rapidité de la pensée. Le premier élève de la promotion de 1798 se présenta à ses camarades coiffé d’un énorme chapeau à cornes très-mal retapé, dont notre confrère prétendait, dans un premier mouvement, qu’on ne trouverait plus aujourd’hui de modèle. « Je me trompe, disait Poisson en se reprenant, je vois tous les jours, non sans émotion, car les souvenirs de jeunesse me remuent profondément, mon chapeau phénoménal sur la tête de ces marchands ambulants qui parcourent à pas comptés les rues étroites de nos faubourgs, et font retentir l’air du nom des légumes à bon marché dont leur brouette est chargée. »

L’École polytechnique était alors exclusivement gouvernée par le conseil des professeurs ; ceux-ci ne tardèrent pas à s’apercevoir que le chef de la promotion de 1798 maniait le tire-ligne avec une grande maladresse ; ils le dispensèrent donc de tout travail graphique, présumant bien qu’il n’entrerait pas dans un service public, et que sa véritable carrière serait celle des sciences. Cette décision intelligente, qui, pour le dire en passant, n’a pas été imitée depuis que l’École est gouvernée en partie par de grosses épaulettes, permit à Poisson de se livrer sans distraction à ses recherches favorites. Poisson eut à Fontainebleau d’éclatants succès dans ses études littéraires aussi bien qu’en mathématiques. Il avait une véritable passion pour le théâtre ; ce délassement était dispendieux ; il se le procurait cependant, en se privant de dîner, le quintidi et le décadi. C’était l’art de bien dire qui conduisait Poisson au Théâtre-Français, car il savait par cœur Molière, Corneille, et surtout les tragédies de Racine.

J’avais pensé un moment devoir, à cette occasion, réfuter une imputation profondément blessante pour tous les membres de cette Académie, qu’un poëte illustre a laissé tout récemment échapper de sa plume. J’avais même déjà réuni les noms empruntés à l’antiquité grecque et latine, à l’Italie de la renaissance, à la Suisse, à l’Allemagne, à l’Angleterre, à la France, et qui eussent prouvé que les études scientifiques, loin d’émousser le sentiment et d’énerver l’imagination, les développent au contraire, et les fortifient. Mais j’ai bientôt renoncé à commencer cette croisade sans objet sérieux. Que dit, en effet, le poëte ? Il dit « qu’il est impossible de faire comprendre à un savant que la poésie n’est pas la rime. Il faut vraiment plaindre l’auteur de n’avoir trouvé sur sa route que des savants à qui il a fallu essayer de prouver que ses suaves mélodies n’étaient pas des bouts rimés. Je croirai, au reste, ne faire aucun tort à la généralité des savants qu’on traite avec tant de dédain, en avouant qu’ils prennent pour règle de leur poétique cette maxime d’un grand maître :


Rien n’est beau que le vrai.

Or, j’avoue ingénument que les savants ne croient pas que les formes plus ou moins heureuses du langage aient le déplorable privilége de transformer l’erreur en vérité. Le plus beau style, suivant eux, ne peut pas faire que la lumière des feux allumés par les pêcheurs napolitains, la nuit, près de leurs barques, se voie d’autant mieux qu’on la regarde de plus loin. Ils admirent la description poétique des courses d’un jeune amoureux, sans se croire obligés d’admettre que le lever de la lune précède toujours le lever du soleil du même nombre d’heures. Appuyés sur les décisions de la science, ils refusent de croire, malgré le charme de très-beaux vers, que les ossements fossiles qui meublent tous nos musées, soient des restes de squelettes humains. Enfin, lorsque le poëte, voulant dépeindre le retentissement de ses pas dans une galerie, s’écrie : « C’était sonore comme le vide ! » le lecteur fùt-il très-peu savant, oublie les grâces du discours, pour se rappeler que le bourdon de Notre-Dame lui-même, mis en branle dans une chambre privée d’air, ne produirait pas plus de bruit que n’en font les astres en parcourant leurs orbites dans les profondeurs du firmament. Mais j’ai trop insisté peut-être sur ces aberrations regrettables d’un écrivain de génie, et je reprends mon récit. Poisson, qui s’était placé à la tête des candidats reçus à l’École en 1798, devenu élève, conserva son rang. Lagrange faisait alors un cours sur les fonctions analytiques, et il ne se passait presque pas de séance où il n’apprît soit par une note communiquée, soit par les réponses faites au tableau, qu’il y avait dans son auditoire un jeune homme qui trouvait le secret de jeter sur ses démonstrations une élégance et une clarté inattendues. Lagrange s’empressait de rendre une justice éclatante à ces tentatives ; et bientôt le bruit se répandit dans la capitale que l’École renfermait un jeune géomètre destiné à continuer ceux qui alors illustraient la France. Dans ce temps-là, l’apparition d’un talent hors ligne ne semblait à personne un événement ordinaire ; chacun s’empressait de l’attirer à lui, de l’entourer de sa protection, de l’encourager par des offres sincères de service. C’est ainsi que Poisson devint l’ami de Ducis le poëte, de Gérard le peintre, et de Talma le tragédien. Il fréquentait leurs salons et s’y faisait remarquer par ses manières enfantines, par sa gaieté, et par les grâces de son esprit. Poisson était aussi très-assidu aux réunions plus austères qui avaient lieu chez Destutt de Tracy, chez Cabanis et chez Lafayette.

L’avenir de Poisson était désormais assuré ; il devait en peu de temps occuper les emplois les plus honorables et les plus brillants. L’École polytechnique lui confia successivement les fonctions de répétiteur au commencement de 1800, celles de professeur suppléant en 1802, et enfin les fonctions de professeur titulaire en 1806, à la place de Fourier, qui, depuis son retour d’Égypte, était préfet du département de l’Isère. Le 24 août 1808, Poisson fut élu à une place d’astronome au Bureau des longitudes, laissée depuis longtemps vacante.

À la formation de la Faculté des sciences, en 1809, il fut chargé d’y professer la mécanique rationnelle.

Il devint examinateur de l’arme de l’artillerie, en remplacement de M. Legendre, démissionnaire, le 18 février 1812, et le 23 mars suivant, il fut nommé membre de l’Institut.

En 1815, le ministre de la guerre eut l’heureuse pensée de charger Poisson du soin d’examiner et de classer les élèves de l’École militaire de Saint-Cyr.

Lorsque, en 1816, Lacroix renonça aux fonctions d’examinateur de sortie de l’École polytechnique, Poisson fut appelé à le remplacer ; il a exercé ces fonctions jusqu’à sa mort.

Le 26 juillet 1820, notre confrère devint conseiller de l’Université.

Enfin, le 11 avril 1827, Poisson fut nommé géomètre du Bureau des longitudes, pour succéder à M. de Laplace, décédé récemment.

Ces divers emplois, remplis pour la plupart simultanément, et bien remplis, procurèrent à Poisson une grande aisance.

Le public a remarqué avec étonnement la date tardive de l’entrée à l’Institut de Poisson ; mais cet étonnement est-il bien fondé ? Oui ! si l’on considère le mérite du savant ; oui ! si l’on songe que plusieurs de ses élèves furent admis avant lui ; mais le fait s’explique très-simplement, sans qu’on puisse en rien induire de défavorable aux sentiments de justice dont l’Académie ne s’est jamais départie, toutes les fois qu’il s’est agi d’hommes supérieurs. Le corps savant est divisé en sections de six membres chacune. Dans les nominations, on conservait jadis avec un soin scrupuleux la spécialité de ces divisions ; ainsi, un géomètre n’entrait presque jamais dans la section de physique, ni un astronome dans la section de mécanique, etc. Poisson avait sa place marquée dans la section de géométrie, et c’est à l’ordre fortuit suivant lequel la mort opéra les vacances qu’on doit seulement imputer la nomination si retardée de notre illustre confrère. Enfin, impatientée de voir un homme aussi éminent que Poisson hors de son sein, la majorité de l’Académie fit fléchir la rigueur des principes et le nomma dans la section de physique, où Poisson est resté jusqu’à sa mort.

Laplace, qui voua dès l’origine à Poisson les sentiments d’un père, contribua pour beaucoup à cette détermination, que les travaux ultérieurs de notre confrère sur tant de branches de la physique mathématique ont amplement justifiée.

Préoccupé par les difficultés que j’entrevois, je cherche, je m’en aperçois, je cherche des prétextes pour éloigner le moment où il me faudra définitivement présenter l’analyse des travaux scientifiques de Poisson. Une pareille analyse est une partie nécessaire de cette biographie. J’aborde donc sans plus tarder mon sujet ; si je ne réussis pas à me rendre toujours intelligible, on voudra bien me le pardonner, en songeant qu’il est souvent malaisé, presque impossible, de traduire en langage vulgaire les résultats contenus dans des combinaisons compliquées de symboles algébriques.

Les recherches de Poisson embrassent toutes les branches des mathématiques pures et appliquées ; ses Mémoires sont extrêmement nombreux ; si je voulais les mentionner tous, même en me bornant à citer les titres, je dépasserais de beaucoup les limites qui me sont tracées. J’ai tenu dans mes mains un tableau rédigé par Poisson lui-même de toutes ses productions ; trois cent quarante-neuf pièces y sont mentionnées ; si on y joint deux Mémoires posthumes, l’un sur les corps cristallisés, et l’autre sur les apparences des corps lumineux en repos ou en mouvement, le total se monte donc à trois cent cinquante et un, sans compter les ouvrages spéciaux. En faisant la part des double ou triple emplois, je veux dire les publications de la même pièce dans différents recueils, il reste encore, pour le contingent apporté par Poisson à la masse des connaissances humaines, près de trois cents écrits. Le public ne sera pas privé de ce précieux catalogue, je l’imprimerai à la suite de cette biographie. On imaginera facilement que, dans cette multitude de productions, tout n’a pas la même importance et la même nouveauté ; mais Poisson, à l’exemple d’Euler, n’approuvait pas le faux point d’honneur des géomètres qui refusent de publier certains Mémoires, de peur d’affaiblir la haute réputation qu’ils ont acquise par des travaux plus importants ; il croyait que tout ce qui est net, précis, et propre à élucider des points obscurs de la science, doit être soumis à l’appréciation du public par la voie de l’impression.

Dans l’analyse des travaux de l’illustre géomètre, je ne m’arrêterai guère que sur les points culminants, sans m’astreindre à suivre l’ordre des dates. Je les grouperai en travaux de pure analyse, en applications à des problèmes de physique et en recherches ayant pour objet les plus hautes questions d’astronomie.



  1. Œuvre posthume.