Poésies de Magu/À ma jalouse

Texte établi par avec une préface par George Sand, Charpentier (p. 17-20).

À MA JALOUSE.


    C’est un mal étrange
Que celui d’aimer,
Surtout quand un ange
A su nous charmer.

    Pourquoi cette plainte
Qui s’adresse à moi ?
Pourquoi cette crainte
Quand je suis à toi ?


    À toi pour la vie,
Mon cœur vient s’offrir.
Mais ta jalousie
Me fera mourir.

    Pourquoi donc me faire
Un dernier adieu,
Quand je te préfère
À tout, même à Dieu !

    Veux-tu que je pleure
Quand j’ai tant pleuré ?
Veux-tu que je meure ?
Eh bien, je mourrai.

    Je mourrai de peine,
Cela se peut, mais

Moi briser ma chaîne
Le premier, jamais !

    Ton doute m’accable,
Il me faudra donc
Aller au coupable
Demander pardon !

    Demain, dès l’aurore,
Il me sera doux
De détruire encore
Tes soupçons jaloux.

    Oui, ma voix touchante
Doit te désarmer ;
Tu verras, méchante,
Si je sais t’aimer.


    Si, comme j’espère,
Tout peut s’oublier,
Je dis à ta mère :
Faut nous marier.

    L’amour vit d’alarmes,
Croît dans les douleurs,
Il lui faut des larmes
Et de tendres cœurs.

    Mais l’hymen, ma chère,
Peut seul nous guérir
Des maux que son frère
Nous a fait soufrir.

Mai 1806