Poésie (Rilke, trad. Betz)/Sonnets à Orphée/Sens, tranquille ami
SENS, TRANQUILLE AMI…
Sens, tranquille ami de tant de larges,
combien ton haleine accroît encor l’espace.
Dans les poutres des clochers obscurs,
laisse-toi sonner. Ce qui t’épuise
devient fort par cette nourriture.
Va et viens dans la métamorphose.
Quelle est ta plus pénible expérience ?
S’il te semble amer de boire, fais-toi vin.
Sois dans cette nuit de démesure
la force magique au carrefour des sens,
et le sens de leur rencontre singulière.
Que si le destin terrestre un jour t’oublie,
à la calme terre, dis : je coule.
À l’eau vive, dis : je suis.