Poésie (Rilke, trad. Betz)/Sonnets à Orphée/Mais, ô maître, que te vouer

Traduction par Maurice Betz.
PoésieÉmile-Paul (p. 247-248).

MAIS, Ô MAÎTRE, QUE TE VOUER…

Mais, ô maître, que te vouer, à toi
qui enseignas l’ouïe aux créatures ? —
Mon souvenir de ce jour de printemps :
un soir, en Russie — un cheval…

De là-bas, du bourg, venait l’étalon blanc,
traînant son piquet à l’entrave,
pour être seul dans la nuit sur les prés ;
ah ! comme battait sa crinière bouclée


sur l’encolure, à la cadence hardie
d’un galop grossièrement contenu !
Et de son sang fougueux, quelles sources jaillies !

Celui-là, oui, sentait les étendues immenses,
Il entendait, chantait, — ton cycle de légendes
était fermé en lui.
était fermé en lui. Son image, prends-la.