Poésie (Rilke, trad. Betz)/Nouvelles poésies/Portrait du poète par lui-même
PORTRAIT DU POÈTE
par lui-même
(1906)
Dans l’arc des yeux la persistance d’une race noble,
dans le regard encore la peur et le bleu de l’enfance,
de l’humilité ici et là, non pas celle d’un valet,
mais d’un servant et d’une femme.
La bouche est bouche, grande et précise,
non pas persuasive, mais loyale.
Le front est sans méchanceté
et volontiers s’incline à l’ombre du silence.
De tout cela l’accord est seulement pressenti ;
jamais dans la souffrance ou dans la réussite
il n’a été appliqué hardiment en vue d’un succès durable,
mais comme si, de loin, avec des choses dispersées,
on ne sait quoi de grave et de réel était projeté.