Poésie (Rilke, trad. Betz)/Nouvelles poésies/La mort du poète
LA MORT DU POÈTE
Il reposait. Son visage dressé
était pâle et fermé contre les coussins raides,
depuis que l’univers, à ses sens arraché,
est retombé dans l’année froide.
Ceux qui le voyaient vivre ne savaient pas
combien il faisait un avec cela ;
car tout : ces profondeurs, ce large,
cette eau, ces prés, tout était son visage.
Oh ! son visage était cette étendue
qui vient encore à lui, quêtant sa voix,
et son masque anxieux qui meurt
se montre à vif comme l’intérieur
d’un fruit que l’air corrompra.