Poésie (Rilke, trad. Betz)/Nouvelles poésies/Dans un parc étranger
DANS UN PARC ÉTRANGER
Il y a deux allées. Nul ne les suit jamais.
Parfois pourtant, perdu dans tes pensées,
l’un des chemins te laisse aller — c’est par méprise, —
et soudain te voici sur le rond-point,
de nouveau seul avec la pierre grise,
tâtant du doigt le millésime qui s’effrite,
et tu relis : Sophie baronne Brite.
Pourquoi ta découverte est-elle encor si neuve ?
Pourquoi hésites-tu ainsi qu’au premier jour,
comme inquiet à l’ombre de ces ormes,
en ce coin sombre, humide et reculé ?
Et quel contraste ensuite te fait rechercher
quelque chose dans le soleil de ces parterres ?
Je ne sais quoi : peut-être le nom d’un rosier…
Pourquoi t’arrêtes-tu ? Qu’ont perçu tes oreilles ?
Et pourquoi regarder enfin, comme perdu,
vers les hauts phlox où vibrent des abeilles ?