Poésie (Rilke, trad. Betz)/Nouvelles poésies/Apollon ancien
APOLLON ANCIEN
De même que, parfois, entre les branches noires
un matin transparaît, en plein printemps, soudain :
de même dans son chef il n’y a rien qui pare
l’éclat presque mortel dont nous serions atteints
par toute poésie. Car d’aucune ombre son regard
n’est encore obscurci, et ses tempes trop fraîches
n’ont cure du laurier. Mais quelque jour, plus tard,
nous verrons sourdre et se lever, peut-être,
de ses sourcils la haute roseraie
dont les pétales flotteront, épars et dénoués,
sur une bouche frémissante.
Sur cette bouche, calme encor, neuve, brillante,
et qui ne boit qu’un peu dans son sourire,
comme si on lui infusait ses chants futurs.