Poésie (Rilke, trad. Betz)/Livre d’heures/Vois-tu, je veux beaucoup
VOIS-TU, JE VEUX BEAUCOUP…
Vois-tu, je veux beaucoup,
peut-être tout :
l’obscurité des chutes infinies
et le jeu scintillant des montées lumineuses.
Tant d’autres vivent qui ne veulent rien,
que rassasient
les mets légers de leurs sentiments lisses.
Mais toi, tu te réjouis
de tout visage
qui sert et qui a soif.
Tu te réjouis
de tous ceux qui se servent
de toi ainsi que d’un outil.
Tu n’es pas encore froid, l’heure n’est point passée
de plonger dans le devenir de tes ténèbres,
où se trahit la vie avec sérénité.