Poèmes épars (Lenoir-Rolland)/Préface

Texte établi par Casimir HébertLe pays laurentien (p. 5-7).


PRÉFACE


Les quelques poésies, dont est composé ce volume, ont été recueillies au cours de mes lectures, dans les journaux et revues d’avant 1860. Elles ne sont pas inédites, puisque toutes ont déjà été publiées dans me « Répertoire National », l’« Album littéraire de la Revue Canadienne », l’« Album de la Minerve », « Ruche littéraire, » le « Journal de l’Instruction publique » et la « Littérature canadienne ». Elles sont l’œuvre d’un des bons, je dirai même un des meilleurs poètes qui aient chanté au Canada, à partir de 1840, Joseph Lenoir-Rolland.

Sans une mort prématurée, qui l’enleva juste à l’aurore de cette période de patriotisme et d’enthousiasme qui fit naître la littérature nationale et les œuvres des Taché, des Gérin, des Ferland, des Casgrain, dès de Gaspé, des Bourassa, des de Boucherville, des Lemay, des Crêmazie, des Fréchette et que l’on est convenu d’appeler, à la suite de l’abbé Camille Roy, La période nationale, il est à présumer que le talent de Lenoir mûri et perfectionné au contact des écrivains prénommés et des poètes français contemporains eût placé au premier rang, dans cette phalange d’écrivains patriotes, cette « âme lamartinienne », qui, éprise de la beauté romantique, traduisait déjà son rêve en des essais, dit l’abbé Camille Roy, « révélant une inspiration réelle et séduisante ». Il est permis de croire que, si Lenoir eut vécu, il aurait facilement éclipsé tous ses prédécesseurs et que son nom, sur nos rives, serait aujourd’hui célébré à l’égal de ceux des Crémazie et des Frêchette.

Telle qu’elle est, l’œuvre de Lenoir est remarquable pour l’époque et méritait d’être mise au jour. Les manuels d’histoire littéraire mentionnent son nom avec éloges, mais, jusqu’ici il était impossible aux étudiants de juger par eux-mêmes ce pionnier de notre littérature. Tous, n’ont ni les moyens, ni la patience de compulser des collections de journaux ou dispendieuses ou encombrantes.

Crémazie mourut sans que personne ne s’émeuve, mais deux ans à peine s’étaient écoulés que déjà la main amie de l’abbé Casgrain donnait au public canadien le Recueil choisi des poésies et des lettres du poète mort en exil. Trente ans de vie dans la mémoire du peuple ont suffi pour donner au chantre de la patrie, un monument, non dans sa ville natale, mais dans un des squares de la métropole du Canada.

Pauvre Lenoir, toi, que toutes les gazettes du temps ont pleuré, comme une perte nationale tu n’as pas depuis cinquante ans, trouvé parmi les témoins de ta vie, les contemporains de tes chants, une main pieuse pour réunir ton œuvre éparse, pour élever à ta gloire le modeste monument d’un livre[1].

Tout ce que les contemporains de Lenoir ont consacré à sa mémoire se résume à une courte notice biographique parue dans le Journal de l’Instruction Publique, dont il était l’assistant-rédacteur et aux articles nécrologiques parus au lendemain de son décès, dans les journaux du temps.

Joseph Lenoir-Rolland, fils de Nicolas Lenoir-Rolland et de Marie Angélique Cazelet naquit à Saint-Henri de Montréal, alors appelé St-Henri des Tanneries à cause de la tannerie des Rolland située à quelques milles de Montréal. Il fut baptisé le 15 septembre 1822. Il mourut le 8 avril 1861 à l’âge de 38 ans et demi, laissant une femme et six enfants. Il avait épousé à Lachine, le 22 juin 1847, Félicité Latour, fille mineure de Jérôme Latour et de Catherine Jarry dite Henrichon de cette paroisse. Lenoir avait publié à l’occasion de la visite du Prince de Galles, en 1860, un guide de la métropole, intitulé « Montréal et ses principaux monuments ».

Nous reproduisons des extraits de journaux de 1861 dont la lecture fournira quelques détails biographiques sur Lenoir, que nous aurions pu indiquer, mais que chacun des lecteurs se réjouira de découvrir lui-même, en des termes dont je ne voudrais pas amoindrir le charme.

Nous désirons exprimer notre reconnaissance à M. E.-Z. Massicotte, archiviste, qui a bien voulu vérifier certaines dates et qui nous a fourni plusieurs détails sur la famille Lenoir.

CASIMIR HEBERT.


Montréal, 25 février 1916.

  1. Huston, dans son Répertoire National du vivant de Lenoir avait réuni quelques pièces parues avant 1848.