Plan d’une histoire de la ville de Rennes

Joseph Vatar (p. 1-6).


PLAN D’UNE HISTOIRE DE LA VILLE DE RENNES


L’Idée que nous nous étions formée d’abord d’une Hiſtoire de Rennes, eſt bien au-deſſous de ce que nous avons executé depuis ; nous nous bornions alors à ce que nos Hiſtoriens de Bretagne en rapportent ; & à s’en tenir à ce qu’ils en diſent, nous n’euſſions fait qu’une Hiſtoire ſuperficielle de cette grande Ville Capitale de la Province ; les commencemens de nos travaux furent lents, parce que le peu que nous avions à dire ne nous animoit que foiblement ; mais en ayant eû depuis quelque temps la communication de pluſieurs Archives, Titres & Memoires, tous ces ſecours nous ont agréablement encouragez ; la facilité d’ailleurs que nous nous ſommes acquis de déchiffrer les anciennes écritures, nous a procuré des découvertes qui enrichiront nôtre Histoire. Des Perſonnes diſtinguées par leur rang, leur naiſſance, & par la noble inclination qu’elles ont pour les Belles Lettres, nous ont rendus moins timides ; nous avons profité de leurs lumieres, & ſuivi les judicieux avis qu’elles ont eû la complaiſance de nous donner, pour le choix, l’ordre & l’arrangement des matieres qui doivent trouver place dans cette Hiſtoire ; elle ne nous auroit offert que peu d’évenemens, ſi nous n’euſſions pas fait entrer dans nôtre Plan un grand nombre de ſujets qui ne paroîtront pas étrangers ni hors d’œuure.

La vaine ambition de nous faire un nom & de nous rendre Auteur, ne nous a certainement point aſſez flaté pour nous livrer à un travail ingrat, quand on n’a que de pareilles vûës, & qui néanmoins coûte infiniment à un homme qui agit ſeul. Nous ſommes privez du ſecours qu’un homme de Communauté peut tirer de ſes Confreres, dont les uns compilent quantité de faits, les autres font des extraits & des copies, & preſque tous concourent à l’aider & à partager ſon travail ; en ſorte qu’il n’a plus qu’à rediger & à mettre à place les materiaux qu’on s’empreſſe de lui fournir.

On auroit peine à dire comment on s’eſt engagé dans une entrepriſe dont le travail eſt penible & le ſuccès incertain, par les raiſons que nous venons de toucher. Le goût qu’on s’eſt ſenti dans tous les temps pour ce genre de Litterature, un certain zéle qu’on a pour relever la gloire de ſa Patrie, en ont été les premiers motifs mais le principal qui nous y a déterminé, eſt de nous donner une occupation utile & même Chretienne ; car, quoique la plûpart des faits qu’on rapporte ſoient profanes, on en produira pluſieurs autres qui pourront édifier. Quand même on ſe ſeroit fixé à ne traiter que l’Hiſtoire Civile de Rennes, on n’eût rien fait en cela qui ne fût convenable à nôtre caractere ; preſque tous les Auteurs de l’Hiſtoire de France ſont gens d’Eglise ; le premier eſt St. Gregoire, Évêque de Tours ; de cinq Hiſtoriens de nôtre Bretagne, l’un fut Prêtre & nommé à l’Évêché de Rennes, & les deux autres étoient Religieux ; on nous pardonnera bien cette courte apologie, pour répondre à ceux qui ont trouvé à redire qu’un Prêtre eût écrit l’Histoire de ſa Patrie.

On a crû auſſi nous faire tomber la plume des mains, en nous ménaçant d’une critique ; on s’eſt toûjours bien attendu que cet Ouvrage n’échaperoit pas à la cenſure des langues oyſives qu’une ſecrete paſſion remuë. Les vrais ſçavans, qui ſçavent par eux-mêmes ce qu’un semblable travail coûte, ſeront plus indulgens & plus reſervez que ces prétendus beaux eſprits, qui, pour ſe donner le relief de gens connoisseurs, haſardent leur ſatyre contre un Ouvrage qu’ils n’auroient pas le courage d’entreprendre, beaucoup moins l’habileté d’executer : tels ſont cependant les redoutables Cenſeurs dont on nous ménace & qui font plus de bruit ; mais leurs clameurs ne nous ont point encore rebuté, nous tâcherons, avec l’aide du seigneur, d’amener tout au point qu’ont parû le souhaiter des Personnes reſpectables par toutes ſortes d’endroits ; l’approbation qu’elles ont donnée à cet eſſay, tient lieu de tous les ſuffrages.

Si l’on trouve dans cette Hiſtoire quelque chose qui déplaise ou dégoûte, ce ne ſera, on oſe le dire, que parce qu’elle manquera de ce qui fait le grand mérite des Hiſtoriens de nos jours ; cette belle narration, ces expreſſions délicates & fines, un ſtîle coulant & enjoüé, & cette ſevere critique qui eſt ſi fort en uſage aujourd’huy, & qui dégenere en Pirrhoniſme.

Tous ces brillans talens ne ſont pas donnez à tous, il faut ſe borner au mediocre, quand on ne peut atteindre au ſublime, qui n’eſt pas eſſentiel, ni de la perfection de l’Hiſtoire ; on peut meriter la qualité de bon Hiſtorien lorſqu’on joint à l’exactitude, à la fidélité & à une critique meſurée, un ſtîle juſte & naturel, qui n’ait rien de bas & de trivial, qui ne preſente point de ſens embaraſſé & ambigu, & dont les expreſſions & les termes ne ſe retrouvent point trop ſouvent les mêmes ; nous eſſayerons de ſuivre ces regles.

On ſe conſolera ſans peine, quand on ne trouvera point d’autre deffaut dans l’Hiſtoire de Rennes que celui du ſtîle ; un Lecteur bienveillant l’excuſera ; un Critique inexorable jugera du fond de l’Hiſtoire par la façon dont on s’exprime, & prononcera ſans examen, que celle qui n’eſt pas écrite avec la delicateſſe dont nous avons parlé, n’eſt pas fidelle ; nous n’entreprendrons pas de détruire ce préjugé, des yeux plus équitables ne pourront au moins blâmer les efforts & les recherches que nous avons fait pour illuſtrer nôtre Patrie, & pour encourager de meilleures plumes à s’exercer ſur les Memoires que nous avons récuëillis de toutes parts ; car on a frappé à toutes les portes, & même avec une eſpece d’importunité.

On s’eſt fait gloire de ſçavoir douter & de conſulter des perſonnes éclairées & aux ſentimens deſquels il y a tant d’honneur & de ſureté à deferer.

On s’eſt fait auſſi une loi de ne rien dire qui puiſſe offenſer qui que ce ſoit ; on veut parler favorablement d’un chacun, & l’on n’intereſſera les familles, qu’en ce qui pourra leur faire honneur.

On a jugé à propos de preſſentir le Public pour apprendre s’il eſt content du plan que nous lui preſentons, nous en attendons les Avis & des Memoires intereſſans qui puiſſent entrer dans nôtre deſſein, n’ayant rien de plus à cœur que de mettre à profit tout ce qu’on voudra bien nous communiquer ; nous en marquerons nôtre reconnoiſſance en ſecret & en public, & nous raſſurerons la défiance de ceux qui heſiteroient à nous en faire part.

Voici donc ce Plan & le canevas ſur lequel nous avons travaillé.

Etat ancien & diviſion de l’Armorique.

Antiquité de Rennes, son Gouvernement ſous le Regne des Romains & des François, ſes Souverains ſous le nom de Comtes, juſqu’à Allain Fergent, l’étenduë du Comté de Rennes.

Les principaux évenemens arrivez à Rennes de siécle en siécles juſqu’à present, les Actes ſolemnels qu’on y a paſſez, les Siéges, les Entrées & Couronnemens des Ducs de Bretagne, les Gouverneurs ou capitaines ſous ces Ducs, la Cour de Juſtice qu’ils y ont établis, les Eſtats & Parlement de la Province qu’ils y ont tenus juſqu’à la Ducheſſe Anne, ſes Mariages avec les Rois de France, les principales Stipulations des Contrats, l’Entrée de François III Fils de François I comme Duc de Bretagne, la Réünion de la province à la Couronne de France.

Les Gouverneurs, Lieutenans Generaux & Commandans en Bretagne depuis la Réünion ; les Gouverneurs, Lieutenans des Gouverneurs de Rennes, Intendans, les Entrées des uns & des autres à Rennes, un court extrait de leur Hiſtoire, les Vicomtes de Rennes.

Les Eſtats tenus à Rennes depuis la Réünion, les motifs de cette Aſſemblée, les Officiers & les Perſonnes qui la compoſent.

L’Etabliſſement du Parlement, ſes differens changemens, augmentations de Chambres & de Charges, ſes tranſlations, Semeſtres & l’Union dans une ſeule Séance, le Catalogue de ſes Officiers, un abrégé de l’Hiſtoire des Premiers Préſidens

Le Préſidial & la Prévôté, le reſſort de l’un & de l’autre, les Juges de ces deux Siéges depuis l’établiſſement, pluſieurs autres Juridictions qui ſe tiennent au Préſidial.

Juriſdiction des Eaux, Bois & Foreſts, de la Vicomté, du Conſulat & la Police.

L’Inſtitution de la Maiſon de Ville, ſes Privileges, Fonctions de ſes Officiers, Connêtables, Syndics & Maires, les Echevins depuis 1418.

La Chancelerie, ſes Privileges & ſes Officiers.

Chambre de la Réformation de la Nobleſſe, établie à Rennes en 1668, les differentes reformations de la Nobleſſe.

La Monnoye des Ducs & des Roix de France, Juriſdiction du Grand Maître, Privileges, &c.

Arts & Métiers qui forment un Corps, ou Communauté.

Les differens accroiſſemens de Rennes, les Edifices Publics, Palais, Colléges, Horloge, Portes, Ponts, Fontaines, Places, Ruës, Monumens anciens, retabliſſement de la Ville depuis l’Incendie, les Hommes Illuſtres par leur naiſſance & leur dignité, ou par leur ſcience qui ont pris naiſſance à Rennes, qui y ont vêcus ou qui y ſont morts.

HISTOIRE DE L’E’GLISE DE RENNES.

Elle commence par une diſſertation ſur l’établiſſement de la Réligion Chrétienne dans les Gaules, la Bretagne & Rennes.

Les Evêques de Rennes, l’Hiſtoire de leurs vies, Ouvrages, Affaires Eccleſiaſtiques paſſées de leur temps, Conciles, Synodes, Reglemens, établiſſement de pieté qu’ils ont procuré ou approuvé.

Ancienne Diſcipline de l’Egliſe de Rennes.

La Cathedrale & tout ce qui concerne le Chapitre.

Fondation des Abbayes de Saint Melaine & de Saint Georges, leur Hiſtoire, le nom des Abbez & Abbeſſes, &c.

Les Paroiſſes de la Ville, les Communautez Régulieres de l’un & de l’autre Sexe, les Sepultures des Perſonnes de Diſtinction dans leurs Egliſes, ceux qui ſe ſont rendus recommandables par leur Pieté & leur Doctrine, qui ont vêcu ou ſont morts dans ces Monaſteres, les Seminaires, Hôpitaux, Chapelles, Retraites, Ecolles Charitables & autres Maiſons de Pieté.

Une Deſcription Geometrique des Egliſes.

Un Plan gravé de l’Ancienne & Nouvelle Ville.

On a propoſé ſur ce Plan pluſieurs queſtions à differentes Perſonnes qui nous ont donné toute la ſatisfaction que nous ſouhaitions ; on n’attend plus pour mettre la derniere main à cette Hiſtoire, que de nouveaux Memoires.

1o. On la partage par livres en s’arreſtant à certaines époques les plus memorables.

2o. Tous ne ſont pas du même ſentiment touchant l’Hiſtoire de l’Egliſe de Rennes, les uns veulent qu’on la mêle avec l’Hiſtoire Civile, d’autres qu’on la place ſeparément à la fin de chaque Livre, à l’exemple de quelques Hiſtoriens modernes ; nous penchons pour cette derniere methode.

3o. En parlant de quelque établiſſement, ſoit du Parlement, ſoit de Communauté Reguliere, on mettra tout de ſuite ce qui le concerne, ſans le faire à pluſieurs reprises, c’eſt l’Avis de tous.

4o. Lorſqu’on traitera de la Cour de Juſtice du Parlement & du Préſidial, &c. on n’entrera point dans le détail des affaires qui ſont de la competence de ces Tribunaux, parce qu’elles ne ſont point differentes de celles qui ſe jugent dans tous ceux du Royaume ; on marquera le temps de leur création & l’étenduë de leur Reſſort.

5o. On a tiré des inſtructions d’une infinité de Livres qui paroiſſent n’avoir aucunne liaiſon avec l’Hiſtoire de Rennes ; ſi elle eſt defectueuſe, ce ne ſera pas aſſurément faute de s’eſtre donné des ſoins pour la rendre, s’il eſt poſſible, au gré de tous, au moins à celui du plus grand nombre.

6o. On ne s’eſt pas ſcrupuleuſement attaché à citer tous ſes garants, & ſur tout, dans des faits de peu d’importance & non conteſtez, ces citations ſeroient quelquefois plus longues que ce qu’on emprunte de ces Auteurs & chargeroient trop les marges ; on aura cependant ſur cela l’exactitude que demande l’Hiſtoire ; on rendra compte dans une Préface de tous les Auteurs qu’on a conſulté, & des Memoires manuſcrits dont on s’eſt ſervi.

7o. Comme il y a des faits differemment rapportez par d’Argentré & Lobineau, nous marquerons le ſentiment de l’un & de l’autre, il ſera aiſé de s’apercevoir lequel des deux eſt le plus exact.

8o. Pour délaſſer le Lecteur, qu’une continuité d’une narration trop ſeche pourroit ennuyer, nous ſemerons de temps en temps qelques courtes réflexions, & nous tâcherons de lier par des tranſitions qui ne paroîtront pas forcées, des faits éloignez pour les temps, & fort variez pour les circonſtances, afin de couvrir les vuides de nôtre Hiſtoire.

9o. On ne prétend pas faire une Hiſtoire critique, on veut qu’elle ſoit à la portée de tous ; ainſi on n’aura pas cette rigidité à ne mettre que ce qui eſt évidemment certain, on rapportera comme douteux ce qu’on croira l’être, & on dira, ſur la foy de nos Hiſtoriens, ce qui paroîtra de plus vrai-ſemblable ; cependant on donnera, à l’occaſion, des éclairciſſemens, en forme de diſſertation touchant certains faits de l’Hiſtoire, ſur leſquels les Hiſtoriens ne ſont pas d’accord.

10o. On fera mention des Gouverneurs de Bretagne, Lieutenans Generaux, Commandans, Intendans, &c. en parlant de leur entrée à Rennes, & parceque cette Ville eſt, ou doit eſtre leur ſéjour ordinaire.

11o. Nous placerons à la fin de l’Ouvrage le Catalogue de tous les Officiers du Parlement, de ceux de la Maiſon de Ville, Connêtables, Syndics, Echevins, &c. afin de ne pas interrompre le fil de l’Hiſtoire par cette longue liſte de noms. Le détail dans lequel nous entrons nous donnera occaſion de parler d’un très-grand nombre de Maiſons Nobles de la Province.

12o. Nous n’avons aucuns titres ſur l’établiſſement des Paroiſſes, ainſi on n’en parlera que dans les temps où elles ſont connûës, quoique peut-être établies pluſieurs Siécles auparavant.

13o. Lorſqu’on tombera aux temps des accroiſſemens de Rennes, on marquera ſa premiere enceinte ; les Portes, Ruës, &c. & celles que les deux derniers accroiſſemens ont compris.

14o. On fermera cette Hiſtoire par une Relation ſuccincte des Eſtats tenus à Rennes en 1728. On ne s’écartera pas de ſon but, quand on fera une deſcription de cette Auguſte Aſſemblée, compoſée de tout ce qu’il y a de plus conſiderable dans la Province, ſoit par les Dignitez & la Naiſſance, ſoit pour le mérite perſonnel, il n’a encore rien parû au Public à ce ſujet.

15o. L’Hiſtoire de Bretagne du P. Lobineau eſtant devenuë rare & peu l’ayant en main, on a jugé à propos de mettre à la fin de l’Ouvrage, pour ſervir de preuves, pluſieurs Actes déja imprimés dans cet Hiſtorien, & qui appartiennent abſolument à l’Hiſtoire de Rennes ; quantité d’autres tirez d’ailleurs qui ont un rapport neceſſaire à la même Hiſtoire, & dont grand nombre n’a jamais eſté imprimé ; ce recuëil de Pieces Anecdotes ne ſera pas la partie la moins curieuſe de cette Hiſtoire.

On finit par une obſervation qu’on ſupplie de vouloir bien faire ſur l’idée generale que nous donnons icy ; c’eſt, on l’avouë, une eſpece de Préface pour une Hiſtoire preſque achevée, & non pas un ſimple Projet d’un Ouvrage à faire. Nous n’en avons pas une aſſez bonne opinion, ni la preſomption de croire qu’il ſoit à l’épreuve de toute cenſure ; on ne fera peut-être pas même grace à ce deſſein que nous offrons au Public. Quoiqu’il en ſoit, nous recevrons avec docilité ce que les Perſonnes d’un diſcernement exempt de prevention voudront bien décider ſur l’un & ſur l’autre, en cela nous nous conformerons aux plus Celebres Ecrivains, qui ne ſont ſouvent redevables du ſuccès de leurs Ouvrages qu’à la critique, qui réforme les mépriſes & les écarts d’un Auteur ; il ne nous manque que de pouvoir imiter en tout ces excellens Modelles.

Ce cahier contient :


1o un plan d’une histoire de Rennes, imprimé ;

2o la description d’entrée du dauphin François IIIe du nom à Rennes en 1532. Manuscrit complet par Champion ;

3o une relation de ce qui s’est passé à Châteaugiron pendant la ligue jusqu’en 1594, par un nommé Duval, msc. ;

4o le contrat passé en 1741 avec D. Morice des Etats pour l’impression de l’histoire de Bretagne, portant la signature des Bénédictins les plus célèbres du temps ;

5o une lettre de l’écriture de D. Morice, adressée aux Etats ;

6o une autre lettre du R. P. Laneau, Général de la congrégation de S. Maur, aux mêmes Etats.

7o une 3e lettre de l’écriture de D. Charles Taillandier, continuateur de D. Morice, ces 3 lettres ont également rapport à l’histoire de la Province ;

8o Fondation de la collégiale de la Magdelaine de Vitré, imprimé in-Fo.

9o après la 3e lettre de Dom Taillandier, celle de M. de La Chalotais.