J. N. Duquet, Libraire-Éditeur (p. 5-6).

PRÉFACE


Vous perdez votre temps à écrire ce livre, m’a dit un assez bon juge en littérature, il renferme certainement quelques beautés et vous n’êtes pas sans aucun mérite d’oser, le premier en Canada, faire entendre les sons d’une espèce de lyre bucolique ; mais comment pensez vous que notre public habitué à feuilleter les pages d’Alexandre Dumas, de George Sand, de Frédéric Soulié et de beaucoup d’autres romanciers contemporains, accueillera une pastorale ? On n’aime peu sous les lustres brillants des salons, à entendre causer l’habitant de la chaumière, et le riche ne se soucie guère des malheurs d’une pauvre famille.

Il avait peut-être raison, cet homme, mais j’ai vécu sous le chaume : les champs, les bois, les collines, les montagnes disent beaucoup plus à mon âme, que cet amas de maisons qu’on nomme ville ; et j’aime mieux dire le bonheur de la vie des champs, que tracer le tableau des intrigues de la société. On me pardonnera, sans doute, cette humeur bizarre, j’aime à rêver, c’est peut-être là le plus grand défaut de ma vingtième année.

« Notre grande et belle nature, dans sa variété infinie d’aspects, n’est-elle pas bien faite aussi pour tenter les brillantes imaginations. C’est pourtant le sentiment de la nature qui manque le plus à nos écrivains.

« Nos hivers attendent encore leur barde. Chantons nos campagnes, nos grands bois, nos chaînes de montagnes, » a dit M. H. Fabre, dans une causerie sur la littérature canadienne.

Je regrette fort de ne pouvoir être le barde de nos hivers et de nos campagnes ; mais qui sait si on ne reposera pas à l’aise en respirant les parfums de la solitude où je fais asseoir mes deux amants ?

Je crois enfin que le public ne me saura pas mauvais gré de la publication de ce petit ouvrage, où j’essaie d’être utile à mes compatriotes, à mon pays : Puissé-je réussir ! c’est là mon unique vœu.


ÉDOUARD DUQUET.


Québec, 12 septembre 1866.