Pièces ajoutées aux Amours Livre I (1560)
I Mon des Autelz, qui avez des enfanceModifier
Mon des Autelz, qui avez des enfance
Puisé de l'eau qui coule sur le mont
Où les neuf Sœurs dedans un antre font
Seules apart leur saincte demeurance.
Si autrefois l'amoureuse puissance
Vous a planté le myrthe sur le front,
Enamouré de ces beaux yeux qui sont
Par vos escris l'honeur de nostre France,
Ayez pitié de ma pauvre langueur
Et de vos sons adoucissez le cueur
D'une qui tient ma franchise en contraincte.
Si quelque fois en vos cartiers je suis,
Je flechiray par mes vers, si je puis,
La cruauté de vostre belle Saincte.
II ChansonModifier
Je suis amoureux en deux lieux:
De l'un j'en suis desesperé,
De l'autre j'en espere mieux,
Et si n'en suis pas asseuré:
Que me sert d'avoir souspiré
Pour deux amours si longuement,
Puis qu'en lieu du bien desiré
Je n'ay que malheur et torment:
Or quant à moy je suis content
Desormais toute amour quitter,
Puis qu'on voit un menteur autant
Qu'un veritable meriter:
Je ne m'en veus plus tormenter
Ny mettre en espreuve ma foy,
Il est temps de se contenter
Et n'aymer plus autre que moy.
III ElégieModifier
Cherche, Cassandre, un poëte nouveau
Qui apres moy se rompe le cerveau
A te chanter: il aura bien affaire,
Fusse un Bayf, s'il peut aussi bien faire.
Si nostre empire avoit jadis esté
Par noz François aussi avant planté
Que le Rommain, tu serois autant leüe
Que si Tibull' t'avoit pour sienne esleüe:
Et neantmoins tu te dois contenter
De veoir ton nom par la France chanter,
Autant que Laure en Tuscan anoblie
Se voit chanter par la belle Italie.
Or, pour t'avoir consacré mes escris
Je n'ay gaigné sinon des cheveus gris,
La ride au front, la tristesse en la face,
Sans meriter un seul bien de ta grace:
Bien que mes vers et que ma loyauté
Eussent d'un tygre esmeu la cruauté:
Et toutefois je m'asseure, quand l'age
Aura donté l'orgueil de ton courage,
Que de mon mal tu te repentiras
Et qu'à la fin tu te convertiras:
Et ce pendant je souffriray la peine,
Toy le plaisir d'une liesse veine
De trop me veoir languir en ton amour,
Dont Nemesis te doit punir un jour.
Ceux qui amour cognoissent par espreuve
Lisant le mal dans lequel je me treuve,
Ne pardon'ront à ma simple amytié
Tant seulement, mais en auront pitié.
Or, quand à moy, je pense avoir perdue
En te servant ma jeunesse, espendue
Deça, delà dedans ce livre icy.
Je voy ma faulte et la prens à mercy,
Comme celuy qui sçait que nostre vie
N'est rien que vent, que songe, et que folye.