Éditions de l’Action canadienne française (p. 184-196).

LA GRÈVE DE L’INTERNAT



À Notre-Dame et dans tous les hôpitaux catholiques de Montréal soumis au même régime hospitalier et administratif, l’internat, c’est-à-dire le personnel chargé des services de médecine auxiliaire (pharmacie, ambulance, etc.), se recrute sur la fin de chaque année scolaire par le conseil médical de l’institution, d’entente avec le corps administratif. Il comprend : 1o les élèves de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal répartis entre les divers hôpitaux par la direction de la Faculté, pour y faire leur sixième année d’études (cinquième, abstraction faite de la préparation) ; 2o un certain nombre de médecins ayant pris leur licence cette année-là ou les deux ou trois années précédentes et devant être admis ou ayant été admis à la pratique en juillet.

À Notre-Dame, les internes-médecins se divisent en juniors, reçus cette année-là, et seniors, reçus les années précédentes. Les internes-étudiants reçoivent la pension, le logement et les uniformes de service gratis, mais n’ont pas d’appointements. Les internes-médecins reçoivent, outre la pension, le logement et les uniformes de service, de modestes appointements qui sont de $12.50 par mois pour les juniors et de $20 pour les seniors. Les appointements étaient autrefois plus élevés, mais la crise économique a rendu une diminution nécessaire.

La date des engagements d’internes n’est pas annoncée de la même façon dans tous les hôpitaux (il s’agit toujours et uniquement des hôpitaux catholiques) ; certains en font part par lettre circulaire aux jeunes médecins que ces places pourraient intéresser ; dans d’autres, où elle ne varie guère — c’est le cas de Notre-Dame, qui a toujours obtenu sans plus de publicité tous les sujets dont il avait besoin, — il n’y a pas d’annonce formelle et on se fie aux relations professionnelles et universitaires du personnel médical pour la faire connaître. Inutile de dire que, même en l’absence de toute publicité, le jeune médecin désireux de faire de l’internat et dont les services ne seraient pas requis ailleurs ne manquerait pas de s’adresser à Notre-Dame. C’est dire aussi que, si un hôpital manque d’internes après l’époque ordinaire des engagements, les aspirants font manifestement défaut.

Le 14 février dernier, le conseil médical de Notre-Dame prenait connaissance des offres de services d’aspirants-médecins-internes pour la période de douze mois commençant le 15 juin. Il se présenta en tout douze aspirants canadiens-français. Le 2 mars, ces douze aspirants, qui avec les étudiants de cinquième-sixième et quatre médecins de la classe senior devaient former le personnel de l’internat pour l’année hospitalière commençant le 15 juin, furent acceptés. Le nombre des engagements de médecins-internes n’étant pas suffisant (en fait, il restait encore plusieurs vacances à pourvoir), le conseil médical, d’entente avec le bureau d’administration, engagea en treizième lieu un jeune médecin juif nommé Samuel Rabinovitch, qui achevait une année d’internat dans la maison comme étudiant de cinquième-sixième à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, d’où il était sorti premier. Rabinovitch fut engagé aux mêmes conditions que ses confrères canadiens-français et pour la même période : un an ; on a fait circuler sous le manteau qu’il bénéficiait de certaines faveurs : c’était un mensonge.

Rabinovitch n’avait jamais fait le sujet d’aucune plainte, d’aucune note défavorable, de la part des chefs de services ; son engagement ne donna lieu tout d’abord à aucune protestation, ne provoqua aucun signe de mécontentement. Un peu plus tard, l’internat médical présentant encore quelques vacances, on engagea un jeune Franco-Américain de Chicago, qui, pas plus que Rabinovitch lui-même, ne prenait la place d’aucun Canadien-Français.

Les internes-médecins sont censés être engagés par contrat formel ; il arrive cependant que l’administration, se fiant à la parole d’honneur des intéressés, accepte d’eux un engagement verbal. Pour sa part, elle n’a jamais manqué à son contrat, sauf pour des raisons disciplinaires de la plus haute gravité, dont le conseil médical est seul juge. Il n’en a pas toujours été ainsi des internes : tout dernièrement, trois d’entre eux se démettaient à quelques jours d’avis, au grand embarras du service, sous prétexte qu’on leur offrait ailleurs des appointements plus élevés. Ce petit différend pécuniaire excepté, cependant, l’inauguration de la nouvelle année de service, fixée, on l’a vu, au 15 juin, semblait se présenter normalement, lorsque, dans les derniers jours de mai, les internes canadiens-français, subissant apparemment certaines influences extérieures, commencèrent à manifester de l’antipathie au Dr Rabinovitch, engagé au vu et su de tout le personnel médical depuis déjà deux mois et demi. Ils firent des représentations au bureau médical (ne pas confondre avec le conseil), lequel, formé de tous les chefs de services et de leurs assistants, n’avait pourtant aucune autorité en l’espèce. Le 12 juin, les mécontents, n’ayant pas obtenu satisfaction, et pour cause, adressaient au conseil médical une lettre où ils le sommaient de congédier Rabinovitch immédiatement à cause de sa nationalité (ils n’alléguaient en effet que ce motif), sinon, dans la nuit du 14 au 15 juin, ils se mettraient en grève. Le conseil de la Faculté de médecine, saisi du cas des internes-étudiants en une séance à laquelle assistait le recteur Mgr Piette, les mit en garde contre leur menace, et même leur fit entrevoir des sanctions s’ils la mettaient à exécution ; cette délibération fut prise à l’unanimité. Dans la nuit du 14 au 15, se refusant à tout traitement d’urgence, les internes, médecins et étudiants, se mirent effectivement en grève. On sait quelle extension la grève a prise ensuite ; lundi elle embrassait les internats de l’Hôtel-Dieu, de la Miséricorde, de Sainte-Justine, de Saint-Jean-de-Dieu.

Mardi dernier, en réponse à une invitation que nous avions faite au docteur Bélisle, de Notre-Dame, trois délégués des grévistes, le docteur Bélisle lui-même et ses confrères les docteurs Dumas et Cartier, représentant, croyons-nous, trois hôpitaux différents (mais ce détail n’a pas d’importance), venaient, au nom de l’internat tout entier, nous exposer leur cause. Ces messieurs ne voulaient pas admettre que la haine des Juifs leur eût dicté leur décision : ils affirmaient avoir seulement voulu défendre les médecins canadiens-français contre une concurrence éventuelle qui, paraît-il, se manifeste déjà par l’établissement d’une certaine « Clinique Sainte-Thérèse » dans un quartier canadien-français par un médecin israélite qui, précisément, a fait du service dans un autre hôpital catholique. Ils ajoutaient — ce qui infirme quelque peu leur prétention à leur absence de préjugés — que les patients catholiques répugnent à se faire traiter par un Juif et que pour leur part ils ne voulaient pas vivre pendant un an avec un Juif. L’argument de la concurrence vaut ce qu’il vaut et nous ne voulons pas le discuter ; les protestataires reconnaissent d’ailleurs n’avoir pris aucune mesure pour faire connaître au conseil du Collège des Médecins l’exploitation du sentiment religieux qu’ils reprochent au praticien juif. Quant à l’argument des antipathies de race, il semble tomber de lui-même, puisque le Dr Rabinovitch a passé l’année dernière à Notre-Dame comme stagiaire, ou interne-étudiant, sans incommoder personne. En réalité, l’internat comprenant plus de trente personnes, étudiants ou médecins, l’engagement du Dr Rabinovitch ne pouvait en modifier sensiblement le caractère. La grève des internes canadiens-français ne pouvait donc avoir pour mobile qu’une haine de race.

Mais si Notre-Dame traite tous les malades et tous les blessés sans distinction de race ou de religion, il ne fait pas non plus de distinction entre l’argent juif et l’argent catholique. L’acquittement du legs Mortimer Davis a été retardé jusqu’ici par les démêlés judiciaires de la succession, mais le jour où les $100,000 légués par ce Juif à Notre-Dame seront versés, la direction ne fera probablement aucune difficulté d’accepter la somme. Quand le sale Gobeil, soufflé on se demande par qui, calomnia la direction morale de l’Université de Montréal dans un parlement anglo-saxon, il n’y eut pas de protestations plus vives que celle de deux députés juifs à l’Assemblée législative de Québec, MM. Cohen et Bercovitch. Il y a un an ou deux, un médecin canadien-français attaché à Notre-Dame, le Dr Gariépy, désirait se perfectionner dans le traitement du diabète : admis par faveur à suivre à l’Hôpital Général la clinique du Dr Rabinovitch (proche parent du jeune interne de Notre-Dame), il bénéficia pendant huit mois des leçons de ce maître, universellement reconnu comme une autorité en la matière. La Faculté de médecine de l’Université de Montréal, d’où viennent les stagiaires et tous les médecins internes de Notre-Dame, reçoit de la Fondation Rockefeller une subvention annuelle de $25,000, avec la promesse conditionnelle d’une dotation d’un million ; or, le conseil médical de la Fondation Rockefeller a comme président un Juif, le Dr Flexner. Notre-Dame compte d’ailleurs parmi ses gouverneurs un négociant juif qui s’est toujours montré généreux envers les œuvres de bienfaisance canadiennes-françaises, M. Lyon Cohen. L’hôpital avait donc des raisons toutes particulières de ne pas refuser les services, virtuellement gratuits, du Dr Rabinovitch.

À supposer que la présence du Dr Rabinovitch non pas à un poste de direction comme l’ont prétendu certaines canailles de patriotisme professionnel, mais à de modestes fonctions de médecin auxiliaire, c’est-à-dire de serviteur, portât atteinte au caractère moral de l’hôpital, l’ouverture prochaine d’un hôpital israélite, les protestations de l’internat contre l’engagement d’un médecin juif, auraient sans doute suffi pour rétablir à Notre-Dame, dès l’année prochaine, le caractère exclusivement catholique et français de son personnel. Au reste, la simple supposition qu’un conseil médical composé du Dr Bourgeois, du Dr Albert Lesage et d’autres praticiens et universitaires de même valeur, pourrait trahir dans la direction d’un établissement de cette importance l’intérêt français, est d’une absurdité qui fait hausser les épaules.

De tous ces faits, les internes canadiens-français de Notre-Dame n’ont tenu aucun compte. Dès la première heure ils se sont obstinés à exiger la répudiation du contrat existant entre l’hôpital et l’interne juif, à répudier leur propre contrat, à écarter toute considération du devoir professionnel du médecin envers les malades, à méconnaître toute valeur au serment d’office.

C’est devant cette situation que le docteur Rabinovitch a adressé aux autorités de l’hôpital la lettre de démission que nous citions mardi matin et qui serait, pour ses anciens confrères canadiens-français, une si haute leçon d’honneur professionnel, si l’envie et le fanatisme religieux n’étaient en train d’étouffer ce sentiment dans notre jeunesse médicale. On se le rappelle, cette lettre, écrite en anglais, se lisait ainsi :


Montréal, le 18 juin 1934.


Au bureau d’administration de l’Hôpital Notre-Dame.


Messieurs,

Vu la situation grave, alarmante et dangereuse à laquelle les patients de Notre-Dame et d’autres hôpitaux sont exposés par suite du refus de certains internes d’obéir aux ordres de leurs supérieurs, et les embarras qui en résultent pour les différents conseils ou bureaux de Notre-Dame et des autres hôpitaux, je considère de mon devoir de médecin (le mot est souligné dans l’original) de vous offrir ma démission comme interne de votre maison.

Puis-je profiter de l’occasion pour vous dire combien j’apprécie la très belle attitude que vous avez prise en cette affaire, et vous déclarer que cette attitude n’est pas étrangère à la décision que je prends en ce moment, car le moins que je puisse faire, c’est de ne pas vous créer de nouveaux embarras. Le soin des malades a toujours tenu une première place dans la vie morale du peuple juif, et j’ai confiance que ma décision recevra l’approbation unanime de mes coreligionnaires. Je regrette que tant de médecins canadiens-français aient manqué à la première obligation du serment d’office qu’ils ont prêté tout récemment, et je suis fier que ma démission puisse assurer, aux pauvres malheureux présentement retenus comme patients dans les hôpitaux affectés par la grève, les soins dont ils ont grandement besoin.

En vous remerciant de nouveau pour les nombreuses marques de considération que vous m’avez données, et en vous priant de croire que je serai toujours à votre disposition, je demeure

votre tout dévoué serviteur,
Samuel RABINOVITCH,
B. A., M. D.

Dans un article que M. Georges Langlois a reproduit et commenté, le directeur de l’Action Catholique, M. Eugène L’Heureux, disait :

De l’école primaire à l’université, les instituteurs, les institutrices et professeurs s’appliqueraient à former le citoyen canadien-français en même temps que le chrétien, le chef de famille, et le professionnel. C’est bien sur les éducateurs, en effet, qu’il faut compter davantage pour corriger les nombreuses déficiences nationales que nous ont values un siècle et trois-quarts de domination anglaise, de voisinage américain et surtout vingt-cinq ans d’industrialisme dépourvu de toute direction nationale.

Sous de multiples influences dont les principales auraient probablement honte de jouer au grand jour, et qui eurent leur large part dans l’aventure de ces cauteleux fils spirituels des RR. PP. Jésuites, les Jeune-Canada, — inspirateurs de la grève de l’internat, — une partie notable de notre jeunesse est en train de confondre antisémitisme et patriotisme. Tout Canadien-Français éclairé, ayant à cœur l’honneur, la dignité de sa race, reconnaîtra toutefois que ce ne sont pas de honteux exploits comme cette grève qui remédieront aux multiples « déficiences nationales » admises par M. L’Heureux.

La chose est triste à constater, mais dans cette affaire, le seul des internes de Notre-Dame, de l’Hôtel-Dieu, de Sainte-Justine, de la Miséricorde, de Saint-Jean-de-Dieu, qui se soit conduit non pas comme un chrétien, mais comme un civilisé, c’est le Dr Rabinovitch. Et ce n’est pas l’attitude peu glorieuse prise envers les coupables par la direction des hôpitaux intéressés et par la direction de la Faculté de Médecine, qui lavera le peuple canadien-français de la honte que de pareils actes font rejaillir sur lui.


II


Nous disions hier que notre peuple commence à confondre antisémitisme et patriotisme. Cette confusion, résultat d’une infériorité économique dont personne ne recherche les véritables causes et que les ignares charlatans du jean-baptisme lui expliquent à leur manière, est pour la société, et pour lui tout le premier, un danger d’autant plus grand que de temps immémorial on l’a formé à confondre également, comme il reproche aux Juifs de faire, ces deux choses différentes : la nationalité et la religion. Dès avant la grève de l’internat, les Voyageurs de Commerce Catholiques, des groupes importants de l’Association Catholique de la Jeunesse, diverses sections de la Société de Saint-Jean-Baptiste, s’associèrent à la sommation des internes. De tout côté on téléphonait avec arrogance, parfois grossièrement, au secrétaire de Notre-Dame, M. Laporte, au président du conseil médical, le Dr Albert Lesage, à divers autres représentants de l’autorité, pour leur demander la raison de faits imaginaires tendant à jeter un jour odieux sur l’engagement du Dr Rabinovitch, et les menacer de boycotter l’Hôpital Notre-Dame à Montréal et dans la province. Le Devoir, qui sans prendre parti ouvertement (les annonceurs juifs ont, n’est-ce pas, droit au respect) s’est appliqué consciencieusement à exciter les passions populaires en propageant les inventions malicieuses dont nous avons parlé (il est même allé jusqu’à raconter que Rabinovitch avait exigé en compensation une bourse d’études en Europe), constatait mardi :

« Parmi les sociétés qui ont protesté contre le contrat conclu entre l’hôpital et M. Rabinovitch, on relève les noms suivants : l’Ordre des Canadiens de naissance, l’Association catholique des Voyageurs de Commerce, plusieurs sections de la Société Saint-Jean-Baptiste, les Chevaliers de Carillon, les Épiciers-Bouchers (Note de l’Ordre : « catholiques », sans doute ?), la Feuille d’Érable rouge (par l’entremise de son représentant, M. Pelletier) et plusieurs autres. »

Il y avait évidemment un mot d’ordre, dont l’aumônier de l’Association Catholique des Commis-Voyageurs pourrait peut-être nous dire l’origine.

Devant ce concert de calomnies, de récriminations, de menaces, la direction de l’hôpital s’affola. L’intérêt, l’honneur même de l’établissement, exigeait qu’elle tînt tête à la meute, sauf à faire connaître la vérité par la presse (qui à l’exception du Devoir lui était acquise tout entière) et par la radio. Peu habile à ces sortes de luttes, d’ailleurs trahie de l’intérieur par quelques chefs de services qui voudraient bien arriver au conseil médical et dont l’action, propice à la destruction de toute autorité laïque — nous ne disons pas laïcisante — dans les hôpitaux comme à l’Université de Montréal, se traduira un jour ou l’autre par quelque « dégobeillage », elle a cru sauver la situation en acceptant, avec la démission du Dr Rabinovitch, une dérisoire amende honorable des grévistes. Nous le regrettons pour elle, mais elle a eu tort. L’Hôpital Notre-Dame a certes besoin de l’appui unanime des catholiques et sa première raison d’être est de les servir, mais il est certains faits que la direction, même si elle s’en tient aux considérations d’intérêt matériel, ne devrait pas oublier. Il n’est pas d’année où quelque hôpital de Montréal — que ce soit Notre-Dame, Sainte-Justine, la Miséricorde ou Saint-Jean-de-Dieu — n’ait besoin d’une subvention gouvernementale ou municipale : or, la caisse de la Province de Québec, celle de la Ville de Montréal, ne sont pas plus catholiques que protestantes, et les pouvoirs publics se demanderont peut-être à l’avenir, avant de subventionner une institution de bienfaisance, quel esprit l’anime : la charité chrétienne ou le sectarisme. Parce que tout le monde a soutenu leur opportune campagne contre le blasphème, les grotesques commis-voyageurs « catholiques » sont en train de se muer en énergumènes qui menacent la liberté la plus élémentaire des laïques en matière sociale. Si la direction de Notre-Dame estime nécessaire de céder à leurs chantages, elle s’apercevra bientôt qu’il y a parmi les catholiques de la province de Québec une nombreuse clientèle, non la moins payante, qui ayant à choisir entre plusieurs hôpitaux préférera celui où le malade ne reçoit pas ses soins de jeunes « patriotes » fermés à tout sentiment de devoir et d’honneur professionnel, voire de simple honnêteté. Pour notre part, nous saurons nous rappeler à l’occasion que la direction de Notre-Dame a manqué à son devoir en reprenant à son service, malgré ses nobles paroles, des internes qui, dans les pays où le « patriotisme » n’est pas une excuse à toutes les forfaitures, auraient été justiciables du code pénal.

Au point de vue médical, les seize ou dix-sept internes-étudiants de Notre-Dame relèvent encore de la Faculté de médecine. Il y a actuellement tant de chômeurs dans le corps médical que la Faculté pouvait, sans inconvénient pour le public, faire un exemple de ces jeunes messieurs en les priant d’aller compléter leurs études ailleurs. Elle non plus, elle n’entend pas appliquer de sanctions.

Enfin, il ne semble pas que le Collège des Médecins et Chirurgiens, auquel la plupart des médecins grévistes de Notre-Dame, de l’Hôtel-Dieu, de la Miséricorde, de Sainte-Justine et de Saint-Jean-de-Dieu demanderont en juillet prochain le droit de pratique, soit avisé officiellement de la tare professionnelle de ces messieurs. Le conseil de la profession voterait des félicitations aux grévistes, les exhorterait à recommencer au besoin, que nous n’en serions nullement surpris : la dégradation complète des professions libérales, chez nous, exige que le « patriotisme » aille jusqu’au bout. Le Canada anglais s’enorgueillit à bon droit des découvertes des Banting, des Collip et de plusieurs autres, parmi lesquels des Juifs : nous, embusqués derrière un cordon de malades comme jadis les héros de Chateauguay derrière leur barricade de troncs d’arbres, nous avons gagné sur le Dr Rabinovitch, licencié de l’Université de Montréal avec grande distinction, la mémorable bataille de 1934.

Cet exploit, il retentira dans tous les coins du Canada français — tout au moins de la Province de Québec — durant les trois jours que durera la Saint-Jean-Baptiste. Et notre peuple se dira que s’il peut, grâce à Madame Dionne, envoyer des engendreurs de race comme M. Dionne aux foires internationales, ce n’est pas qu’il ne pourrait pas avoir lui aussi — la moralité des grévistes de l’internat le prouve — ses anticonceptionnistes et ses avorteurs.


L’Ordre, 1934.