Peintures (Segalen)/Peintures magiques/Portrait fidèle

Georges Crès et Cie (p. 17-18).

Maintenant, le Peintre livre ici l’image d’une seule jeune fille. Elle est belle par la beauté, les mains longues, le cou gras, l’enroulée de ses cheveux et la retombée de ses yeux. Une autre, ailleurs et loin de nous, existe vraiment, qui lui ressemble. Car ceci est un portrait.

Le Peintre la donne ici plus douce que l’autre n’est douce dans l’existence humaine ; car il l’a peinte ici comme il l’aime. Et comme l’autre ne l’aime pas, chaque jour suppliant l’image avec des mots et avec des larmes, il prend un dur poinçon et perce le cœur dans la soie.

Au même instant, dans sa maison, l’autre pousse un cri et porte la main à son cœur. La Mère s’effraie dans la maison, car la fille maigrit et l’on ne sait quel médecin convoquer. Avant peu, son vrai cœur lui dira qui la blesse. Avant peu, elle se rendra. C’est la Peinture qui mourra ; non pas l’autre ; non pas l’autre. Mais le Peintre, alors plus n’aimera : ceci est un


PORTRAIT FIDÈLE.