Par mer et par terre : le corsaire/XII

CHAPITRE XII.

COMMENT FERNAN NUÑEZ DÉCOUVRIT UNE PISTE, ET CE QUI EN ADVINT.


Talca, ou San-Agustin, et non Jan-Agustin, comme le dit par erreur M. Malte-Brun, est bâtie sur la rive droite du Rio-Maule ; elle occupe le centre d’une belle vallée, à égale distance de Concepcion et de Santiago de Chili, capitale de la république. Le petit port de Maule la relie à la mer ; ce port, très-sûr, a une barre fort dangereuse qui toujours s’opposera à son extension.

On assure, mais cela n’est pas prouvé, que Talca a été fondée par Valdivia ; ses maisons sont grandes, bien bâties, commodes, avec toits en terrasse ; les rues sont larges, les places spacieuses ; l’Alameda est une des plus charmantes promenades qui soient.

Sous la domination espagnole, cette ville était fort riche ; elle faisait un grand commerce avec tout le littoral, à cause de ses mines d’or et de ses collines d’améthystes, dont l’exploitation prospérait.

La proclamation de l’indépendance porta d’abord un coup fatal à son commerce, en causant l’émigration forcée des Espagnols : elle fut ruinée et dépeuplée du même coup. À l’époque où se passe notre histoire, sa population était à peine de quatre mille âmes ; c’était un véritable désert, dont l’aspect désolé inspirait la tristesse ; aujourd’hui, on m’a assuré qu’il n’en est plus ainsi ; la ville se repeuple rapidement, elle a repris une certaine importance. Dans un avenir prochain, Talca sera une des villes les plus riches de la république.

De même que les autres Chiliens, dont l’urbanité est proverbiale, les habitants de Talca sont bienveillants, polis, bons, loyaux, d’un caractère fort gai, excessivement hospitaliers, et d’une amabilité à toute épreuve.

On a peine à s’expliquer comment les Espagnols, généralement si orgueilleux, si rogues et surtout si peu sociables et si défiants, ont laissé dans leurs colonies des populations dont les mœurs, les aptitudes et le caractère sont en si complet désaccord avec eux, et qui, tout en s’assimilant leurs qualités, ont si bien su éviter leurs défauts. Ces observations critiques ont été faites par tous les étrangers, après une résidence de plusieurs années dans les anciennes colonies espagnoles ; sauf peut-être au Mexique, où les populations sont corrompues jusqu’aux moelles, toutes les dissemblances constatées entre les Espagnols et les créoles sont en faveur de ces derniers.

Les Chiliens, surtout n’ont plus avec leurs ancêtres européens de commun que la langue, et encore cette langue ils l’ont modifiée et la modifient tous les jours ; ils l’ont rendue moins âpre, plus gracieuse et plus harmonieuse, sans lui avoir rien donné, d’affecté ou d’efféminé ; cette nuance est surtout sensible.

Nos quatre voyageurs avaient rapidement marché ; ils ne se trouvaient plus qu’à quelques portées de fusil de la ville, lorsqu’ils furent rejoints à l’improviste par un cavalier richement vêtu, monté sur un cheval fougueux et blanc d’écume, qu’il maîtrisait comme en se jouant en véritable ginete avec une grâce inimitable.

Ce cavalier était grand, bien fait, il paraissait trente-cinq ans ; ses traits étaient beaux, sa physionomie ouverte, franche et spirituelle ; ses manières étaient élégantes, sans affectation et remplies de cette noblesse innée qui caractérise les races méridionales.

Après avoir échangé avec les voyageurs le salut consacré : Ave Maria purissima, il rangea son cheval près d’eux, et la conversation s’engagea aussitôt :

— Vous êtes étrangers, caballeros ? demanda l’inconnu de prime abord.

— Oui, caballero, répondit Olivier, pour lui et ses compagnons ; nous sommes Buénos-Ayriens.

— Les Buénos-Ayriens sont presque des compatriotes pour nous, reprit le cavalier en saluant ; nous leur devons beaucoup. Le général San-Martin, en battant les Espagnols au Maypu, a assuré notre indépendance. Est-ce la première fois que vous venez dans ce pays ?

— La première, oui, señor ; nous nous rendons à Santiago de Chili, où nous appellent des affaires importantes.

— Vous comptez sans doute vous arrêter quelques jours à Talca ?

— C’est notre intention, en effet, caballero.

— Avez-vous quelques connaissances dans la ville ?

— Aucune, caballero.

— Tant mieux ! répondit le cavalier en riant, alors vous ne me refuserez pas de descendre chez moi ; je serai heureux, caballeros, de vous offrir l’hospitalité, pour tout le temps qu’il vous plaira de demeurer à Talca, où vous ne resterez jamais aussi longtemps que je le désire.

— Je ne sais vraiment comment vous remercier, caballero, répondit Olivier en s’inclinant sur le cou de son cheval.

— En acceptant, vive Dios ! Ne craignez pas de me gêner en rien, je suis riche et ma maison est grande ; je me nomme don Pablo de Galvez.

— Et moi, caballero, don Carlos Madray.

— Et moi, don Pedro Medroza, ajouta Ivon ; ces deux personnes sont nos serviteurs, l’un est Colombien, l’autre Français.

— Très-bien ! caballeros ; vous me causez une véritable joie ; je n’ai donc pas perdu ma journée. Je ramène des hôtes, et des hôtes d’importance !

— Vous faisiez sans doute une promenade hors de la ville, señor don Pablo ?

— Non pas, je suis allé visiter une de mes chacras, située à cinq ou six lieues d’ici ; je revenais tout triste et tout ennuyé, lorsque ma bonne étoile m’a fait vous rencontrer tout juste à point pour me rendre ma bonne humeur envolée depuis le matin.

— C’est trop de gracieuseté, señor don Pablo !

— Nullement, je dis ce que je pense. Est-ce que vous êtes commerçants ?

— Non, répondit Olivier en souriant.

– Militaires, sans doute ? il y a quelque chose en vous qui le fait supposer.

— Nous ne sommes pas militaires, señor don Pablo, nous sommes marins ; j’ai l’honneur de commander un bâtiment corsaire au service de la république colombienne.

— Et vous abandonnez ainsi votre navire ?

— Non pas, señor ; en ce moment il est ou doit être mouillé à Maule. J’aurai l’honneur de vous le faire visiter, si vous le désirez ?

— Je le crois bien, que je le désire !

— C’est un bon et vaillant navire ; il se nomme le Hasard.

— Le Hasard ! s’écria don Pablo en se frappant le front, et arrêtant son cheval ; est-ce donc le fameux corsaire si redouté des Espagnols, auquel il a fait tant de mal ? qui, il y a trois mois, en face du Callao, s’est emparé à l’abordage de la corvette espagnole la Santa-Maria et, malgré tous les croiseurs, l’a fait entrer dans la rivière de Goyaquil ?

— Je vois que vous êtes bien renseigné, señor ; c’est le même.

— Vive Dios ! il est célèbre sur toute la côte, depuis Valparaiso jusqu’à Mazatlan, et vous êtes son capitaine ?

– J’ai cet honneur, caballero ; le señor don Pedro Medrosa, mon ami, est mon second capitaine.

— Alabado sea Dios ! s’écria le Chilien ravi de tout ce qu’il entendait ; voilà une aventure, par exemple ! Vous êtes bien connu ici, capitaine, vous vous en apercevrez bientôt ; laissez-moi vous remercier encore de l’honneur que vous me faites en acceptant mon hospitalité.

— Vous me comblez, caballero !

Tout en causant ainsi, les voyageurs avaient pénétré dans la ville, dont ils traversaient depuis quelques instants les rues, à peu près désertes.

Ils débouchèrent enfin sur la plaza Mayor et s’arrêtèrent devant une grande et belle maison, sur le seuil de laquelle se tenaient plusieurs peones ; en reconnaissant leur maître, ils s’empressèrent d’ouvrir la porte et de saisir les chevaux à la bride, quand les cavaliers eurent mis pied à terre.

— Venez, dit gracieusement don Pablo, je vais vous montrer le chemin de vos appartements ; le premier besoin d’un voyageur est de se baigner et de procéder à une nouvelle toilette. Vous vous reposerez jusqu’au dîner ; alors je viendrai vous prendre pour vous présenter ma famille ; j’ai une femme que j’aime beaucoup, un fils et une fille qui sont ma joie ; tous ils seront heureux de l’honneur que vous me faites.

Tout en parlant ainsi, don Pablo Galvez avait introduit ses hôtes dans un vaste appartement, composé de plusieurs pièces, meublé à la mode espagnole du dix-huitième siècle, de meubles un peu lourds, à la vérité, mais ayant un grand style, et aussi confortables que l’époque le permettait.

— Vous êtes chez vous, dit le Chilien ; nul ne viendra vous troubler ; reposez-vous et que Dieu vous garde.

Et il sortit, les laissant libres de faire ce que bon leur semblerait.

Quelques jours s’écoulèrent ainsi ; Olivier et Ivon étaient traités par leurs hôtes avec la plus haute considération. Tous les membres de la famille étaient littéralement aux petits soins pour eux ils s’ingéniaient à satisfaire leurs moindres désirs.

Olivier et son ami ne perdaient pas leur temps ; dès le lendemain de leur arrivée, ils s’étaient mis à la recherche du soi-disant don Joaquim Muñoz, non pas d’une façon occulte, mais franchement, aux yeux de tous, en hommes qui ayant le désir de conclure certain marché, s’informent de la personne avec laquelle ce marché doit être traité, lui donnent rendez-vous et essaient de la rencontrer.

Mais toutes leurs démarches furent inutiles ; depuis quatre jours, c’est-à-dire le lendemain même de leur arrivée à Talca, don Joaquim Muñoz avait, sans motifs connus, quitté le tambò, où il avait laissé toutes ses marchandises, annonçant simplement qu’une affaire urgente exigeait sa présence dans une chacra assez éloignée, et que son absence se prolongerait probablement pendant sept ou huit jours.

Les deux amis furent consternés de ce contretemps, qu’ils ne savaient à quel motif attribuer ; l’inquiétude les gagnait ; ils faisaient les suppositions les plus erronées sur cette absence, que rien ne justifiait à leurs yeux.

Par une singulière et étrange coïncidence, le jour même du départ de don Joaquim Muñoz, Fernan Nuñez avait disparu, lui aussi, sans qu’il fût possible de découvrir ce qu’il était devenu.

S’était-il mis à la poursuite de l’ennemi de son maitre ? Don Joaquim Muñoz l’avait-il reconnu et s’était-il débarrassé de lui comme d’un espion dangereux ?

Mystère !

Olivier et Ivon ne savaient à quel saint se vouer, ils en perdaient presque la tête ; mais, et c’était là pour eux le plus pénible, il leur fallait cacher soigneusement l’inquiétude qui les dévorait et paraître gais et insouciants.

Don Pablo Galvez avait présenté ses hôtes dans les plus riches maisons de Talca ; partout ils avaient reçu le meilleur accueil ; ce n’était que fêtes et tertulias en leur honneur ; tout le monde semblait avoir à cœur de leur témoigner de la sympathie.

Un soir, les deux amis assistaient à une nombreuse tertulia, où l’élite de la bonne société s’était donné rendez-vous ; la contredanse n’avait pas encore, grâce à Dieu ! pénétré en Amérique ; les dames et les jeunes gens se livraient aux gracieuses danses nationales ; la fête était à son apogée, quand un peon placé à la porte du premier salon annonça d’une voix retentissante :

— El señor don Joaquim Muñoz.

Olivier causait en ce moment avec le maitre de la maison et don Pablo Galvez ; il tressaillit en entendant ce nom résonner tout à coup à son oreille ; laissant inachevé ce qu’il disait, il se tourna vivement et examina avec une ardente curiosité l’homme ainsi annoncé, qui, en ce moment, traversait avec une aisance parfaite le salon dans toute sa longueur, pour venir, ainsi que l’obligeait l’étiquette, saluer le maître de la maison.

Don Joaquim Muñoz, ou, pour mieux dire, don Estremo Montès, était un homme entre deux âges : bien conservé, de manières parfaites, et qui aurait été beau sans l’expression singulière de son regard fuyant et ne se fixant jamais.

— Soyez le bienvenu, dit le maître de la maison en réponse au salut de don Joaquim ; je suis charmé de vous voir, je n’espérais pas avoir cet honneur aujourd’hui.

— En effet, caballero, répondit le Péruvien ; à mon grand regret, j’ai été contraint de me rendre à Concepcion pour une affaire pressante impossible à remettre.

— C’est vrai, ajouta don Pablo Galvez, vous étiez, m’a-t-on dit, absent de Talca depuis quelques jours.

Sans qu’il sût pourquoi, le cœur d’Olivier se serra douloureusement en entendant les paroles de don Joaquim ; cependant elles n’avaient rien que de fort simple.

— Êtes-vous depuis longtemps de retour, caballero ? demanda courtoisement le maître de la maison.

— Depuis une heure à peine, señor, répondit don Joaquim j’ai trouvé chez moi votre lettre d’invitation, je n’ai pris que le temps de changer de costume et je suis venu, sachant être bien reçu.

— Je vous remercie sincèrement, caballero, d’avoir pour moi oublié votre fatigue.

— Si vous me le permettez, je présenterai mes hommages à la señora et à vos charmantes niñas.

— Un instant, s’il vous plaît, cher don Joaquim, s’écria vivement don Pablo Galvez ; permettez-moi d’abord de vous présenter deux de mes meilleurs amis, qui, bientôt, je l’espère, seront aussi les vôtres.

— C’est un grand honneur que vous me faites, señor don Pablo, répondit le Péruvien en s’inclinant.

Don Pablo se tourna alors vers Olivier et Ivon Lebris, toujours debout près de lui, et, les saluant en souriant :

— Señor don Joaquim Muñoz, dit-il, j’ai l’honneur de vous présenter le señor don Carlos Madray et le señor don Pedro Medroza.

Le Péruvien salua. Un nuage aussitôt effacé passa sur son visage.

— Il me semble connaître les noms de ces caballeros, dit-il.

— En effet, señor, répondit Olivier en saluant nous nous sommes présentés plusieurs fois au tambò, où vous êtes descendu, sans avoir le plaisir de vous rencontrer.

— Le plaisir aurait été tout entier pour moi, caballeros.

— Nous sommes compatriotes, ajouta Olivier ; c’est en cette qualité que mon ami et moi nous avons cru pouvoir nous présenter chez vous, señor, d’autant plus que nous désirons vous proposer une affaire importante et avantageuse.

– Je me mets complétement à votre disposition, caballeros.

La connaissance, ainsi ébauchée, ne tarda pas à devenir intime.

Deux ou trois jours plus tard, don Joaquim Muñoz ne pouvait plus se passer de ses nouveaux amis.

Il est vrai que ceux-ci n’avaient rien ménagé pour obtenir ce résultat.

Un matin, en déjeunant, don Pablo Galvez demanda à Olivier, devant Joaquim Muñoz, qui était un des convives, s’il avait des nouvelles de son bâtiment.

— Oui, répondit Olivier, j’en ai reçu hier ; il est mouillé à Maule. Mais à propos de cela, ajouta-t-il vivement, vous souvenez-vous, cher don Pablo, que vous m’avez témoigné le désir de visiter mon navire ?

— Je me le rappelle parfaitement, cher señor.

— Ce désir, l’avez-vous encore ?

— Plus que jamais, señor.

— Eh bien ! vous savez que rien n’est agréable comme l’impromptu ; voulez-vous sans cérémonie m’accompagner demain à Maule ? Nous partirons de bon matin, afin d’éviter la chaleur ; nous déjeunerons à bord, et nous ferons après une promenade en mer : cela vous convient-il ?

– Certes, je serais difficile si je disais autrement.

— Ainsi, c’est convenu ?

— Convenu, oui, señor don Carlos. Oh ! quelle bonne journée nous passerons ensemble !

— Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour que vous n’ayez pas à regretter cette excursion ; et vous, señor don Joaquim, que pensez-vous de cette partie de plaisir ? nous accompagnerez-vous ?

— La fête, ainsi, serait complète ! s’écria don Pablo.

– Vous ne m’accuserez pas d’outrecuidance si je vous réponds oui ainsi tout de suite ? dit le Péruvien en riant.

– Au contraire, je vous en saurais gré, señor.

– Eh bien puisqu’il en est ainsi, je me laisse aller, je serai des vôtres, caballeros. Je vous avoue que, n’ayant jamais vu de corsaire, je suis très-curieux de visiter le vôtre, dont la réputation est si grande. Ma foi, tant pis ! Voilà le grand mot lâché !

— Alors c’est dit, caballeros ; nous partirons à sept heures du matin, heure militaire.

En effet, le lendemain, à sept heures précises, Olivier, don Pablo Galvez et don Joaquim Muñoz montaient à cheval et quittaient Talca.

La veille, Ivon Lebris et Antoine Lefort avaient pris les devants et s’étaient rendus à Maule.

Ce port, fort commode, n’était à cette époque qu’une bourgade habitée par des pêcheurs et des contrebandiers ; les Espagnols prohibant tout commerce avec les étrangers, auxquels ils défendaient même l’entrée de leurs ports, la contrebande s’était développée dans des conditions véritablement inquiétantes ; cependant l’influence de l’émancipation commençait à se faire sentir ; les navires de commerce apprenaient peu à peu le chemin de ce port, qui, aujourd’hui, jouit d’une certaine notoriété, et la contrebande avait été tuée du coup.

La route de Talca à Maule va toujours en descendant ; cette descente, en certains endroits, est même très-rapide. De cette disposition des lieux il résulte que l’on aperçoit la mer et la plage de fort loin, et que l’on distingue le port et les bâtiments mouillés sur rade très-longtemps avant que d’arriver à la bourgade.

Cette vue est féerique ; elle cause une véritable admiration à ceux qui en jouissent pour la première fois.

Les chevaux furent confiés à des peones, et les trois voyageurs se dirigèrent vers le môle, où les attendait une baleinière du Hasard.

Le capitaine fit asseoir ses hôtes à sa droite et à sa gauche, dans la chambre d’arrière.

— Pousse ! dit-il en espagnol.

Le brigadier, armé de sa gaffe, fit éviter la pirogue. Les avirons, jusque-là tenus mâtés par les rameurs, tombèrent tous ensemble à la mer.

— Avant partout ! ordonna le capitaine.

Les matelots se couchèrent sur les avirons ; la baleinière sembla voler sur le dos des lames ; en moins de cinq minutes, elle atteignit le brick-goëlette, mouillé un peu au large.

Le capitaine et ses hôtes furent reçus à bord avec les honneurs militaires.

Le corsaire avait fait sa grande toilette.

Le navire était d’une propreté hollandaise ; les cuivres reluisaient comme de l’or, on se serait miré dans les canons, tant ils brillaient ; le pont était d’une blancheur laiteuse, l’équipage et l’état-major avaient revêtu l’uniforme colombien.

Maître Caïman, étincelant comme un soleil, se prélassait, une longue chaine d’or passée au cou et soutenant un sifflet de même métal curieusement ciselé.

Les matelots se tenaient respectueusement à l’avant.

Une tente, tendue du beaupré à l’arrière, interceptait les rayons trop ardents du soleil.

Le capitaine laissa un instant ses hôtes aux soins d’Ivon et entra dans sa cabine ; au bout de quelques minutes il en ressortit ; il avait quitté le costume chilien et endossé son uniforme.

— Regardez, dit-il à don Pablo et à don Joaquim, en étendant le bras vers la terre.

Tous se penchèrent sur la lisse.

Six canots, charges de dames et de cavaliers, se dirigeaient vers le brick-goëlette.

Don Pablo reconnut sa femme, son fils et ses deux filles dans un des canots ; dans un autre se trouvaient les autorités de Maule et de Talca ; les autres renfermaient les membres les plus distingués de la société de la ville.

— Quelle charmante surprise s’écria don Pablo avec joie ; et vous ne m’aviez rien dit, don Carlos ?

– Où aurait été la surprise ? répondit le capitaine en riant.

— C’est juste, fit-il en serrant la main du jeune homme.

Le gouverneur de Talca fut salué de sept coups de canon lorsqu’il monta à bord du navire, et le pavillon chilien fut hissé à la pomme du grand mât.

La compagnie était nombreuse ; elle s’élevait à une trentaine de personnes, dames et cavaliers.

Tout le monde était radieux.

Le colonel Obregoso, gouverneur de Talca, après avoir échangé quelques paroles à voix basse avec le capitaine, était descendu dans la cabine en compagnie d’Ivon Lebris.

Olivier faisait, aidé de ses deux officiers, les honneurs du navire aux dames, qui admiraient, avec de grands cris de joie, tout ce qu’elles voyaient ; la plupart des dames, et même des hommes, n’avaient jamais vu de bâtiments de guerre ; elles ne s’imaginaient pas ce que cela pouvait être ; aussi tout était-il nouveau et intéressant pour ces natures primesautières et, à cause de cela même, éminemment impressionnables.

Depuis une demi-heure déjà, la visite du navire continuait ; l’attention de tous les invités était complétement absorbée par les explications que donnait le capitaine, lorsque Ivon remonta sur le pont, et, s’approchant de don Joaquim Muñoz, qui depuis son arrivée à bord s’était tenu à l’écart, en proie, sans s’en rendre compte, à une inquiétude vague, Ivon le pria civilement de le suivre.

Don Joaquim obéit machinalement.

Il descendit, précédé par Ivon Lebris.

Un matelot, armé d’un fusil, se tenait à la porte de la cabine du capitaine.

Ivon ouvrit cette porte, invita don Joaquim à passer, entra derrière lui et referma la porte.

— Ah ! vous voici, dit le colonel Obregoso en se levant et faisant deux pas au devant du Péruvien ; veuillez, je vous prie, ajouta-t-il, m’accorder quelques minutes.

— Je suis à vos ordres, colonel, répondit don Joaquim.

— Venez donc, reprit-il.

Et il ouvrit la porte du salon.

Don Joaquim poussa un cri terrible, chancela et devint livide,

Il avait aperçu, étendu sur un hamac, don Diego Quiros, pâle et défait.

Doña Maria et doña Dolorès, les yeux pleins de larmes, priaient, agenouillées de chaque côté du hamac.

– Assassin ! s’écria don Diego en se dressant sur son séant et fixant sur don Joaquim un regard étincelant ; tu croyais m’avoir tué, n’est-ce pas ? Mais Dieu n’a pas permis que tu accomplisses ce crime lâche et odieux, il veillait sur moi ! Justice sera faite !

Don Joaquim était redevenu froid, et impassible en apparence.

— Cet homme est fou ! dit-il en haussant les épaules. Que me veut-il ? Je ne le connais pas !

En ce moment il sentit qu’on le touchait légèrement à l’épaule ; il se retourna machinalement.

Un homme, un spectre était penché sur lui et le fixait d’un regard étrange.

— Lui ! lui ! s’écria le misérable, en proie à une horrible épouvante. Les morts sortent-ils donc de leur tombeau ?

— Oui ! reprit Fernan Nuñez avec un ricanement railleur ; oui, ils sortent du tombeau pour t’accabler et réclamer vengeance !

— Je suis perdu murmura l’assassin avec égarement. Eh bien ! oui ! s’écria-t-il d’une voix saccadée, j’ai voulu vous tuer tous deux ! Je jouais une partie de deux millions de piastres ! j’avais mis ma tête pour enjeu, qu’on la prenne ! Si j’avais gagné, vous seriez à mes pieds.

Le colonel fit un geste muet.

Quatre matelots armés, qui sans doute attendaient cet ordre, s’emparèrent du misérable et l’entraînèrent.

Il fut aussitôt jeté, solidement garrotté, dans la fosse aux lions.

Disons maintenant ce qui s’était passé, et comment cette scène dramatique avait été préparée.

Don Estremo Montès, à qui nous rendrons son véritable nom, était fils d’un Espagnol et d’une Indienne Charruas ; il avait au plus haut degré le défaut des deux races dont il était issu : il était fourbe, lâchement cruel, froid, tenace et avare.

Le vol dont il s’était rendu coupable au préjudice de don Diego, son co-propriétaire, avait été longtemps prémédité à l’avance, toutes ses précautions prises pour réussir ; malheureusement, le retour imprévu de don Diego à Lima lui avait fait voir l’inanité de ses plans si lentement mûris et élaborés. Il ne se faisait aucune illusion ; comme tous les joueurs émérites, il calculait froidement ses bonnes ou mauvaises chances ; de même que don Diego, il sentait chanceler la puissance espagnole en Amérique ; il prévoyait son effondrement prochain ; il sentait que l’indépendance du Pérou amènerait le triomphe de don Diego et la ruine de ses combinaisons à lui ; aussi essaya-t-il, par tous les moyens, de se débarrasser de son ennemi en le faisant arrêter ; il faillit réussir ; la fuite de don Diego le déconcerta, sans pourtant le décourager ; le temps pressait ; il résolut d’en finir avec lui, même par un meurtre ; il se mit à sa poursuite.

À Valparaiso, il apprit le départ de don Diego pour Santiago ; don Estremo se lança sur sa piste.

Arrivé au Chili, don Diego n’avait aucune raison sérieuse pour se cacher ; cependant il crut prudent d’user de certaines précautions de stricte prévoyance ; de là les difficultés éprouvées par don Estremo pour le découvrir.

Le jour même où Olivier arrivait à Talca, don Estremo apprenait par hasard que don Diego, sa femme et sa fille, s’étaient établis à la chacra de Santa-Rosa, éloignée seulement de deux ou trois lieues de la ville.

Aussitôt sa résolution fut prise.

Il monta à cheval et alla s’embusquer dans un rancho de peones, aux environs de la chacra.

Malheureusement pour lui, un homme s’était attaché à ses pas, surveillait tous ses mouvements et ne le quittait pas plus que son ombre.

Cet homme était Fernan Nuñez.

Une nuit, vers onze heures du soir, voyant toutes les lumières depuis longtemps éteintes, don Estremo s’introduisit dans la chacra ; il avait pris toutes les informations nécessaires, connaissait parfaitement la disposition des lieux ; il était donc certain d’arriver presque à coup sûr à la chambre dans laquelle couchait don Diego.

Mais Fernan Nuñez guettait don Estremo : il s’était, à sa suite, introduit dans l’habitation ; les deux hommes se suivaient pas à pas dans l’ombre ; ils étaient si rapprochés l’un de l’autre qu’ils auraient pu entendre le bruit de leur respiration.

Don Estremo ouvrit la porte de la chambre de son ennemi, s’approcha à pas de loup et leva son poignard ; mais, au même instant, Fernan Nuñez se jeta sur lui à corps perdu en appelant don Diego et criant au secours.

Le poignard de don Estremo, mal dirigé, ne fit qu’une blessure insignifiante à don Diego, mais cependant amena un profond évanouissement. Don Estremo, voyant son ennemi immobile, le crut mort ; il tourna alors sa rage contre Fernan Nuñez, qu’il renversa d’un second coup de poignard ; il se préparait à redoubler, mais il n’en eut pas le temps. Les cris poussés par le dévoué serviteur avaient jeté l’alarme ; on accourait de tous les côtés. Don Estremo se débarrassa à grand’peine de Fernan Nuñez cramponné après ses vêtements, sauta par une fenêtre et disparut.

Cependant, après avoir fait quelques pas, il eut l’audace de revenir s’embusquer près de la fenêtre et d’écouter ce qui se disait dans la chambre.

Beaucoup de gens remplissaient la pièce, ils criaient et se lamentaient ; au milieu de toutes ces exclamations, le mot mort ! revenait sans cesse.

— Allons ! se dit don Estremo, j’ai réussi, malgré tout. Dieu soit loué ces hommes sont morts ; nul ne m’a vu, mon secret est à moi ! Quoi qu’il advienne maintenant, je suis positivement propriétaire des mines du Cerro de Pasco !

Là-dessus, il se retira en se frottant les mains et rentra dans son rancho, où il s’endormit profondément.

Il ne s’éveilla que très-tard dans la matinée.

Son premier soin fut d’aller rôder aux environs de la chacra, où tout était morne et triste ; il n’osa pas trop interroger, de peur d’éveiller les soupçons ; il rentra dans le rancho, où il demeura enfermé pendant tout le jour, plongé dans cette espèce d’hébétement qui suit les grands crimes : phénomène moral qui se produit souvent après une longue et excessive tension d’esprit sur un seul but.

Le lendemain, il se fit un grand mouvement à la chacra ; toutes les fenêtres étaient ouvertes ; les propriétaires des environs arrivaient en foule au galop de leurs chevaux ; la cérémonie funèbre de l’enterrement des victimes de don Estremo se préparait ; il eut l’audace de se mêler à la foule et de pénétrer dans la chacra ; nul ne fit ou ne sembla faire attention à lui.

Les deux cercueils étaient là, couverts de draps noirs et entourés de cierges ; des prêtres récitaient des prières. Si don Estremo avait conservé des doutes sur ce qu’il nommait son expédition, cette vue les aurait tous levés.

Le soir, il se prépara à retourner à Talca. En s’habillant, il s’aperçut qu’un portefeuille, que toujours il portait sur lui pour plus de sûreté, avait disparu. Cette découverte l’inquiéta beaucoup. Il voulut chercher dans les vêtements qu’il portait la nuit du double assassinat, et qui avaient été mis en lambeaux pendant sa lutte contre Fernan Nuñez ; mais il se souvint que, le lendemain du crime, il avait fait un paquet de ces loques, et, après les avoir bourrées de pierres, il les avait jetées au fond d’un pozo — puits — desséché.

— Je n’ai pas songé à ce portefeuille, murmura-t-il, je l’ai jeté avec le reste ; le diable soit de ma sottise !

Cette réflexion le rassura, bien que la perte de son portefeuille le chagrinât fort : il renfermait plusieurs pièces précieuses, et surtout très-compromettantes pour lui, si elles étaient tombées entre les mains d’un ennemi.

Don Estremo était prudent comme un Indien, c’est tout dire. Au milieu de la nuit, il s’introduisit dans la chacra, où pendant plusieurs heures il se livra à de minutieuses recherches dans la huerta, refaisant vingt fois le trajet qu’il avait parcouru pendant la nuit du crime, et inspectant chaque touffe de gazon : il ne découvrit rien ; il se rendit au puits où il avait jeté ses habits, et essaya de descendre au fond, mais tous ses efforts furent inutiles.

— Je n’ai rien à redouter, dit-il si je n’ai pu descendre, d’autres n’y réussiront pas plus que moi.

Le lendemain, il retourna à Talca, complétement rassuré sur les conséquences de son crime.

Cependant, le jour même de la cérémonie funèbre à la chacra, un homme s’était introduit inaperçu dans la maison de don Pablo Galvez, avait pénétré dans l’appartement d’Olivier et avait eu avec lui un long entretien, à la suite duquel tous deux étaient montés à cheval et étaient sortis de la ville.

Cet homme était Fernan Nuñez, pâle, défait, les yeux brillant d’un feu sombre, mais ferme et fort. Il portait le bras gauche en écharpe et avait une légère blessure au cou.

Vers dix heures du soir, les deux cavaliers atteignirent la chacra, dont les portes leur furent mystérieusement ouvertes.

Olivier fut introduit dans une pièce, où don Diego, sa femme et sa fille l’attendaient ; les premiers moments de cette entrevue furent tout à la joie puis, la première émotion calmée, vinrent les explications.

Elles furent longues. Don Estremo n’avait pas, ainsi qu’il le supposait, jeté son portefeuille dans le puits desséché : il lui avait été arraché pendant la lutte par Fernan Nuñez ; Olivier l’ouvrit ; il feuilleta attentivement les papiers qu’il contenait, puis il le referma et le serra avec soin.

— Voici ce que je propose, dit-il. Procéder légalement contre votre assassin est impossible : il n’y a encore dans ce pays, libre à peine depuis quelques mois, rien de constitué, ni police, ni lois, ni tribunaux ; il faut agir de ruse, contraindre ce misérable à se dénoncer lui-même, en le frappant de terreur ; procéder enfin comme le faisaient jadis les flibustiers de l’île de la Tortue, et le font aujourd’hui les frères de la côte dans l’Inde, tout en nous ménageant le concours des autorités de la ville. Laissez-moi agir à ma guise ; j’ai mon plan, il réussira ; je vous réponds du succès. On vous croit morts tous deux ; l’assassin s’endort dans une trompeuse sécurité, partez cette nuit même pour Maule, et montez, sans être vus, à bord de mon navire ; je me charge du reste. Si ce n’est pas pour vous, que ce soit du moins pour votre femme et votre chère enfant, dont les intérêts doivent être sauvegardés. Il est important de ne pas donner l’éveil à l’assassin, il sera frappé comme par un coup de foudre !

Il y eut ensuite une intime et charmante causerie entre ces quatre personnes, dont l’amitié était si profonde et si sincère ; puis, après avoir vu ses amis monter à cheval et prendre la route de Maule, Olivier rentra à Talca, emportant avec lui le portefeuille.

Le lendemain, le capitaine se présenta au palais du gouverneur ; il eut avec le colonel Obregoso un entretien qui se prolongea pendant plusieurs heures ; cet entretien fut suivi de plusieurs autres ; enfin, quelques jours plus tard, le colonel Obregoso dit à Olivier :

– J’ai reçu une réponse du président de la république ; il approuve complétement les moyens que nous voulons employer et dont l’exécution vous est remise. Voici les actes : ils sont dressés, signés par le président et contre-signés par le ministre de la justice. Seul, le nom du coupable est en blanc ; ce blanc, c’est moi qui le remplirai, mais seulement après l’aveu explicite du coupable lui-même.

— C’est bien, répondit froidement Olivier cet aveu, vous l’aurez, colonel.

Nous avons raconté ce qui suivit ; comment, en voyant surgir devant lui les deux hommes qu’il croyait morts, l’assassin, accablé par l’évidence, avait perdu la tête et s’était enfin dénoncé lui-même, avec cette sauvage forfanterie qui était le côté saillant de son caractère, et sur laquelle comptait surtout Olivier pour le faire tomber dans le piège qu’il lui avait si adroitement tendu.

Le colonel remit alors au corsaire la condamnation prononcée par le président contre l’assassin, contre-signée par le ministre de la justice, et enfin par lui, colonel Obregoso, comme gouverneur de Talca ; et une plainte formulée par le consul français à Valparaiso et adressée au président de la république chilienne, réclamant justice du crime commis par Estremo Montès, sujet espagnol, sur la personne de don Diego Quiros, sujet de la république d’Andorre et placé sous la protection de la France ; enfin une lettre du président de la république, assurant le consul français que des ordres avaient été immédiatement transmis à Talca pour que bonne et prompte justice fût faite de l’assassin. L’arrestation d’Estremo Montès avait complétement passé inaperçue.

Le colonel remonta sur le pont, comme si rien d’extraordinaire n’avait eu lieu.

Une table avait été dressée à l’arrière pour le déjeuner.

Sur l’invitation d’Olivier, chacun prit place.

Le repas fut très-gai ; Olivier, Ivon et les autres officiers du corsaire en firent les honneurs avec une grâce et une galanterie dont tous les convives furent enthousiasmés.

Tandis que l’on fêtait le champagne, alors presque inconnu en Amérique, le brick leva l’ancre et se couvrit de voiles ; le temps était magnifique, la mer calme comme un miroir.

La promenade en mer fut délicieuse.

Le navire rentra en rade et regagna son mouillage au coucher du soleil, au moment où les invités se remettaient à table pour dîner.

Le navire fut alors complétement illuminé.

Les invités nageaient littéralement dans la joie ; jamais ils n’avaient goûté à des mets aussi exquis et bu des vins d’aussi haut goût.

À neuf heures, un peu avant le lever de la lune, un feu d’artifice fut tiré sur le gaillard d’avant, au milieu des rires et des cris joyeux des invités, mêlés à ceux de la foule rassemblée sur la plage, et s’associant de loin à la joie générale.

Puis le bal s’ouvrit : il se prolongea jusqu’au jour, entremêlé de rafraîchissements de toutes sortes, comme jamais on n’en avait jusqu’alors vu au Chili.

La fête fut complétée par un souper improvisé, auquel chacun fit le plus chaud accueil ; la danse ouvre beaucoup l’appétit : tout le monde avait énormément dansé.

Vers huit heures du matin, on débarqua et on retourna à cheval à Talca.

Tout le monde fut d’accord pour reconnaitre que l’hospitalité du corsaire avait été véritablement princière.

Ce fut seulement en rentrant chez lui que don Pablo Galvez s’aperçut enfin de l’absence de don Estremo Montès.

Olivier n’avait pas de motif pour être discret. En quelques mots il mit son hôte au courant des faits.

À cette révélation, don Pablo Galvez hocha la tête et ne témoigna aucune surprise.

— Cela ne m’étonne que médiocrement, dit-il cet homme avait dans la physionomie un je ne sais quoi de répulsif qui faisait mal.

Le capitaine aurait voulu prendre congé et retourner tout de suite à Maule auprès de ses amis ; mais il avait compté sans ses nombreuses connaissances.

Il fut contraint de séjourner, bon gré mal gré, pendant huit longs jours à Talca.

Ces huit jours se passèrent en fêtes.

Enfin, il fut permis au capitaine de s’arracher à ces nouvelles délices de Capoue, et de reprendre le cours de ses croisières ; il rendit ses visites officielles et partit pour Maule, en compagnie de don Pablo Galvez, qui ne voulut se séparer de lui qu’au dernier moment.

Enfin, vers deux heures de l’après-midi, le Hasard mit sous voiles et disparut bientôt à l’horizon.

Il se rendait à Valparaiso.

Don Pablo retourna tout triste à Talca, roulant dans sa tête une foule de projets, plus fous les uns que les autres, pour arriver à retrouver et à revoir cet ami de quinze jours, qu’il aimait comme un ami de vingt ans.