F. Rieder et Cie, éditeurs (p. 213-216).

LE BIOGRAPHE DU PAPE



Il advint une fois à Villiers d’être embarrassé. Ce fut le jour où M. Siburd lui commanda les Quelques notes biographiques pour le Pape… Villiers débutait :

— Un Pape, songea-t-il, ça vit à Rome ; un Pape, ça fait des bulles ; on dit aussi les c… du Pape. Mais après ?

— Qu’à cela ne tienne, lui suggéra M. Sinet. Voici une collection de vieux journaux. Cherchez ce que l’on a fait pour le Saint-Père précédent ; faites de même pour celui-ci.

Pendant une semaine, Villiers transporta de gros livres, étudia, compulsa, fut pour nous « le biographe du Pape ».

Puis il descendit chez M. Sinet.

— Qué qu’c’est ?

— La biographie du Pape.

M. Sinet ne lut pas : il soupesa le papier :

— Trop court, mon cher. Un Pape, ça vaut trois colonnes.

Pendant de nouveaux jours, Villiers transporta, étudia, compulsa en biographe du Pape. Puis il revint chez M. Sinet :

— À la bonne heure, fit Sinet, le papier a son poids. Seulement, le Pape, c’est de la politique. Cela ne me regarde pas. Remettez cela aux patrons.

Au bout de huit jours, l’article revint annoté de rouge par le crayon de M. Dufour. Tel passage était trop long ; tel autre, trop court. M. Villiers n’avait rien dit de la famille. Il s’étendait trop sur cette encyclique, pas assez sur celle-là.

La famille ajoutée, l’encyclique allongée, l’autre raccourcie, Villiers remit l’article aux directeurs.

Au bout d’un mois, il lui revint, annoté de bleu par le crayon de M. Siburd. Ces détails familiaux étaient complètement inutiles. Pourquoi M. Villiers parlait-il tant d’une encyclique, si peu d’une autre ; tel passage était trop résumé, tel autre trop allongé.

Cela prit encore des jours…

Villiers n’eut aucune chance avec cet article. Le Pape, qui souffrait de la goutte, guérit, lança de nouvelles bulles et pas mal d’encycliques. Quand il mourut vraiment, une histoire politique tracassait les patrons. Ils se trouvaient en conférence avec M. Vachard. Villiers entra pour les prévenir :

— Messieurs, le Pape est mort !

— Qui ça est mort ?

— Le Pape, Messieurs…

— Ah !… Eh bien ! qu’il repose en paix, le brave homme.

Il n’y eut pas de place pour l’article.