Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée

L'ART PARNASSIEN 53

œuvre : nous le voyons saigner sous l'assaut des angoisses, et sa souffrance, délaissant de plus en plus les thèmes de L'élégie, se révèle avec une qualité singulière qu'il est essentiel de bien définir. Cette souffrance est philosophique. Un de ses pre- miers poèmes, Les Chaînes, apporte déjà une nou- velle forme de poésie. Ce jeune homme qui souffre parce que de longs fils soyeux l'unissent aux étoiles, et qui s'étonne au bruit que font en lui les ébranlements douloureux des choses, sera capable de subordonner l'analyse des émotions indivi- duelles pour chanter ce qu'il y a d'universel dans ses sentiments. Ses souffrances personnelles se com- pliqueront des souffrances sourdes et inapaisées qui sillonnent les mouvements de la vie à travers les âges et il élargira sa puissance de souffrir jusqu'à souffrir de la souffrance des étoiles. Il suivra les étapes de la Passion universelle, j'allais dire de ce Calvaire où la nature entière révèle toutes les formes de la douleur. Le poème de la Justice sera la peinture de la souffrance du monde, et le reten- tissement de celte suiilfraiice dans le cœur du poète qui proteste el s'étonne, cherche l'apaisement et le trouve enfin dans cette admirable IX' veille, où la conscience humaine pousse son grand cri