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186 SULLY PRUDHOMME

tions humaines, mais avec le regard incorruptible du savant. Elle ne nous scandalise plus, puisque la conscience des choses, sourde et morne, tâtonne encore dans les ténèbres. Pourtant elle est émouvante et belle, puisqu'elle manifeste la force progressive de l'ordre. La vie cherche sa voie à travers ce bruit de rencontres, de froisse- ments et de batailles. Notre humanité s'ébauche, depuis ces origines confuses, par ces manifesta- tions inconscientes. Donc gardons-nous de nous indigner. -Nos indignations seraient déplacées, et nos exigences insoutenables. La nature ne peut pas nous offrir encore le spectacle de la fraternité; du moins elle élabore les éléments de la fraternité future. Son enseignement est déjà fécond, puis- qu'elle échappe au chaos pour obéir à l'ordre. En nous apprenant que la vie est le triomphe de l'ordre, elle apporte le fondement infrangible de la morale.

Dès lors, au-dessus de cette nature aveugle, indifférente, insolente et immorale que condam- nent nos adversaires, se dresse la figure émou- vante de la véritable nature, comme d'une aïeule très lointaine et vénérable qui ne peut pas con- naître nos meilleures joies ni réaliser nos plus