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LA NATURE ET LA JUSTICE 183

tout mon être le frisson d'enthousiasme que j'ai ressenti quand, pour la première fois, mon imagi- nation a suivi l'élan de ma pensée dans l'espace infini pour m'y représenter le peuple innombrable des astres soumis à la loi si simple de Newton. J'admire l'intuition du génie de Shakespeare, quand il nous révèle par un mot ce qui se passe dans le secret repli du cœur; mais, si le cœur est un abîme, le ciel en est un autre, et le doigt de Le Verrier marquant dans le ciel, sur la foi de ses calculs, la place précise d'une planète inconnue, me remplit d'un étonnement sublime qui ne remue pas moins le poète en moi. » {Lettre à Mounet- SuUy.)

Voilà enfin un poète qui médite devant l'uni- vers et nous parle de la nature, non plus avec les rodomontades de la demi-science qui chante les triomphes de l'homme sur la nature domptée, mais avec l'accent ému du savoir qui plie l'homme devant la puissance infinie des choses. Cette atti- tude intellectuelle lui a permis d'écarter la grande erreur humaine qui fait de l'homme le centre et La mesure des choses, et rend notre sagesse si branlante et exposée à tant de meurtrissures.

Il échappait ainsi à la méthode romantique