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la nature lui apparaît, non seulement dans son aspect brillant ou tragiqne, mais dans sa profon- deur infinie.

Il se dégage vite des émotions confuses et des ivresses lyriques et brèves, pour imposer à son esprit le tourment de la vérité et pour comprendre que la fragilité du brin d'herbe, aussi bien que la majesté des voûtes célestes, révèle cette chose formidable : la vie. Devant la fleur qui brille et passe, comme devant la profondeur azurée des cieux, il a éprouvé l'effroi de Pascal. La fleur qu'on appelle « pensée » a déroulé au fond de lui le labeur lent des méditations qu'il a prolongées à travers les âges, afin d'assister à l'éclosion des énergies qui aboutissent à cette apparition écla- tante et fugitive :

Et ses grands yeux de velours sombre Se dépliaient si lentement Qu'il me semblait que mon tourment Mesurât des siècles sans nombre.

Vite, ô fleur! l'espoir anxieux De te voir éclore m'épuise ; Que ton regard s'achève et luise Fixe et profond dans tes beaux yeux.

(Les Solitudes. ■ — La Pensée.)

L'harmonie des formes, l'éclat des couleurs et la saveur des parfums offrent aux élégiaques de