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156 SULLY PRUDHOMME

Dans un poème des Vaines Tendresses, Sully Prudhomme oppose les deux formes de l'amour : celui qui se replie pour jouir dans la solitude, et celui qui s'épanche pour créer la vie. C'est le dialogue émouvant du vent d'orage et du lis. Le vent d'orage symbolise le poète avide de création. Le lis — toujours le lis — représente l'amour ardent mais jaloux. Le lis, c'est l'Amour passion qui veut absorber l'objet de l'amour : c'est la femme, qui veut aimer dans une solitude inviolée pour retenir cet amant inquiet, toujours attiré vers le mirage. Mais le poète répond que cet amour ardent, solitaire et jaloux ne lui suffit pas; un grand désir le pousse, fait de l'angoisse de créer, du besoin de se dévouer, de multiplier les formes de la vie, et de les faire sortir du chaos où elles sommeillent. La fleur ne peut s'unir à ce grand œuvre d'épanouissement : elle n'a de force que pour aimer celui qu'elle aime, dans le nid qu'elle a construit, pour le bonheur de sa ten- dresse. Le vent d'orage en regrettant ce qu'il abandonne part pour accomplir son œuvre de dévouement, et la fleur s'épuise dans l'attente. Le soir venu, le vent et la fleur au lieu de se rejoindre sont dispersés; ils n'ont pu s'unir puisqu'ils