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108 SULLY PRUDHOMME

Dans les avenues intérieures où Sully Prud- homrae promène sa songerie, il place Marc-Au- rèle à côté de Lucrèce. Or Marc-Aurèle est un Lucrèce apaisé, mais aussi émouvant par son infrangible douceur que Lucrèce par le pathétique de sa colère et de son athéisme. La parole de Lucrèce semble éclater dans le bruit d'un combat où l'homme joue son destin : celle de Marc-Aurèle semble descendre des grands sommets solitaires où roule la Maison du Berger. Déjà, dans les Stances et Poèmes, Sully avoue la force d'exalta- tion qu'il trouve aux Pensées :

Je ne pourrai jamais terrasser dans mon âme En lisant Marc-Aurèle, Épictète ou Zenon, Le rebelle désir d'éterniser mon nom.

Sully Prudhomme médita dès sa jeunesse le soliloque émouvant du « divin Marc-Aurèle », qu'on a pu comparer à Y Imitation de Jésus-Christ pour la noblesse de l'ardeur sentimentale et la nostalgie du dévouement et du sacrifice. Pourtant l'inspiration de Marc-Aurèle semble plus tonique, parce qu'elle est moins défiante de la vie sociale, moins repliée par le goût de la solitude et du