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LE PAYSAGE INTÉRIEUR 101i

bonne heure, il résolut de ne pas s'égarer dans le pathétique et de diriger sa pensée. C'est pourquoi dans sa chambre d'étudiant de In rue Ilauteville il allumait sa lampe du soir et méditait sur les livres des sages.

L'œuvre de Lucrèce, à la fois abstraite et tra- gique, exalte et apaise sa passion de la vérité. Dans ses premiers poèmes, il élève déjà son esprit vers la sagesse de Lucrèce, de même que Lucrèce mettait sa pensée sous le patronage d'Epicure :

Je porterai Lucrèce à droite de Platon.

La qualité de nos admirations révèle la qualité de nos âmes. Ce jeune homme, occupé à suivre les épisodes fugitifs de sa sensibilité, cetélégiaque qui ressemblait à un Lamartine moins abondant et plus capable d'analyse, aborde avec courage le livre le plus hardi qui soit sorti de la pensée humaine. Comme il le déclare dans la préface de sa traduction, « il respire avec enthousiasme le grand souffle d'indépendance qui traverse l'œuvre tout entière », et il comprend le farouche de cet esprit qui s'attaque au surnaturel pour apaiser nos amertumes. Le De nalura rerum devient son livre de choix, celui qu'on ouvre aux heures