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100 SULLY PRUDHOMME

La fleur est une leçon vivante de réconfort et d'idéal. La beauté n'est pas seulement une source d'enchantement, mais une force dont la volonté a besoin pour soutenir ses audaces. Ainsi les fleurs qui tapissent ce paysage ne répandent pas seule- ment un éclat qui plaît aux yeux, mais dissé- minent à travers le monde un symbolisme émou- vant et régénérateur. Une fleur est un motif d'aspiration. Le lis est la forme idéale qui traduit l'aveu profond de la nature. Ce paysage pitto- resque se revêt spontanément d'une idée morale.

Dans ce monde intérieur, un peu dépouillé, où vivent des fleurs symboliques, l'azur joue un rôle essentiel. Au vocabulaire du poète, plus abstrait que concret, plus intellectuel que pittoresque, il apporte sa couleur harmonieuse et ardente. Mais il ne sert pas seulement à donner à la pensée un cadre éclatant, puisqu'il exprime les aspirations les plus hautes. La vue de l'azur, qui prolongeait dans le bleu vague de l'air l'égarement des effusions lamartiniennes, provoque au contraire le tourment de Sully Prudhomme. Le bleu de l'azur revêt ses plus poignantes mélancolies, car il attire d'un attrait douloureux sa pensée exaltée et mélancolique, exaltée comme un désir enivré