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94 SULLY PRUDHOMME

« théâtre ambulant » où il se donne le spectacle d'une « féerie intérieure ». Temple étoile, ciel intérieur, théâtre ambulant, féerie intérieure, voilà des expressions, non isolées, mais souvent reproduites en de variées métaphores, et qui m'invitent à décrire, non pas à l'aide de mes images, mais avec les œuvres du poète, son paysage intérieur.

Ce qui frappe d'abord, c'est la mélancolie des voix qui traversent ces avenues intérieures. Le poète est venu au monde le cœur blessé. Il nous en fait l'aveu dans un poème émouvant où il parle de ces désirs maternels qui se marquent sur l'enfant par des signes ineffaçables :

Quand tu m'aimais sans me connaître, Pâle et déjà ma mère un peu, Un nuage voguait peut-être Comme une île blanche au ciel bleu.

Tu crias : « Des ailes ! des ailes ! » Te soulevant pour défaillir, Et ces heures-là furent celles Où tu m'as senti tressaillir.

De là vient que toute, ma vie, Halluciné, faible, incertain, Je traîne l'incurable envie De quelque paradis lointain.

(Les Solitudes.)