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NANA

avec elle ? Puis, calmée brusquement, sautant à un autre sujet :

— Pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu connaissais Nana ?

— Nana ! je ne l’ai jamais vue.

— Bien vrai ?… On m’a juré que tu avais couché avec.

Mais, devant eux, Mignon, un doigt aux lèvres, leur faisait signe de se taire. Et, sur une question de Lucy, il montra un jeune homme qui passait, en murmurant :

— Le greluchon de Nana.

Tous le regardèrent. Il était gentil. Fauchery le reconnut : c’était Daguenet, un garçon qui avait mangé trois cent mille francs avec les femmes, et qui, maintenant, bibelotait à la Bourse, pour leur payer des bouquets et des dîners de temps à autre. Lucy lui trouva de beaux yeux.

— Ah ! voilà Blanche ! cria-t-elle. C’est elle qui m’a dit que tu avais couché avec Nana.

Blanche de Sivry, une grosse fille blonde dont le joli visage s’empâtait, arrivait en compagnie d’un homme fluet, très soigné, d’une grande distinction.

— Le comte Xavier de Vandeuvres, souffla Fauchery à l’oreille de la Faloise.

Le comte échangea une poignée de main avec le journaliste, tandis qu’une vive explication avait lieu entre Blanche et Lucy. Elles bouchaient le passage de leurs jupes chargées de volants, l’une en bleu, l’autre en rose, et le nom de Nana revenait sur leurs lèvres, si aigu, que le monde les écoutait. Le comte de Vandeuvres emmena Blanche. Mais, à présent, comme un écho, Nana sonnait aux quatre coins du vestibule sur un ton plus haut, dans un désir accru par l’attente. On ne commençait donc pas ? Les