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LES ROUGON-MACQUART

vrir, et une vieille dame entrait, suivie d’un jeune homme, dans lequel le journaliste reconnut l’échappé de collège, qui, le soir de la Blonde Vénus, avait lancé le fameux « très chic ! » dont on causait encore. L’arrivée de cette dame remuait le salon. Vivement, la comtesse Sabine s’était levée, pour s’avancer à sa rencontre ; et elle lui avait pris les deux mains, elle la nommait sa chère madame Hugon. Voyant son cousin regarder curieusement cette scène, la Faloise, afin de le toucher, le mit au courant, en quelques mots brefs : madame Hugon, veuve d’un notaire, retirée aux Fondettes, une ancienne propriété de sa famille, près d’Orléans, conservait un pied-à-terre à Paris, dans une maison qu’elle possédait, rue de Richelieu ; y passait en ce moment quelques semaines pour installer son plus jeune fils, qui faisait sa première année de droit ; était autrefois une grande amie de la marquise de Chouard et avait vu naître la comtesse, qu’elle gardait des mois entiers chez elle, avant son mariage, et qu’elle tutoyait même encore.

— Je t’ai amené Georges, disait madame Hugon à Sabine. Il a grandi, j’espère !

Le jeune homme, avec ses yeux clairs et ses frisures blondes de fille déguisée en garçon, saluait la comtesse sans embarras, lui rappelait une partie de volant qu’ils avaient faite ensemble, deux ans plus tôt, aux Fondettes.

— Philippe n’est pas à Paris ? demanda le comte Muffat.

— Oh ! non, répondit la vieille dame. Il est toujours en garnison à Bourges.

Elle s’était assise, elle parlait orgueilleusement de son fils aîné, un grand gaillard qui, après s’être engagé dans un coup de tête, venait d’arriver très vite