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LES ROUGON-MACQUART

son expérience, quand madame paraissait s’emballer avec sa mauvaise tête.

— Monsieur Steiner aussi ? demanda-t-elle d’une voix brève.

— Certainement, répondit Nana. Lui avant les autres.

La bonne attendit encore pour donner à madame le temps de la réflexion. Madame ne serait donc pas fière d’enlever à sa rivale, Rose Mignon, un monsieur si riche, connu dans tous les théâtres ?

— Dépêchez-vous donc, ma chère, reprit Nana, qui comprenait parfaitement, et dites-lui qu’il m’embête.

Mais, brusquement, elle eut un retour ; le lendemain, elle pouvait en avoir envie ; et elle cria avec un geste de gamin, riant, clignant les yeux :

— Après tout, si je veux l’avoir, le plus court est encore de le flanquer à la porte.

Zoé parut très frappée. Elle regarda madame, prise d’une subite admiration, puis alla flanquer Steiner à la porte, sans balancer.

Cependant, Nana patienta quelques minutes, pour lui laisser le temps de balayer le plancher, comme elle disait. On n’avait pas idée d’un pareil assaut ! Elle allongea la tête dans le salon ; il était vide. La salle à manger, vide également. Mais, comme elle continuait sa visite, tranquillisée, certaine qu’il n’y avait plus personne, elle tomba tout d’un coup sur un petit jeune homme, en poussant la porte d’un cabinet. Il était assis en haut d’une malle, bien tranquille, l’air très sage, avec un énorme bouquet sur les genoux.

— Ah ! mon Dieu ! cria-t-elle. Il y en a encore un là-dedans !

Le petit jeune homme, en l’apercevant, avait sauté