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NANA

Elle était exaspérée de cette surprise. Jamais elle ne cédait ainsi chez elle, dans ce salon, les portes ouvertes. Il avait fallu toute une histoire, une querelle de Georges, enragé de jalousie contre Philippe ; il sanglotait si fort à son cou, qu’elle s’était laissé faire, ne sachant comment le calmer, très apitoyée au fond. Et, pour une fois qu’elle commettait la bêtise de s’oublier ainsi, avec un galopin qui ne pouvait même plus lui apporter des bouquets de violettes, tant sa mère le tenait serré, juste le comte arrivait et tombait droit sur eux. Vrai ! pas de chance ! Voilà ce qu’on gagnait à être bonne fille !

Cependant, l’obscurité était complète dans la chambre, où elle avait poussé Muffat. Alors, à tâtons, elle sonna furieusement pour demander une lampe. Aussi, c’était la faute de Julien ! S’il y avait eu une lampe dans le salon, rien de tout cela ne serait arrivé. Cette bête de nuit qui tombait lui avait retourné le cœur.

— Je t’en prie, mon chat, sois raisonnable, dit-elle, lorsque Zoé eut apporté de la lumière.

Le comte, assis, les mains sur les genoux, regardait par terre, dans l’hébétement de ce qu’il venait de voir. Il ne trouvait pas un cri de colère. Il tremblait, comme pris d’une horreur qui le glaçait. Cette douleur muette toucha la jeune femme. Elle essayait de le consoler.

— Eh bien ! oui, j’ai eu tort… C’est très mal, ce que j’ai fait… Tu vois, je regrette ma faute. J’en ai beaucoup de chagrin, puisque ça te contrarie… Allons, sois gentil de ton côté, pardonne-moi.

Elle s’était accroupie à ses pieds, cherchant son regard d’un air de tendresse soumise, pour savoir s’il lui en voulait beaucoup ; puis, comme il se remettait, en soupirant longuement, elle se fit plus câline, elle