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LES ROUGON-MACQUART

— Tiens ! elle a mes cheveux ! cria Nana ravie. Dites donc, vous savez que j’en suis fière !

On escaladait le landau, Bordenave faillit mettre le pied sur Louiset, que sa mère oubliait. Il le prit avec des grognements paternels, il le haussa sur son épaule, en murmurant :

— Ce pauvre mioche, faut qu’il en soit… Attends, je vais te faire voir maman… Hein ? là-bas, regarde le dada.

Et, comme Bijou lui grattait les jambes, il s’en chargea également ; tandis que Nana, heureuse de cette bête qui portait son nom, jetait un regard aux autres femmes, pour voir leur tête. Toutes enrageaient. À ce moment, sur son fiacre, la Tricon, immobile jusque-là, agitait les mains, donnait des ordres à un bookmaker, par-dessus la foule. Son flair venait de parler, elle prenait Nana.

La Faloise, cependant, menait un bruit insupportable. Il se toquait de Frangipane.

— J’ai une inspiration, répétait-il. Regardez donc Frangipane. Hein ? quelle action !… Je prends Frangipane à huit. Qui est-ce qui en a.

— Tenez-vous donc tranquille, finit par dire Labordette. Vous vous donnez des regrets.

— Une rosse, Frangipane, déclara Philippe. Il est déjà tout mouillé… Vous allez voir le canter.

Les chevaux étaient remontés à droite, et ils partirent pour le galop d’essai, passant débandés devant les tribunes. Alors, il y eut une reprise passionnée, tous parlaient à la fois.

— Trop long d’échine, Lusignan, mais bien prêt… Vous savez, pas un liard sur Valerio II ; il est nerveux, il galope la tête haute, c’est mauvais signe… Tiens ! c’est Burne qui monte Spirit… Je vous dis qu’il n’a pas d’épaule. L’épaule bien construite, tout est là…