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LES ROUGON-MACQUART

du Bois. Et c’était comme une gaieté du ciel, soulevant les rires des femmes rassurées ; tandis que la nappe d’or, dans l’ébrouement des chevaux, dans la débandade et l’agitation de cette foule trempée qui se secouait, allumait la pelouse toute ruisselante de gouttes de cristal.

— Ah ! ce pauvre Louiset ! dit Nana. Es-tu beaucoup mouillé, mon chéri ?

Le petit, sans parler, se laissa essuyer les mains. La jeune femme avait pris son mouchoir. Elle tamponna ensuite Bijou, qui tremblait plus fort. Ce ne serait rien, quelques taches sur le satin blanc de sa toilette ; mais elle s’en fichait. Les bouquets, rafraîchis, avaient un éclat de neige ; et elle en respirait un, heureuse, mouillant ses lèvres comme dans de la rosée.

Cependant, ce coup de pluie avait brusquement empli les tribunes. Nana regardait avec sa jumelle. À cette distance, on distinguait seulement une masse compacte et brouillée, entassée sur les gradins, un fond sombre que les taches pâles des figures éclairaient. Le soleil glissait par des coins de toiture, écornait la foule assise d’un angle de lumière, où les toilettes semblaient déteindre. Mais Nana s’amusait surtout des dames que l’averse avait chassées des rangées de chaises, alignées sur le sable, au pied des tribunes. Comme l’entrée de l’enceinte du pesage était absolument interdite aux filles, Nana faisait des remarques pleines d’aigreur sur toutes ces femmes comme il faut, qu’elle trouvait fagotées, avec de drôles de têtes.

Une rumeur courut, l’impératrice entrait dans la petite tribune centrale, un pavillon en forme de chalet, dont le large balcon était garni de fauteuils rouges.