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LES ROUGON-MACQUART

terre, sur ses peaux d’ours, retirait ses bas, il parlait amicalement de ces messieurs, de Philippe surtout, qui était la loyauté même.

— Ça, c’est bien vrai, ils sont gentils, disait Nana, restée par terre à changer de chemise. Seulement, tu sais, ils voient qui je suis… Un mot, et je te les flanquerais à la porte !

Cependant, dans son luxe, au milieu de cette cour, Nana s’ennuyait à crever. Elle avait des hommes pour toutes les minutes de la nuit, et de l’argent jusque dans les tiroirs de sa toilette, mêlé aux peignes et aux brosses ; mais ça ne la contentait plus, elle sentait comme un vide quelque part, un trou qui la faisait bâiller. Sa vie se traînait inoccupée, ramenant les mêmes heures monotones. Le lendemain n’existait pas, elle vivait en oiseau, sûre de manger, prête à coucher sur la première branche venue. Cette certitude qu’on la nourrirait, la laissait allongée la journée entière, sans un effort, endormie au fond de cette oisiveté et de cette soumission de couvent, comme enfermée dans son métier de fille. Ne sortant qu’en voiture, elle perdait l’usage de ses jambes. Elle retournait à des goûts de gamine, baisait Bijou du matin au soir, tuait le temps à des plaisirs bêtes, dans son unique attente de l’homme, qu’elle subissait d’un air de lassitude complaisante ; et, au milieu de cet abandon d’elle-même, elle ne gardait guère que le souci de sa beauté, un soin continuel de se visiter, de se laver, de se parfumer partout, avec l’orgueil de pouvoir se mettre nue, à chaque instant et devant n’importe qui, sans avoir à rougir.

Le matin, Nana se levait à dix heures. Bijou, le griffon écossais, la réveillait en lui léchant la figure ; et c’était alors un joujou de cinq minutes, des courses du chien à travers ses bras et ses cuisses,