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LES ROUGON-MACQUART

Bosc s’en alla en grognant : on les retenait sans nécessité, on leur faisait perdre des après-midi entières. Tout le monde partit. En bas, sur le trottoir, ils battaient des paupières, aveuglés par le plein jour, avec l’ahurissement de gens qui ont passé trois heures au fond d’une cave, à se quereller, dans une tension continuelle des nerfs. Le comte, les muscles brisés, la tête vide, monta en voiture avec Nana, tandis que Labordette emmenait Fauchery, qu’il réconfortait.

Un mois plus tard, la première représentation de la Petite Duchesse fut, pour Nana, un grand désastre. Elle s’y montra atrocement mauvaise, elle eut des prétentions à la haute comédie, qui mirent le public en gaieté. On ne siffla pas, tant on s’amusait. Dans une avant-scène, Rose Mignon accueillait d’un rire aigu chaque entrée de sa rivale, allumant ainsi la salle entière. C’était une première vengeance. Aussi, lorsque Nana, le soir, se retrouva seule avec Muffat, très chagrin, lui dit-elle furieusement :

— Hein ! quelle cabale ! Tout ça, c’est de la jalousie… Ah ! s’ils savaient comme je m’en fiche ! Est-ce que j’ai besoin d’eux, maintenant !… Tiens ! cent louis que tous ceux qui ont rigolé, je les amène là, à lécher la terre devant moi !… Oui, je vais lui en donner de la grande dame, à ton Paris !