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LES ROUGON-MACQUART

voulu, par une perversion de ses goûts de monstre.

Cependant, lorsque Labordette reparut et qu’il s’approcha du comte, Rose Mignon, mise en éveil par la présence de Nana, comprit tout d’un coup. Muffat l’assommait, mais la pensée d’être lâchée ainsi la jeta hors d’elle. Elle sortit du silence qu’elle gardait d’ordinaire sur ces choses avec son mari, elle lui dit crûment :

— Tu vois ce qui se passe ?… Ma parole, si elle recommence le tour de Steiner, je lui arrache les yeux !

Mignon, tranquille et superbe, haussa les épaules en homme qui voit tout.

— Tais-toi donc ! murmura-t-il. Hein ? fais-moi le plaisir de te taire !

Lui, savait à quoi s’en tenir. Il avait vidé son Muffat, il le sentait, sur un signe de Nana, prêt à s’allonger pour lui servir de tapis. On ne lutte pas contre des passions pareilles. Aussi, connaissant les hommes, ne songeait-il plus qu’à tirer le meilleur parti possible de la situation. Il fallait voir. Et il attendait.

— Rose, en scène ! cria Bordenave, on recommence le deux.

— Allons, va ! reprit Mignon. Laisse-moi faire.

Puis, goguenard quand même, il trouva drôle de complimenter Fauchery sur sa pièce. Très forte, cette pièce-là ; seulement, pourquoi sa grande dame était-elle si honnête ? Ce n’était pas nature. Et il ricanait, en demandant qui avait posé pour le duc de Beaurivage, le ramolli de Géraldine. Fauchery, loin de se fâcher, eut un sourire. Mais Bordenave, jetant un regard du côté de Muffat, parut contrarié, ce qui frappa Mignon, redevenu grave.

— Commençons-nous, nom de Dieu ! gueulait le directeur. Allons donc, Barillot !… Hein ? Bosc n’est pas là ? Est-ce qu’il se fout de moi, à la fin !