Page:Zola - Nana.djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
NANA

plus, il venait de triompher dans les couloirs. À son côté, le jeune échappé de collège n’avait pas quitté son fauteuil, dans la stupeur d’admiration où Nana le plongeait. C’était ça, c’était la femme ; et il devenait très rouge, il mettait et retirait machinalement ses gants. Puis, comme son voisin avait causé de Nana, il osa l’interroger.

— Pardon, monsieur, cette dame qui joue, est-ce que vous la connaissez ?

— Oui, un peu, murmura Daguenet, surpris et hésitant.

— Alors, vous savez son adresse ?

La question tombait si crûment, adressée à lui, qu’il eut envie de répondre par une gifle.

— Non, dit-il d’un ton sec.

Et il tourna le dos. Le blondin comprit qu’il venait de commettre quelque inconvenance ; il rougit davantage et resta effaré.

On frappait les trois coups, des ouvreuses s’entêtaient à rendre les vêtements, chargées de pelisses et de paletots, au milieu du monde qui rentrait. La claque applaudit le décor, une grotte du mont Etna, creusée dans une mine d’argent, et dont les flancs avaient l’éclat des écus neufs ; au fond, la forge de Vulcain mettait un coucher d’astre. Diane, dès la seconde scène, s’entendait avec le dieu, qui devait feindre un voyage pour laisser la place libre à Vénus et à Mars. Puis, à peine Diane se trouvait-elle seule, que Vénus arrivait. Un frisson remua la salle. Nana était nue. Elle était nue avec une tranquille audace, certaine de la toute-puissance de sa chair. Une simple gaze l’enveloppait ; ses épaules rondes, sa gorge d’amazone dont les pointes roses se tenaient levées et rigides comme des lances, ses larges hanches qui roulaient dans