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LES ROUGON-MACQUART

cendrés, elle avait une figure de vierge aux yeux de velours, doux et candides ; et elle portait une robe de soie verte déteinte, avec un chapeau rond que des gifles avaient défoncé. La fraîcheur de la nuit la rendait toute blanche.

— Tiens, voilà Satin, murmura Fauchery en l’apercevant.

La Faloise le questionna. Oh ! une rouleuse du boulevard, rien du tout. Mais elle était si voyou, qu’on s’amusait à la faire causer. Et le journaliste, haussant la voix :

— Que fais-tu donc là, Satin ?

— Je m’emmerde, répondit Satin tranquillement, sans bouger.

Les quatre hommes, charmés, se mirent à rire.

Mignon assurait qu’on n’avait pas besoin de se presser ; il fallait vingt minutes pour poser le décor du troisième acte. Mais les deux cousins, qui avaient bu leur bière, voulurent remonter ; le froid les prenait. Alors, Mignon, resté seul avec Steiner, s’accouda, lui parla dans la figure.

— Hein ? c’est entendu, nous irons chez elle, je vous présenterai… Vous savez, c’est entre nous, ma femme n’a pas besoin de savoir.

Revenus à leurs places, Fauchery et la Faloise remarquèrent aux secondes loges une jolie femme, mise avec modestie. Elle était en compagnie d’un monsieur d’air sérieux, un chef de bureau au ministère de l’intérieur, que la Faloise connaissait, pour l’avoir rencontré chez les Muffat. Quant à Fauchery, il croyait qu’elle se nommait madame Robert : une femme honnête qui avait un amant, pas plus, et toujours un homme respectable.

Mais ils durent se tourner. Daguenet leur souriait. Maintenant que Nana avait réussi, il ne se cachait